PSYCHO : Cash game ou tournois, quel joueur êtes-vous ?


PSYCHO : Cash game ou tournois, quel joueur êtes-vous ?

Lucille Cailly, l'une des meilleures joueuses françaises, vous explique les différences entre les deux disciplines.


 
Réussir en cash game ou en tournoi ne requiert pas les mêmes qualités, et pratiquer l’une ou l’autre de ces disciplines ne relève d’ailleurs ni des mêmes ambitions, ni des mêmes motivations. Lucille Cailly vous explique donc tout ce qu’il vous faut savoir pour identifier ou décider du joueur – gagnant – que vous êtes.    

Les tournois et le cash game sont deux disciplines très différentes. C’est pourquoi le talent d’un joueur dans l’un de ces deux formats ne se traduit pas nécessairement dans l’autre ; et vice-versa. Par exemple, Chris Ferguson comptabilise plus de huit millions de dollars de gains en tournoi mais admet sans honte qu’il est loin d’avoir la même aisance en cash game. Phil Hellmuth, tout auréolé soit-il de ses onze bracelets et de ces onze millions de gains en tournoi génère de longues listes d’attente lorsqu’il s’installe à une table de cash game. De leur côté, des joueurs comme Tom « durrrr » Dwan ou Ilarii « Ziigmund » Sahamies, terreurs des cash games hautes limites, tant en Hold’em qu’en Omaha, ne suscite pas la même crainte en tournoi, où ils performent « moins » – entendez, par comparaison. Au final, rares sont les joueurs qui, comme Phil Ivey, connaissent le succès dans ces deux univers.

C’est pourquoi il vous faut savoir lequel de ces formats vous correspond le mieux, à tous les niveaux. A cet effet, une question, d’apparence simple mais plus complexe qu’il n’y paraît, s’impose : pour quelles raisons jouez-vous au poker ? Et avec quels objectifs ?

Pour la beauté du jeu, par amour de la compétition

L’argent et le goût du jeu sont de réelles motivations, naturellement, mais encore ? Faites-vous partie de ces personnes qui ne considèrent avoir gagné que lorsqu’ils finissent sur un podium ? Si c’est le cas, dirigez-vous bien évidemment vers les tournois. Et pour cause : personne ne vous décernera de médaille pour vos résultats en cash game, tandis qu’une victoire en tournoi vous permettra de ramener chez vous un trophée qui attestera de votre performance et trouvera sa place sur votre cheminée… ou au fin fond d’un débarras selon l’envergure du tournoi et l’esthétisme de l’objet en question.

Les joueurs de tournois sont dithyrambiques sur l’adrénaline que procure une table finale ou une première place et tous s’accordent à dire qu’il n’y a pas de sensation comparable en cash game.

Ou alors peut-être jouez-vous pour la gloire, ou du moins la reconnaissance : dans l’espoir de vous retrouver en table finale télévisée, de décrocher un contrat de sponsoring, voire de devenir célèbre. Les joueurs connus ou reconnus pour leurs résultats en cash game ne sont, eux, qu’une infime minorité. Ainsi, les joueurs disputant des parties de cash game télévisées ne sont qu’une poignée, la plupart déjà reconnus, notamment pour leur résultats en tournoi – aussi contradictoire que cela puisse paraître.

De plus, les sites online sponsorisent principalement des joueurs de tournoi. Même des joueurs jusqu’alors inconnus, au niveau parfois discutable mais ayant gagné un tournoi prestigieux auront bien de facilités à décrocher le saint Graal qu’un joueur présent sur les grosses tables de cash game depuis des années et pouvant s’enorgueillir d’un excellent winrate.

Si l’un de vos rêves est de faire un jour la couverture de LivePoker, tenez-vous en donc aux tournois !

Le grind ou le jackpot ?

Un autre paramètre est à prendre en compte impérativement selon votre profil : la variance. Entre cash game et tournois, celle-ci est diamétralement opposée. Evidemment, vous pouvez runner très bad en cash game, des sessions durant, mais cela reste anodin au regard de la variance qu’expérimentent les joueurs de tournoi. Et si vous vous dites que certains joueurs parviennent bien à gagner des millions, gardez à l’esprit que les joueurs comme Phil Hellmuth disputent à peu près tous les tournois auxquels ils peuvent participer selon le calendrier des compétitions. Eux aussi connaissent parfois de longues périodes de disette. De plus, les tournois rétribuent entre 10 et 15 % des joueurs et faire un simple ITM ne rapporte généralement pas grand chose. En revanche, remporter un tournoi vaut généralement de repartir avec une somme conséquente par rapport à l’investissement initial, somme qui peut parfois aller jusqu’à changer une vie !

