Des nouvelles de… Thomas Bichon : interview de l'un des piliers du cash-game live français


Des nouvelles de… Thomas Bichon : interview de l'un des piliers du cash-game live français

Retour de notre rubrique " Des nouvelles de..." avec cette semaine l'interview de Thomas Bichon.


 
Gros joueur de cash-game, [Thomas Bichon] s’était fait connaître en gagnant le WPT Chypre en septembre 2009 avant de remporter le casting Job2Stars de PokerStars quelques mois plus tard. Après dix-huit mois intensifs de tournois, il n’avait pas renouvelé son contrat avec l’opérateur pour se consacrer à 100% à son premier amour, et avait disparu du circuit des grandes épreuves internationales. Rencontre avec un joueur qui compte bien vivre sa passion comme il l’entend.

Bonjour Thomas, on ne te voit plus sur le circuit des tournois live ces derniers mois… Pourquoi ?

Quand j’ai arrêté ma collaboration avec PokerStars à la fin 2010, j’ai fait une dizaine de tournois pendant six mois jusqu’aux WSOP à Vegas. Je me suis aperçu que ça coûtait beaucoup d’argent… Comme ça se passait toujours aussi bien pour moi en cash-game, j’ai mis les tournois de côté. Lors du dernier tournoi que j’ai joué, j’ai fait la bulle d’un 2000 € en Autriche. Je me trouvais là par hasard, il n’y avait pas de cash ce jour-là … Je suis assez exclusif, quand je suis à fond sur le cash-game, je ne fais que ça. 

Quel bilan tires-tu de ton année passée chez PokerStars ?

Au niveau humain, j’ai énormément apprécié, car j’ai vu ce qui se passait derrière le miroir. J’ai vécu pas mal d’expériences, la Maison du Bluff, les articles pour un magazine de poker pendant un an…. Après au niveau financier, ca n’a pas été ma plus belle année car je n’ai pas eu de très bon résultats en tournoi et ça s’est fait au détriment du cash game. Il y avait tout le temps quelque chose à faire pour Pokerstars, ça n’arrêtait pas. J’y ai laissé beaucoup d’energie et j’ai moins bien gagné ma vie… Je suis plutôt cool, je sentais que ça n’allait pas durer éternellement et que je serai revenu vers une vie plus tranquille, où je suis mon propre patron. S’ils m’avaient renouvelé avec le même deal, j’aurai resigné pour un an, mais ils me proposaient moins de la moitié. Un contrat avec moins de tournois sans pouvoir jouer plus en cash-hame m’obligeait à faire une grosse perf, je me remettais trop entre les mains du hasard. 

Des rooms t-ont-elles contactées depuis la fin de ton contrat ? 

J’ai eu deux-trois propositions de rooms françaises, sur du court terme. Il n’y avait pas vraiment de sommes annoncées, ils te disent que c’est pour une dizaine de tournois…

Serais-tu intéressé aujourd’hui par un nouvel engagement ?

Honnêtement non. Il faudrait qu’on me propose le même contrat que j’avais avec Pokerstars (300.000 € pour un an). Et en ce moment, il n’y a que trois ou quatre joueurs français qui ont des contrats comme ça… Je préfère cent fois mes semaines de cash-game. Je trouve un plus grand épanouissement dans le cash-game, il y a trop de frustration dans les tournois.

Le circuit des tournois live te manque-t-il ?

Pas forcément, je n’ai jamais réellement fait partie de la communauté poker. Je n’aime pas trop la foule, je suis toujours resté avec les mêmes personnes. Il y a les dîners avec Tonin (Teisseire), les soirées avec Stéphane Albertini... Je retrouve cette mentalité en cash-game. Il y a beaucoup de respect entre nous et à force de se croiser, on finit par être bons copains. Quand vous jouez une grosse partie avec un joueur et que vous partez en vacances avec lui juste derrière, ça peut paraître bizarre. Mais il faut avoir un gros recul par rapport à l’argent.

«  Je n’ai plus cette lassitude qui consiste à faire ses bagages, jouer trois jours de tournoi et être juste remboursé  » 

Il y a plus d’un an, tu avais émis le souhait de faire un break pour retrouver une certaine liberté. Est-ce le cas aujourd’hui ?

Honnêtement, je me sens beaucoup mieux. Je n’ai jamais été stressé, mais là je peux organiser mon temps comme je le veux. Je peux programmer des sessions de cash-game intensives, car il m’arrive parfois de jouer 10 à 12 heures par jour, puis de ne pas jouer pendant trois semaines. Je n’ai plus cette lassitude qui consiste à faire ses bagages, prendre l’avion pour jouer trois jours de tournoi et être juste remboursé. J’ai une vie plus saine, notamment dans l’alimentation, et je peux faire du sport tous les jours. Je partage ma vie entre Londres, l’Autriche et la Corse, où je ne joue jamais aux cartes. Il y a des parties d’Omaha très sympa en Autriche notamment…

Justement, peux-tu nous éclairer concernant tes sessions en Autriche, qui semble devenu un lieu incontournable pour le cash-game live ?

