ITW Tristan Clémençon : « Il me manque de la réussite dans les moments importants »


ITW Tristan Clémençon : « Il me manque de la réussite dans les moments importants »

Interview exclusive de « superroger47 » après les WSOP.


 
A 22 ans, [Tristan Clémençonest déjà passé du statut d’espoir à celui de Top Player du poker français, comme il l’a prouvé en terminant 46ème du Main Event des WSOP cette année devant plus de 6500 joueurs. Après de jolies perfs’ sur le circuit, il ne manque plus qu’un titre au benjamin de la Team Winamax pour asseoir définitivement sa réputation. Pour LivePoker.fr, celui qui est surnommé « le PDG » revient sur sa carrière et un avenir toujours plus prometteur…

Bonjour Tristan, pour commencer, quel bilan tires-tu de tes WSOP ?

Le bilan est assez positif. C’est bien de terminer positif sur l’ensemble du séjour à Vegas. J’ai une tonne de potes qui sont de très bons joueurs et qui repartent avec un bilan contrasté ou négatif. C’est vrai que j’aurai pu espérer une table finale, voire plus, mais je suis satisfait de ces 50 jours de tournois. Je n’ai quasiment aucun regret sur les quinze Events que j’ai pu jouer. J’ai fait quatre ITMs dont un au Main, ça aurait pu être un peu mieux mais ça va.

Comment analyses-tu ta performance sur le Main Event ? Pas de regrets ?

Ma 46ème place au Main correspond à une TF sur un PPT ou un autre tournoi WSOP, en terme de performance, de médiatisation, de cash. Je peux avoir un peu de regrets sur le dernier coup. Je pense pouvoir éviter ce coup-là, il y avait moyen de jouer autrement cette paire de dix. Je suis très satisfait de mon jeu dans ce tournoi : j’ai joué correctement le premier jour, très bien joué le deuxième jour, le troisième je n’ai pas pris de risques, les quatrième et cinquième jours j’ai joué mon meilleur poker. C’est important, chaque erreur peut coûter cher à ce stade du tournoi. J’ai entamé le Day 6 avec un tapis relativement faible par rapport à la moyenne mais j’ai bien réussi à remonter. Le dernier coup a été ma seule erreur réelle de ce tournoi, hormis le Day 1 où j’ai fait des petites erreurs sans importance. J’ai l’impression d’avoir joué à mon meilleur niveau. 

As-tu changé des choses dans ta manière d’aborder les WSOP par rapport à 2011 ?

Absolument tout. L’année dernière, j’étais en plein burnout après 50 jours, j’étais pas mal sorti et je ne m’étais pas trop préparé. J’avais pris du plaisir à jouer les nouvelles variantes, j’avais comme un ras-le-bol du Hold’em. J’avais besoin de plus de diversité. Avant le Main, il y avait un 5k, je n’avais pas envie de le jouer mais je me suis retrouvé chipleader à 200 joueurs restants. Je termine à la bulle de ce tournoi, deux Rois contre deux Dames, alors que j’avais la moyenne du tournoi à 40 lefts. J’avais pris ça comme une sanction logique du mauvais état d’esprit dans lequel j’avais abordé ce tournoi. Pour le Main, c’était la même chose. J’ai joué très sérieusement le premier jour, mais en dilettante au Day 2. Forcément j’ai mal joué, un jeu pas du tout adapté à la structure. Cette année, j’étais très frais physiquement et psychologiquement. Je suis assez content de la façon dont j’ai joué et dont j’ai abordé ces World Series par rapport à l’année dernière : l’attitude, le sérieux dans la préparation, moins de sorties, plus de grind… Quand je suis parti retirer le ticket du Main, j’étais comme sur mon premier EPT, j’ai ressenti cette excitation comme lors de mes premiers tournois. Je le sentais bien, j’avais à cœur de bien faire car je n’avais pas encore réalisé de vraie grosse performance. Presque logiquement, j’ai fait un truc dans ce tournoi car j’avais envie de jouer. 

Penses-tu que tu aurais pu aller plus loin dans le PLO Championship (Tristan a terminé 31ème sur 293 joueurs, après avoir finit 16ème en 2011) ?

J’avais deeprun le tournoi l’année dernière. J’avais démarré le Day 3 avec le 6ème tapis, puis joué et perdu trois flips. J’avais été malchanceux en fin de tournoi. Cette année, je n’ai jamais dépassé la moyenne, entre 20 et 30 blinds la plupart du temps. Je n’ai jamais gagné deux gros coups importants d’affilée. J’ai attendu le rush, il n’est pas venu. Je suis content de faire ITM avec le peu de cartes que j’ai eu. J’ai profité de la structure. C’est toujours sympa de faire un ITM sur un 10k.

« Le Big One est fait pour la télé »

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à Vegas cette année ?

