ITW Damien Lhommeau : « Je surfe sur un sacré run »
Interview exclusive de la révélation française des WSOP 2012 : Damien "Wintops" Lhommeau.
[Damien Lhommeau] était un parfait inconnu sur la scène du poker live français il y a encore quelque jours. Mais le membre de la Team Pro Online PokerXtrem a explosé aux yeux du grand public durant ces WSOP 2012, réussissant une 4ème place remarquée lors d’un Event de PLO à 1500 $ avant de terminer 12ème la nuit dernière du 1500 $ NLH, encaissant au total plus de 100.000 $ de gains. Pour LivePoker.fr, le grinder originaire du Maine-et-Loire revient sur son parcours et son trip vegassien qui devrait changer sa vie de joueur.
Bonjour Damien, bien que tu sois fatigué après tant d'heures de jeu (l’interview a été réalisée juste après le Day 1 du 3000 $ Short-Handed), peux-tu nous raconter ton parcours dans le poker ?
J’ai commencé au lycée à 14-15 ans avec du bon vieux poker fermé. Par la suite j’ai fait des études de musique où j’ai eu peu de temps libre mais j’ai découvert le poker en ligne, pour lequel j’ai tout de suite eu la fibre. C’était compliqué de concilier les deux mais je jouais en tant que semi-pro, ce qui occasionnait des tilts assez phénoménaux. Je me suis envoyé en l’air sur des tables à 50/100 $.... J’ai fini mes études en 2010 l’année où je me qualifie pour le Main Event WSOP en gagnant le Grand Prix sur Winamax et j'ai joué un 1500 $ en 2011. En juin dernier, je me suis dit : « Banco, je ne fait que du poker, et on fera le bilan dans un an ». Même si j’avais une bankroll au ras des pâquerettes, je trouve que j’étais dans un mauvais run l’année ou je suis passé pro. Cette année mon premier tournoi WSOP était le 1500 $ PLO, puis j’ai fait le 3000 $ Short-Handed. Dans ce dernier tournoi, j’espère faire au moins ITM (depuis, Damien a terminé 12ème de cet event dans la nuit de mercredi à jeudi pour un gain de 27.000 $).
Aujourd’hui, es-tu plus un joueur de live ?
Tu m’aurais posé la question il y a deux ans, je t’aurais dit que je n’en savais rien. Mais cette année, après avoir joué en live, je me suis rendu compte que j’étais plus un joueur de live. Il y a beaucoup de calls ou de folds que je fais uniquement à cause du fait d’être en live. Avec des buy-ins plus importants, le metagame prend plus d’importance et nécessite une attention plus accentuée. J’ai l’impression que je suis moins fort online. En ligne, je joue beaucoup pour faire du chiffre, il n’y a pas de place pour le beau jeu.
Tu fais pourtant partie de la Team Pro Online PokerXtrem…
Cela fait sept ans que je joue online. Les deux premières années ont été de l’apprentissage, j’étais capable de beaucoup tilter. J’avais des stats correctes online mais quand je vois les courbes sharskope de certains joueurs, je me dis qu’il me manque un petit quelque chose.
Tu sembles aussi t'être spécialisé dans les tournois ?
C’est clair. Le cash-game, c’est « alimentaire », contre des joueurs que je vais cibler. J’ai l’impression d’avoir un plus gros edge en tournoi, je me dis moins souvent « lui est meilleur que moi ».
T’attendais-tu à une telle performance, spécialement en Omaha ?
On ne s’attend jamais à faire 4ème sur 970 d’une épreuve WSOP ! J’avais des bons résultats online en Omaha. Je savais que si je faisais un 1500 $ NLH standard, ce serait une boucherie à 3000 joueurs. Je suis quelqu’un qui prends des risques en début de tournoi, je me suis dit que l’Omaha collait avec mon style. Je me suis préparé en conséquence, j’ai maté plusieurs vidéos de gros joueurs d’Omaha pour me remettre dedans, car il n’y a pas beaucoup de tournoi online en Omaha. Je me sens très à l’aise avec cette variante. L’idée était de monter des jetons, le tournoi est profitable pour des joueurs comme moi qui préfèrent monter des jetons ou mourir. Et je ne suis pas scared money, c’est l'une de mes qualités.
« J'avais plus de pression quand je faisais mes études ! »
Comment s’est déroulé cet Event 11 ?
Pendant les deux premières heures, j’ai pris des risques, c’est là où mes coups étaient les plus limite. J’ai monté des jetons et ça m’a permis de mettre la pression tout le long, de jouer les coups charnières en me laissant une réserve. Par exemple, j’ai perdu la moitié de mon stack sur un 40/60, mais j’ai pu repartir et appuyer sur la détente quand il le fallait pour arriver avec le 3ème stack en table finale. J’ai quand même été bien servi, évidemment. Lors du Day 1, j’étais complètement mort, je n’avais pas dormi pendant 3-4 jours comme à chaque fois que je vais à Vegas. Il y avait une photo sur Internet où je ne me suis même pas reconnu.... Après le Day 1, je finis dans les places payées, c’était déjà un mini-aboutissement. Je me suis dit que je ne voulais pas m’arrêter là et j’ai donc trouvé des ressources. Pour le Day 2, j’arrive un peu près frais et je double sur la première main de la journée, j’ai fait des gros folds, calls et bluffs. Ça a été une journée pleine où j’ai joué mon poker. Tout y est, j’ai l’impression que les choses sont plus simples maintenant, j’ai un bon feeling…
As-tu quelques regrets sur la façon dont tu as joué durant la durée de l’épreuve ?