Malheureusement, vous pouvez jouer votre A-game et ne pas enregistrer de résultats pendant très longtemps. C’est la dure loi des tournois : impossible de remettre des jetons sur la table pour déstacker le fish qui vous a infligé un énorme bad beat et s’est emparé de votre chance d’arriver premier.

En cash game, la variance impacte beaucoup moins les sessions et si vous avez un jeu gagnant, même en runnant très bad, vous serez positif sur le long terme – et constaterez même un gain horaire moyen assez rapidement –, tandis qu’en tournoi vous pouvez perdre 100 buy-in en jouant votre meilleur poker. 

Les résultats sont d’ailleurs nettement moins significatifs du niveau des joueurs en tournoi qu’en cash game. Les joueurs qui gagnent le plus en cash game, proportionnellement à leurs limites et sur un échantillon important de mains, sont les meilleurs. A contrario, le Main Event des WSOP, par exemple, atteste parfaitement du fait que ce n’est pas toujours le meilleur joueur du field qui gagne …

Deux styles de vie 

Autre grande différence entre ces deux disciplines : la liberté que procure le cash game. En partie d’argent, vous n’êtes pas obligés de jouer jusqu’à ce qu’aucun de vos ronds de plastique n’ait survécu. Vous pouvez vous lever quand bon vous semble, et jouer tant qu’il vous plaira – ou du moins tant que vos finances le permettent. Rien ne vous oblige à continuer de jouer si un gros mal de crâne vous saisit brutalement, et même si cela est moyennement apprécié, rien de vous empêche de vous lever juste après votre premier gros pot gagné.

De plus, l’immense avantage du cash game par rapport aux tournois consiste en la disponibilité des parties. Si vous avez la chance d’habiter près d’un casino ou d’un cercle ou grâce à une simple connexion Internet, vous trouverez des parties à toute heure du jour et de la nuit, et ce, quelles que soient vos limites. Vous pourrez donc commencer votre session après le déjeuner chez mamie et la terminer à temps pour votre rendez-vous avec la jolie blonde que vous poursuivez depuis des mois.

Evidemment, tout ceci ne vaut pas pour les tournois qui eux, démarrent à une heure précise… mais on ne sait jamais quand ils se terminent. Si vous avez la chance d’aller au bout de la compétition, cela vous coûtera 12 heures de temps, vous obligeant à vous coucher à 5 h du matin en pleine semaine, ou deux jours, quand ce n’est pas une pleine semaine. Si votre emploi du temps ne vous permet pas ce genre de fantaisie, les tournois seront rarement une bonne option. 

Certes, les tournois online sont beaucoup moins longs et en nombre ; mais malheureusement, vous ne trouverez pas de tournoi à gros prize pool à 14h et chaque deep run vous vaudra des commentaires sur votre mauvaise mine le lendemain au bureau, alors que vous aurez parfois terminé 9e sur quelques chose qui vous aura semblé comme un million de joueurs pour ne finalement gagner que quelques buy-ins.

Bref, si vous avez des contraintes de temps, des obligations familiales, besoin de beaucoup de sommeil ou un temps de concentration limité, le cash game est fait pour vous.



Gestion de tilt et de bankroll

Le dernier paramètre qui vous décidera entre le cash game et les tournois est cette fois d’ordre humain et relève de votre mental ; et plus globalement, de votre faculté à gérer le stress, le tilt et la défaite. En tournoi, vos pertes sont pour ainsi dire « capées » : vous ne perdrez pas plus que votre investissement d’origine, c’est-à-dire le buy-in du tournoi. Et c’est un réel point positif si vous avez une certaine propension au tilt ; si, après quelques bad beats, vous passez en mode spew, vous ne perdrez que votre stack, et donc votre buy-in. 

A contrario, en cash game, vous pouvez prendre des mauvais coups, perdre votre stack, mal jouer une main, tilter – pas forcément dans cet ordre – et cela peut continuer jusqu’à ce qu’il ne vous reste même de quoi prendre un taxi. Si vous vous reconnaissez dans l’histoire du joueur en tilt qui a mis en jeu mère, père et bouledogue français sur une cash de cash game parce qu’il n’a pas su s’arrêter, les tournois sont assurément l’option à privilégier. Bien sûr, vous pouvez relancer un autre tournoi, plus cher même, mais vous admettrez que c’est là un comportement bien plus typique du cash game que du tournoi. Je n’ai jamais entendu : « Ok, j’ai bust du tournoi à 30 euros, je vais aller me refaire sur un 300 ! »

Tout ceci étant posé, rien ne vous empêche de partir à la conquête de ces deux mondes malgré tout. Auquel cas il ne me reste plus qu’à vous souhaiter d’atteindre l’objectif unique et commun à ces deux univers : récupérer tous les jetons de la table !