J’ai eu plus de surprises l’année dernière. Cette année, je savais exactement où aller, ce que je devais faire. J’ai fait plus de sport, organisé des baskets avec des collègues sur Vegas. J’étais inscrit dans une Ligue de football indoor à 6 contre 6 avec Nico Cardyn, Byron Kaverman ou Matt Waxman. J’ai essayé de dormir au moins 7-8h car je suis un gros dormeur. J’ai aussi découvert un service génial : tu envoies un sms, tu donnes ton numéro de table et on t’amène ta bouffe. Du coup tu n’es pas obligé d’aller t’intoxiquer à la Poker Kitchen. La bouffe ricaine, on sature assez vite…

As-tu senti un engouement particulier pendant le Big One for One Drop ?

J’ai senti une espèce d’émulation, beaucoup de médiatisation. Je respecte le fait que ce soit fait pour une œuvre caritative, l’initiative de Guy Laliberté est très bonne. Si on prend uniquement le tournoi en considération, le buy-in à 1 millions de dollars, c’est un peu n’importe quoi car 99% des joueurs étaient stackés et avaient 10 ou 15% sur leur buy-in. Je préfère faire un tournoi à 3000 € où j’ai 100% des parts... Ce tournoi était plus fait pour la télé. Et maintenant, le classement Hendon Mob ne veut plus dire grand-chose, également à cause des High-Rollers. J’ai cru comprendre que le Big One aurait lieu tous les ans…

Comment as-tu vécu le parcours de Gaëlle Baumann avec la Team Winamax ? (Gaëlle a terminé 10ème du Main Event)

C’est une perf’ énorme, sachant que ça ne fait pas longtemps qu’elle joue des tournois. On a tous vibrés avec elle. Quand t’es dans un tournoi avec des amis, tu te rends compte qu’il y a quelque chose d’énorme à la clé, c’est excitant. Il y a beaucoup d’adrénaline, de tension et de pression. On a partagé ces sentiments avec elle. On était à fond derrière elle : dans le clan français, on gueulait comme des malades ! D’ailleurs le public français était loin devant. On est clairement ceux qui faisaient le plus de bruit ! Après la demi-finale au Ladies et l’ITM à Monaco, c’est magnifique. C’est bien pour elle, notre sponsor, la communauté française.

Le bilan de la Team Winamax est pour l’instant très satisfaisant en 2012. Sens-tu une progression du niveau global dans la Team ?

On échange pas mal entre joueurs de la Team. Davidi Kitai est par exemple une des personnes avec qui j’échange le plus. Chaque joueur dans la Team essaie tout le temps de travailler, cherche à être le meilleur, se remet en question. C’est une Team de passionnés qui travaille sur le jeu. On essaie de gratter des edges, on a bien travaillé avec le coach mental Pier Gauthier, on s’est tous mis à faire du sport. A part Davidi, mais je crois qu’il est incurable... Cuts (Ludovic Lacay) a une hygiène de vie largement meilleure, ManuB s’est mis à fond au sport... On a changé beaucoup de choses sur la préparation des tournois. Il y a une progression à ce niveau-là. Les résultats en découlent presque logiquement.

Que vous a apporté le séminaire de la Team Winamax dans le Sud de la France avant les WSOP ?

C’est déjà une occasion de se retrouver tous ensemble, d’apprendre à mieux connaître certains membres de la Team, de se détendre. Les activités sportives nous ont défoulé. On avait aussi des ateliers poker, et le fait d’entendre des « thinking process » très poussés, c’est très intéressant, on se rend compte qu’il y a des tonnes de points de vue. On a le sentiment d’avoir appris quelque chose. Apres ce séminaire, on avait tous envie de jouer au poker ! J’avais vraiment faim en arrivant à Vegas. Le séminaire a eu un impact très positif.

« Il ne faut pas laisser filer u
n contrat pro ! »

Comment se porte la Team Winamax aujourd’hui ? Des départs et des arrivées sont-ils à envisager ?

Mon contrat se termine bientôt et il sera renouvelé. On a tous envie de rester dans cette Team car on y est bien. Niveau logistique, tout est professionnel, cadré, le coach Stéphane Matheu fait du très bon boulot. On est un peu une bande de potes. Quand tu vois la Team PokerStars, on ne peut pas vraiment parler de Team. Les gens portent le même logo, mais n’échangent pas beaucoup. Je pense qu’on est la seule vraie Team en France, avec peut-être la Team PMU.

Les contrats ne sont-ils pas revus à la baisse pour les membres de la Team, en raison du contexte économique difficile que subissent les pokerrooms online?

Ça dépend des joueurs. Pour moi il n’est pas question de ça. Je n’ai pas commencé les négociations, je ne peux pas t’en dire plus. Comme il y a de moins en moins de joueurs sponsos, un contrat a de plus en plus de valeur. Il ne faut pas le laisser filer, c’est une chance énorme.

Depuis deux ans, tu ne sembles pas passer loin d’une très grosse perf’ en live, avec beaucoup de places d’honneur. Que te manque t-il pour aller au bout ?

Je pense être plus mûr au niveau de mon jeu, j’ai plus d’expérience et je suis plus complet. Ce qui me pénalise depuis deux-trois ans, depuis que j’ai signé chez Wina, c’est que je fais énormément de bulles, toutes sur des horreurs. Il y a beaucoup d’exemples. Il me manque la réussite dans les moments importants, le petit plus, le 30/70 qui passe, les coups où je suis favori qui tiennent. C’est clairement ce qui me manque pour faire une grosse perf’.Je suis satisfait de ma régularité, mais on est dépendant des cartes. Je ne désespère pas pour autant.

