Philippe Ktorza : « Il n’y a pas la volonté de créer un statut du joueur de poker mais surtout celle de traire la vache à  lait »


Philippe Ktorza : « Il n’y a pas la volonté de créer un statut du joueur de poker mais surtout celle de traire la vache à  lait »

Le pro PMU parle des difficultés pour les joueurs français de se défendre face au fisc.


Philippe Ktorza s’est imposé au fil des années comme l’un des fers de lance du poker français. Légitimé par des résultats de plus en plus impressionnants, le pro PMU est aussi de tous les combats du poker hexagonal. Dans une interview accordée au bloggeur de L'Express Julien Tissot, l’un des ambassadeurs de l’EFPT ait le bilan de son début d’année et revient sur les problèmes des joueurs français avec le fisc et les solutions pour y remédier. Extraits :

Quel bilan dressez-vous de vos participations en tournoi depuis le début 2013 ?

Philippe Ktorza : Je suis globalement, et objectivement, satisfait de ce début d’année 2013. La machine a mis un peu plus de temps à se mettre en route par rapport à l’année dernière, puisque j’ai dû attendre le mois de mars pour enregistrer mon premier résultat, mais après mon World Poker Tour National Mauritius réussi, j’ai su enchainer les performances. Cela s’explique par un changement stratégique : je ne vise plus uniquement la place payée, la petite ligne au palmarès. Je joue vraiment pour la gagne, pour LA performance . Cela implique donc de prendre plus de risques aux portes de l’argent et plus généralement au cours du tournoi.

Vous êtes souvent le porte-voix de ce que ressentent de nombreux joueurs notamment sur la question de la fiscalité. Où en êtes-vous de votre projet de syndicat de joueurs ?

Le milieu du poker était-il préparé à un tel BOOM il y a quelques années? Je ne pense pas. Nos institutions étaient-elles préparées pour un tel phénomène? Encore moins. Cet engouement pour le poker s’est donc développé (trop vite, trop fort?) sur un sol instable, sans réelle base solide. Il y a quelques années, pas si lointaines d’ailleurs, c’était la folie! Tout le monde pouvait espérer une part du gâteau et l’obtenir. Aujourd’hui, la part est très difficile à obtenir et même à conserver! La folie a laissé la place à la douche froide.

Sur la fiscalité, l’administration fiscale a changé les règles du jeu en cours de partie. Le poker se joue dans les casinos et les cercles. Or, les jeux autorisés dans ces établissements ne doivent être que des jeux de hasard. Le poker en ligne a été régulé en France par la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Le poker rentre dans cette loi. On peut donc en déduire que dans les textes, pour la loi, le poker est un jeu de hasard. Or, théoriquement, les jeux de hasard ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Pourquoi aurions-nous déclaré nos gains et nos frais?

Or, depuis un peu plus de deux ans, les gros joueurs réguliers se font redresser par le fisc sur leurs gains tirés du poker! Ils sont accusés d’avoir pratiqué une activité occulte. Nous nous sommes littéralement transformés en vaches à lait !

Il fallait donc réagir dans un premier temps pour essayer de réunir et de discuter de ce problème . Certains joueurs anticipent et partent en exil, de peur que le fisc leur tombe sur le dos. Les joueurs ont presque peur de gagner une somme importante qui pourrait éveiller la curiosité de l’administration fiscale. Comment pratiquer notre passion dans ces conditions ?

Il y a encore beaucoup de tenants et d’aboutissants que je n’évoque pas, mais la réflexion est actuellement menée avec nos avocats. Nous essayons de nous regrouper, de nous fédérer mais le résultat est incertain. Tant qu’il n’y aura pas une fédération instituée par les instances politiques (comme n’importe quelle fédération sportive par exemple), alors notre voix n’aura aucune garantie d’être écoutée. C’est difficile et la situation est très délicate pour de nombreux joueurs, nous essayons de nous battre avec nos moyens. Aujourd’hui tout le monde peut créer une fédération du poker, cela a déjà été le cas par le passé, et cela a été un échec.

Fonder une fédération est une chose séduisante, mais qui est professionnel? Qui est amateur? Quand passe-t-on professionnel et quand ne l’est-on plus? Ces questions, ni l’administration fiscale ni les politiques n’y ont répondu. Nous sommes considérés comme des fraudeurs! Mauvais fraudeurs puisque nous nous exposons dans nos médias spécialisés et que les résultats des tournois sont facilement disponibles sur internet. Il n’y a donc pas une réelle volonté de légiférer et de créer un statut du joueur de poker, il y a surtout la volonté de traire la vache à lait. Il est vrai que lorsque j’ai des choses à dire, je le fais dans mon intérêt et celui de tous les joueurs poker, je suis un vrai passionné.

Quel est votre pire souvenir de poker ?

J’en ai, en réalité, une multitude. Chaque élimination est un moment difficile à vivre. Vous êtes rejeté de la partie, dégagez on ne veut plus de vous, vous n’avez plus de jetons. Pour peu que la journée ait été catastrophique, vous vous retrouvez seul dans les couloirs du casino, puis vous pousser la porte de votre chambre, vous êtes seul et vous attendez que la journée soit terminée pour retrouver vos amis qui, eux, sont toujours dans le tournoi. Il y a toujours un besoin de reprendre ses esprits après une sortie, surtout si la famille n’est pas là. Si elle est avec moi, je file la retrouver et je décompresse. Mais l’élimination d’un tournoi est toujours quelque chose que je vis assez mal.

 

 

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