Bonne question. Quand on commence 3ème la TF, on espère au moins ça. Je m’étais dit que s’il y avait un spot, quitte à perdre tout mon stack, je le prendrai. C’était hors de question de chercher à grimper les paliers, je voulais jouer la win. Le gars qui a gagné (Vincent van der Fluit) était à ma table à 40 joueurs left, je me suis dit qu’il était innarêtable, c’était vraiment un joueur exceptionnel. Dans le genre inexploitable, on ne fait pas mieux. Sinon le seul spot que je prends à 4 joueurs left pour doubler, je me prends un bad beat… J’aurai peut être pu 3-bet plus souvent Vincent van der Fluit. Mais c’est vraiment pour chiner. C’est rare quand je n’ai pas de regrets, mais là vraiment…
N’as-tu pas ressenti plus de pression lors de cette table finale ?
Il y a un moment où les chiffres deviennent tellement haut… Mais j’arrive à faire abstraction de ça, je suis resté concentré. Qu’il y ait 20.000 ou 1 million de dollars à la gagne, je joue la win, même si c’était la table finale de ma vie. Je ressentais beaucoup plus la pression quand je faisais mes études de musique !
Qu’as-tu pensé du niveau général des joueurs lors de ce tournoi ?
Je pense qu’un 500 € dans un cercle parisien est plus relevé qu’un 1500 $ à Vegas qui est hyper EV+ pour des bons joueurs. Du coup, comme le tournoi se jouait en Omaha, je m’attendais à ce que ce soit encore plus vrai. Mais en fait pas tant que ça, les mecs savaient jouer quand même. Sur un 3000 $ en revanche, il y a la place mais on sent rapidement que ce n’est pas la même limonade. Il y a des bons spots à prendre, des bonnes situations à saisir mais ce n’est pas fishy comme un 1500 $.
« Insister sur les tournois live »
As-tu senti le soutien de la communauté du poker français tout au long de ce deep run ?
Non. Personne de chez personne. Mais attention, je ne suis pas en train de faire étalage d’une amertume quelconque. Cette année je suis venu tout seul, j’étais peut-être trop dans mon truc. Peut-être que quand les gens me voient à la pause, ils se disent que je ne suis pas très sociable. Ce n’est pas évident, mais les résultats sont là. Peut-être qu’il me faut ça pour que je sois à fond. Après j’ai croisé Jean-Paul Pasqualini, qui m’a félicité lors du 3000 $ où il était dans le rail à la fin de la première journée. J’adore sa façon de jouer, et visiblement la personne a l’air aussi adorable. Ce n’est pas un petit encouragement, ça m’a fait drôlement plaisir.
Que représente pour toi le fait de faire partie de la Team PokerXtrem ?
Avec la cagnotte gagnée sur PokerXtrem.fr, j’avais un event à 1000 $ et un autre à 1500 $ à jouer. Je n’ai finalement pas fait le 1000 pour préparer l’Event à 3000 $. Quand je me suis lancé, je ne me suis jamais dit qu’il fallait trouver un sponsor. La promo Xmen de PokerXtrem me convenait même si je n’étais pas un joueur de cash-game. J’ai regardé plein de vidéos et j’ai tout de suite été dans les premiers du classement Xmen. Il y a aussi un côté communautaire, les joueurs de la Team Online ont l’air très cools, ça peut les booster de me voir perfer en live grâce à cette enveloppe PokerXtrem. Mais je ne pense pas à un sponsoring, même si ça me chatouille un peu plus l’esprit après mes perfs' aux WSOP...
Ces perfs' changent-elles quelque chose pour toi ?
Dans mon cas, clairement. Ça change tout, j’ai la bankroll pour jouer des tournois que je ne pouvais pas me permettre de jouer. On m’aurait parlé d’un gain de 15k, j’aurai trouvé ça normal. Alors avec 74k… Une seconde bonne performance ici, ce serait énorme, ce serait trop con de ne pas tenter le coup. Par la suite, je vais énormément insister sur les tournois live, je fais beaucoup d’ITMs pour le nombre de tournois que je joue. Je surfe sur un sacré run, mais il faudra voir comment je me comporte dans un bad run. Online, je compte bien continuer à rester sérieux. Je m’étais aussi dit que si les deux Events WSOP se passaient mal, je rentrerai en France et je reviendrai pour jouer le Main Event. Mais dans un run comme ça… Enfin j’avais promis à des amis d’enfance que j’embarquerai la chemise du village où je suis né, le Puy-Notre-Dame. Rien que pour ça, il faut que je rentre en France pour pouvoir la porter au Main Event ! Après je prendrai des vacances…
On peut imaginer que tu t’es fixé quelques objectifs plus élevés que prévu pour le futur ?
Quand on fait 4ème d’un tournoi, il y a une dimension de chance évidente. L’idée c’est aussi de me prouver à moi-même que ce n’était pas un accident. Je veux réitérer une performance en live assez rapidement…
Propos recueillis par Maxime Arnou