Il existe un circuit autrichien avec des sessions de cash-game d’une semaine et des tournois à 2000 € (le CAPT, Casinos Austria Poker Tour), qui se déroulent dans 7 ou 8 villes. Pour les joueurs comme moi, les parties High-Stakes se jouent avec des blinds à 20/40 €. Les 50/100€, c’est en juillet et à Baden en octobre. Ce sont des endroits très sympas pour jouer. L’Autriche, c’est le temple du Omaha : en octobre dernier, il y avait Ilari Sahamies, Patrick Antonius ou Ronny Kaiser, l’un de mes meilleurs amis sur le circuit, un garçon très simple et qui mange tout le monde ! C’est le joueur qui m’a le plus impressionné, il est déjà très mature alors qu’il n’a que 21 ans. L’Autriche est victime de son succès, il y a beaucoup plus de joueurs High-Stakes. Pour moi, le mieux c’est 50/100 € et jamais plus cher que 100/200 €. Mais à partir de 20/40 €, je prends du plaisir. Les parties à 200/400 € sont trop chères pour moi. Je me sens le mieux sur la 50/100 € deep, où alors la 100/200 € au bout de plusieurs jours si j’ai pris un bon départ. Dans ce genre de parties, il faut sortir positif en raison des frais que l’on paye à côté, notamment 10-15 jours d’hôtel par mois. On ne peut pas se permettre un bad run trop long. J’ai un bad run depuis trois mois... Quand je joue en Autriche, les parties commencent à 15h et ferment à 4h du matin. Même si on a tous la tête sur les épaules, on prend quelques risques…

Continues-tu cependant à jouer sur Internet ?

Je ne joue plus trop sur Internet depuis un an. Je joue à 80-90% en live, et plus trop en Hold'em, car il n’y a plus vraiment de belles parties.

Racontes-nous une de tes journées-type.

Quand je suis courageux, je fais du sport et du spa en me levant. Après je prends deux heures pour être d’attaque et jouer du mieux possible, pour garder mon influx nerveux et ma capacité de concentration, qui est un de mes points forts, pendant douze heures. A un moment si tu n’as pas une bonne hygiène de vie, tu peux prendre des mauvaises décisions dans un gros coup qui va annuler ta bonne semaine, ou même ton mois. Quand je pense aux grinders de Vegas qui jouent pendant 20 jours, ça doit user énormément…  

N’as-tu pas envisgé d'aller faire un tour à Sin City durant les WSOP ?
 

Je n’ai pas envie d’aller à Vegas pour faire trois tournois. Moi je suis excessif, si j’y vais c’est pour faire 20 tournois et décrocher un bracelet. Mon ami Antonin Teisseire a gagné l’an dernier, c’était aussi un peu pour moi… Je suis l’actualité, j’ai vu qu’Aubin Cazals avait gagné un bracelet, et j’ai lu qu’il était bon en cash-game.
 
« On ne joue pas au poker, on le pratique »

Viens-tu parfois jouer en France ?

Je ne joue plus de parties privées parce qu’on finit toujours par avoir des problèmes. On a vu ce qu’il pouvait se passer à Paris. Et dans les casinos, le prélèvement est trop important, il faut vraiment qu’il y ait des fishs à table. Après à Paris, il y avait le cercle Haussmann et l’ACF. Mais depuis qu’Haussmann a fermé pour des raisons obscures, il ne reste que l’ACF. Je sais ce qui se passe là-bas, le téléphone continue de sonner, je connais les gros gagnants et perdants, mais il n’y a plus de grosses parties. La plus grosse partie, c’est une 25/50 €. Alors si c’est pour venir pendant dix jours pour jouer une 10/20 €…

Que penses-tu des affaires qui ont touché les cercles parisiens, toi qui les a fréquentés assidûment ?

J’y ai passé quelques semaines lorsqu’il y avait des grosses parties. Ça fait pas mal de temps qu’il y a un projet de grand casino à Paris, il y a peut-être une réelle volonté politique de tuer les cercles pour faire naître un casino, je ne sais pas… Ça ne m’a pas surpris. Les cercles ont fermé pour différentes raisons, c’était des cas particuliers… Pour Haussmann il n’y avait aucune raison par exemple, j’ai été très peiné, on était très bien reçu là-bas. 

Tu souhaitais gagner un deuxième titre majeur en live, est-ce toujours ton objectif ?

J’y reviendrai. Si je refais des tournois, j’en ferai 50 d’affilée, mais il ne faut pas non plus se mettre en danger financièrement pour aller chercher la médaille. Il y a 200 personnes qui partent à Vegas chaque année. Ceux qui vont là-bas en ayant tout calculé, en ayant travaillé leur jeu, pas de problèmes. Mais ceux qui vont là-bas pour tenter leur dernière chance, ça peut mal se terminer. Moi je ne veux pas finir comme ça. J’ai 35 ans, je ne veux pas me mettre en danger. Comme j’aime bien les gros tournois à 10.000 $, ça pourrait me coûter cher. Le poker est une affaire sérieuse. On ne joue pas au poker, on le pratique. C’est un monde de désillusions pour le plus grand nombre. C’est très difficile de redescendre quand on a vécu cette vie. Petit à petit, on se perd… Les jeunes de 20-25 ans doivent faire un gros résultat rapidement pour valider cette démarche. Je pense que je finirai par gagner un bracelet, mais ce n’est plus un objectif à court terme. Il y a tellement de tournois... Les 50 noms qui reviennent souvent auront tous un bracelet à la fin de leur carrière. Peut-être que les joueurs sponsos en auront plus que les autres, mais à l’arrivée ça ne changera pas grand-chose.

Quels sont tes futurs projets ?

Je ferai peut-être quatre ou cinq tournois l’an prochain, puis 20 tournois en 2014, et un break pendant 2 ans. Je suis un peu à un carrefour de ma vie, j’aimerai m’installer vraiment. Je ne pense pas que le poker soit très sain, il ne faut pas rester trop longtemps dans le milieu…

Propos recueillis par Maxime Arnou

 

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