INTERVIEW : Antoine Saout, retour vers le futur
Le Breton revient pour LivePoker sur son deeprun et sa belle love story avec le plus beau tournoi du monde…
S’il y a un joueur français dont l’histoire est associée au Main Event des WSOP, c’est bien Antoine Saout.
Révélé en 2009 après avoir pris la troisième place du tournoi, il a presque récidivé huit ans après en terminant cinquième, laissant le podium à Benjamin Pollak.
Le Breton revient pour LivePoker sur cet incroyable deeprun et sa belle love story avec le plus beau tournoi du monde…
Table finale en 2009, 25ème l’an passé, 5e cette année… Quel est ton secret pour deeprun dans le Main Event des WSOP ?
Cela doit être mon tournoi ! (rires) En 2009 c’était mon premier gros buy-in. Avec l’expérience j’ai réussi à deeprun encore l’année dernière et cette année j’ai atteint ma deuxième table finale. Je n’en reviens pas ! Il y a quelques facteurs : le premier point important est la structure qui est magnifique avec des niveaux de deux heures. On a vraiment le temps de mettre en place notre meilleur poker et de profiter des joueurs
« amateurs » en début de tournoi. Mais du coup il faut être préparé à jouer un vrai marathon de poker durant dix jours avec très peu de repos. Une chose en commun pour mes trois deep runs ? J’ai connu une progression linéaire en étant souvent bien au dessus de la moyenne, en alternant agressivité et patience.
Pensais-tu avoir un jour l’opportunité de refaire une table finale sur ce tournoi ?
Oui bien sûr, du moins je l’espérais. A la base, on joue des tournois pour les gagner !
C’est le plus beau tournoi du monde. L’année dernière j’avais approché cette opportunité au Day 7 mais j’ai fini 25ème, et cette année je l’ai fait ! Et j’aurais peut-être une nouvelle occasion pour décrocher le titre. On y croit ! (rires)
Comment as-tu préparé la finale cette année ? Qu’as-tu changé par rapport à 2009 ?
En 2009, la table finale était en novembre. Je venais d’être sponsorisé et durant les trois mois avant la TF j’ai pu découvrir le circuit et beaucoup jouer afin d’acquérir de l’expérience.
J’ai d’ailleurs atteint la table finale des WSOP Europe pendant cette préparation.
Depuis cette année, l’épreuve se termine en juillet avec juste deux jours off après le Day 7. J’en ai surtout profité pour me reposer et j’ai regardé le streaming du dernier jour en replay pour avoir plus de reads sur mes adversaires.
D’ailleurs, que penses-tu de la suppression des November Nine ?
Les November Nine donnaient une très grande visibilité et permettaient souvent aux joueurs d’obtenir un sponsoring. Maitenant, c’est moins intéressant pour les rooms vu que le temps est très court pour parler de l’évènement. Et les trois mois de pause pouvaient permettre à certains joueurs de progresser à l’aide de coaching par exemple.
Mais aujourd’hui je n’ai plus forcément envie d’attendre jusqu’en novembre. En tant que joueur professionnel, je préfère enchaîner sur la table finale comme cette année. En revanche, concernant l’ambiance, je préférais largement 2009 dans le Penn & Teller Theater avec près de 1000 personnes et un vrai show à l’américaine. Dans la Brasilia Room, c’était beaucoup plus calme avec environ 200 personnes et c’est très compliqué de faire venir la famille, les amis, les supporters en seulement trois jours.
Pour en revenir au jeu, quelle était ta stratégie pour le dernier acte ?
Rien de particulier, juste jouer mon jeu comme j’en avais l’habitude. Malheureusement, je me suis retrouvé très short assez vite et j’ai pris les spots de shove quand j’en ai eu l’occasion.
Ressentais-tu plus ou moins de pression qu’en 2009 ?
En 2009 je n’avais vraiment aucune pression. N’importe quelle place était une réussite pour moi, c’était déjà énorme d’être arrivé en table finale pour mon premier 10.000 $ avec 6494 joueurs au départ ! Cette année je me suis mis la pression plutôt au Day 7 afin d’accéder à la finale une deuxième fois, chose que seul un joueur avait réussi dans l’ère moderne du Main Event (Mark Newhouse en 2013 et 2014, nldr).
Quel a été le coup clé de ta finale ?