L'AVIS DES JOUEURS 

Ils sont plutôt…

Ilan Boujenah

En tournoi, le jeu est moins deep et laisse donc moins de place à la créativité : ce sont toujours les même lines, les mêmes showdowns... Quel ennui ! Sans compter que l’on gagne énormément de pots qui ne valent pas le moindre argent. Le cash game, c'est le boulot, la meilleure façon de monter de l'argent. Cette discipline reste une compétition dans le sens où il faut monter de limites, une par une… Et rien n’est plus agréable que de voir un coup te rapporter de l'argent immédiatement !

Clément Thumy 

J'ai choisi les tournois car c’était mon seul moyen de gagner au l’argent à mes débuts : ne voulant pas investir le moindre euro pour commencer à bâtir ma bankroll, j’ai naturellement démarré par les freerolls. Ensuite, la compétition, les classements du type classement Pocketfives ou LivePoker ont été une source de motivation supplémentaire qui m’a permis de me lasser moins vite des sessions online. De plus, l’adrénaline que procure une fin de tournoi et l’incroyable sentiment de satisfaction d’être venir à bout de plusieurs centaines, voire milliers d’adversaires, n’existent absolument pas en cash game.

Olivier Douce 

Parce que je ne suis pas un joueur pro et que je ne vis pas du poker, je n’ai pas besoin de jouer en cash game. Ainsi, le poker n’est pas un boulot pour moi, mais un sport, dont j’apprécie tout particulièrement l’aspect compétitif. Les tournois sont de surcroît plus équitables dans le sens où tout le monde démarre avec le même stack, et donc, de  ce point de vue, avec la même chance. En cash game, cet équilibre est rompu, et la richesse du compte en banque reste un facteur non négligeable. 

Basil Yaïche

Je préfère incontestablement le cash game. Pour commencer, ce format est plus rapide mais surtout, plus intéressant techniquement et demande bien plus de créativité. C’est de surcroît une discipline bien moins frustrante qui, personnellement, me fait davantage vibrer.

Julien Brécard

Je préfère de loin jouer en tournoi car je ne suis pas au niveau des meilleurs regs de cash game et que ça m’ennuie aujourd'hui de devoir redémarrer du début. Je trouve que les tournois ont un coté magique, avec un début et une finalité. J'aime aussi les changements de vitesse que doit imprimer à son jeu un joueur de tournoi au gré des différentes phases de jeu.

Arnaud Mattern

Je préfère incontestablement les tournois. Malgré des décisions techniques un peu plus pointues en cash game dues à la plus grande profondeur des tapis, le jeu de tournoi reste un test d'endurance, de mental, de technique et de discipline où la moindre erreur peut être sanctionnée (et l’est d’ailleurs souvent), ce qui revient à voir partir en fumée plusieurs heures, voire jours de travail.

Le metagame fait partie intégrante du jeu en MTT. Les diverses phases de tournoi en font un jeu à multiples niveaux de pensée, bien plus riche qu'en cash game où tu dois "seulement" te contenter du metagame, jouer ton A-game, capitaliser sur le tilt adverse et trouver des spots "bêtement" EV+.

Enfin, les voyages, la médiatisation, les rencontres et l' espoir de pouvoir remporter un million de dollars ou plus, en 5 jours, pour une mise initiale de 5 ou 10.000 $, est difficile à réaliser en cash game...

Thomas Bichon

Choisir entre le jeu de tournoi et le cash game revient à choisir entre deux filles dont on serait tombé éperdument amoureux ! Au poker comme dans la vie professionnelle en général, le choix du coeur n’est pas toujours le bon et la raison recommande souvent d’aller vers l’activité la plus sécurisante financièrement. Pour moi, le cash game est roi. Le joueur de poker doit être indépendant financièrement et c’est justement cet "assistanat financier" qui me gêne chez les joueurs de tournoi. Sans sponsor, adieu le Poker ! Je rends hommage ici aux regs de MTT online qui n’ont, à l’instar des joueurs de cash game, que leur savoir-faire à opposer au monstre invisible que représentent le prélèvement et les autres frais, d’autant plus faramineux qu’on aborde la vie de joueur de tournois live. 

Claire Renaut

Pour moi, le cash game, c'est le chaos. Je ne sais jamais quand m'asseoir, où et surtout, quand me lever ! J'ai du mal à m'y fixer des objectifs. J'aime jouer en tournoi car le but est clairement affiché : être le dernier survivant. De même, le jeu et les enjeux sont différents : perdre ses jetons, c'est synonyme de mourir, certes, mais pas de remettre la main à la poche. J'aime aussi voir le nombre de joueurs diminuer progressivement, assister à l’éclatement de la bulle, me réjouir d'avoir réussi la première étape, changer de jeu en fonction de la profondeur qui varie, disputer une finale et… sentir la win au bout du chemin !

 

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