Tu joues de plus en plus en Omaha. Est-ce une variante d’avenir selon toi ? Trouves-tu que l’offre est suffisante en Europe ?

En tournoi, oui. J’ai beaucoup travaillé mon jeu. C’est la variante où je sens qu’il y a un truc à faire, un edge à prendre. Je suis plus à l’aise dans un tournoi d’Omaha que de Hold’em. Online, il y a très peu de joueurs qui ne font que de l’Omaha. Le problème ce n’est pas l’offre, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de demande. En revanche, il y a clairement un changement en live. Il y a au minimum deux Sides Events PLO sur les EPT par exemple. Il y a une volonté de développer ce jeu-là. Je regrette cependant qu’en France, on ne puisse pas jouer les autres variantes. Je connais beaucoup de joueurs de tout niveaux qui aimerait pouvoir jouer au Stud, au PLO Hi-Lo autrement qu’en play money. Avec d’autres joueurs comme Nico Levi, Arnaud Mattern, Kzouls ou Locsta, on est chauds pour créer une sorte de groupe de travail en vue de travailler ces variantes pour les WSOP l’année prochaine. Je passerai aussi faire un tour à l’ACF pour la partie de Mixed Games, mais il y a des jeux que je ne connais pas du tout.

Que penses-tu de l’évolution du niveau du poker en ligne français ?

Le niveau a très rapidement augmenté. Il y a une vague d’étrangers qui commence à arriver, des joueurs très forts et expérimentés. Tous ceux qui font les efforts de venir sont des pros ou des joueurs aguerris. Cela a contribué à l’augmentation rapide du niveau. A mon avis, on aura bientôt rattrapé le niveau du .com. Le .fr est moins juteux qu’il y a un an ou deux.

« Une régulation européenne serait géniale pour le poker online »

Quelle est ton opinion sur l’éventuelle mise en place d’un marché régulé à l’échelle européenne pour le poker online ?

Ce serait clairement génial pour le poker online de pouvoir regrouper les rooms pour garantir des prizepools plus importants, proche de ceux du .com. Si les pays arrivent à trouver une législation commune, ce serait une bonne chose même si c'est compliqué. C’était déjà un gros chantier de passer du .com au .fr. Alors trouver une harmonie au niveau européen…

Quel est ton programme pour la fin de l’année ?

J’ai prévu dans un premier temps d’avoir un programme plutôt axé sur le live. Comme chaque année, le mois de septembre est chargé. Il y a le PPT, le 5K PLO pendant le WPT Paris, le WPO à Dublin, les WSOP-Europe à Cannes, et puis le WPT Malte pendant mon anniversaire (Tristan est né le 19 septembre). C’est un beau tournoi avec un field réduit, un niveau très faible et une structure correcte. En plus je suis à domicile, j’ai un appart là-bas.

As-tu des projets autres que ta carrière de joueur ?

Pour l’instant, je me renseigne, j’entends des gens, je me documente sur le marketing, le management. Je suis dans une phase d’observation avec en point de mire la volonté de monter une boîte. On n’en est pas encore là, ça sera dans les quatre ans à venir. Je suis toujours avec Winamax, ça prend déjà beaucoup de temps de jouer le circuit. Pour l’instant, je me concentre sur ce que je fais.

Comptes-tu publier prochainement quelques vidéos ou blogs sur Winamax.fr ?

La suite de mon dernier blog était dans un ordinateur qui est resté à l’aéroport de Bruxelles… Sinon j’ai écrit un truc sur le bilan à mi-parcours des WSOP, mais finalement je vais faire un bilan complet. Je vais continuer ma série sur les voyages, à Macao, en Espagne, lorsque je n’avais pas de sponsors et que j’étais dans une phase de découverte. Comme je n'étais pas expérimenté, ça crée des petites anecdotes, des petits problèmes qui ne devraient pas arriver, comme quand je ne pouvais plus retirer d’argent avec ma Visa Electron à l’autre bout du monde… Tout cela sera publié avant la fin de l’été.

Malgré tes 22 ans, est-ce qu’on te charrie encore sur ton visage poupon ?

T’imagines pas. Surtout aux WSOP où les Ricains aiment bien vanner sur ça : ça fait combien de temps que tu ne t’es pas rasé, est-ce que je peux voir ta carte d’identité... Au début j’étais peut-être un peu vexé, mais maintenant je renchéris, ça me fait beaucoup rire.

Et qu'en est-il de ta désormais traditionnelle soirée à Cannes pendant la finale du PPT ?

On va la faire cette soirée ! Ce sera le soir du Day 3. C’est l’année où ça se goupille le mieux car il n’y a pas de side event qui démarre deux heures  avant. Ces deux dernières années, j’ai eu la chance d’être au 4ème jour du PPT, je n’ai pas pu tout organiser. On va essayer de faire mieux pour faire venir plus de gens…

Propos recueillis par Maxime Arnou

 

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