Ce n’est pas un coup de la finale. Il s’agit plutôt d’un coup au Day 3 en fin de journée quand on se rapprochait doucement des places payées. J’avais bien grindé depuis le début du jour jusqu’à détenir presque 500.000 jetons quand la moyenne était inférieure à 300.000. Un joueur qui faisait tapis avec tout shove encore 80.000 en début de parole sur des blinds à 2500/5000. Scott Seiver paye au cut-off, jouant 700.000 derrière et je découvre une paire de rois en small blind. Je choisis de faire tapis et il snapcall avec une paire d’as ! Le shortstack montre 99. Je me retrouve K.O et pense sauter alors que mon tournoi se déroulait parfaitement depuis trois jours… Mais un roi magique apparait à la river pour me faire passer le million de jetons ! Avec ce gros tapis, j’ai pu profiter de la bulle et finir à 1,5 millions pour le Day 4, dans le Top 3 du classement.
Finalement, ton expérience a-t-elle constitué un avantage durant la TF ?
Bien sûr que l’expérience est un plus, cela m’a permis de mieux aborder l’événement.
J’avais plus de confiance en mon jeu et je connaissais déjà la route pour y accéder (rires).
Avec le recul, es-tu content du résultat ?
J’ai démarré la table finale en septième position. On était plusieurs entre 30 et 40 blindes.
J’ai perdu pas mal de jetons sur la première main en me faisant bluffer mais je ne pouvais pas continuer avec ma hauteur as. Je suis devenu le plus short et j’ai dû gagner plusieurs all-in pré-flop pour survivre. Au final, une 5ème place est donc une bonne perf même si à cinq joueurs left, j’étais remonté deuxième en jetons à un moment donné, derrière l’énorme chipleader. John Hesp était très short, j’aurai pu gagner des paliers mais bon il n’y a que le vainqueur qui n’a pas de regrets !
Peux-tu nous détailler ton raisonnement sur le coup qui précipite ta sortie, où tu finis par payer river pour ton tapis avec trips ? Était-il possible de trouver un fold ?
Très très difficile. Comme souvent, Scott Blumstein relance au bouton et je flat de small blind avec KtJk, Benjamin Pollak fold en SB. On check le flop Jt7k6t. Sur le turn 4t je décide de check une nouvelle fois et cette fois Scott mise la moitié du pot et je call. La rivière est un autre J. Scott décide de me mettre à tapis pour environ la taille du pot et tout le monde connaît la suite… Avec du recul, la meilleure solution aurait été de shove pré-flop mais j’ai voulu jouer low variance et garder ses bluffs.
Comment vas-tu utiliser les 2,5 millions de dollars encaissés ?
Tout est encore très frais, je n’ai pas vraiment réfléchi à cela. Différemment qu’en 2009 ? Oui, sûrement (rires). Je vais continuer à jouer pour le moment mais je pense à des investissements par la suite pour essayer de me diversifier. Et pourquoi pas fonder une famille très prochainement (sourire).
Deux finales, deux sponsors
Après son accession au statut de November Nine en juillet 2009, Antoine Saout avait accepté la proposition de sponsoring d’Everest Poker, dont il avait porté les couleurs durant quinze mois. Sept ans après, le Breton, auparavant aperçu avec des logos Winamax ou PMU au gré de ses différentes performances, a profité de sa deuxième table finale du Main Event WSOP pour trouver un nouveau sponsor à plein temps : il vient en effet d’intégrer la Team OnPok, où il rejoint notamment Adrien Allain, Guillaume Darcourt, Jimmy Guerrero et Paul Tedeschi. « C’est un réel plaisir de représenter cette marque, surtout à coté des autres joueurs talentueux que je connais bien, explique Antoine. Ça peut m’apporter un plus pour décrocher un titre majeur dont je rêve depuis un moment déjà. » Si l’on ne connait pas les détails du contrat (« C’est confidentiel », s’excuse-t-il), le natif de Morlaix a débuté sous ses nouvelles couleurs au PS Championship Barcelone, où il a joué la plupart des gros tournois. Malgré sa personnalité discrète, ses excellents résultats semblent bien faire la différence auprès des sponsors…
Interview extrait du Live Poker n°115 - Septembre 2017
Fiche du joueur de poker : Antoine Saout