ITW Stéphan Gerin : « Nous ne sommes pas tous égaux devant la chance »


ITW Stéphan Gerin : « Nous ne sommes pas tous égaux devant la chance »

Interview exclusive du récent 3ème du BPT Ribeauvillé.


 

Récent troisième du BPT Ribeauvillé, Stéphan Gerin est depuis quelques années considéré comme l’une des références françaises en matière de tournois online. Réputé malchanceux en live, ce chef d’entreprise qui vient d’intégrer la Team TurboPoker compte bien faire pencher la balance en 2012. Pour LivePoker.fr, « MrGerin » raconte sa vie de joueur.

Bonjour Stephan, peux-tu revenir sur ton parcours dans le poker depuis tes débuts ?

Ça commence à dater un petit peu. J’ai commencé aux alentours de 2007. Je suis tombé dans le poker via un site de paris sportifs qui proposait du poker, et c’est là que j’ai perdu mes premiers sous dans le poker pour être honnête... Comme j’ai une mentalité de gagnant et de compétiteur, j’ai commencé à me renseigner sur le sujet. J’ai joué énormément en ligne, c’est là où j’ai réalisé mes meilleurs résultats. Mais c’est vraiment en 2008 que j’ai perfé puisque je termine n°1 français selon le classement PocketFives. J’ai fait pas mal d’événements en live où je me suis qualifié. A ce moment, je suis contacté par Poker770 : j’ai fait un petit bout de chemin avec eux jusqu'à ce qu’ils n’obtiennent pas de licence sur le .fr. J’ai fait une année 2011 online sympathique puisque je gagne un Event des Winamax Series et je termine dans le top 5 du leaderboard sur PartyPoker. Ça me permet de ressortir de l’anonymat. Maintenant j’essaie de faire la transition vers le live.

Tu es considéré comme l’un des meilleurs joueurs online français. Présentes-nous « MrGerin » (l’un de ses pseudos online).

J’ai gagné un event ECOOP en PLO pour environ 45.000 $, j’ai terminé 4ème de la finale Avalanche sur Everest et donc ma victoire aux Winamax Series. Je gagne assez souvent tous les gros tournois du fr. J’ai également pris l’intégrale BPT chez Barriere, tout le pack des BPT. C’est un bon principe. Quand je fais du cash-game, je fais plutôt du PLO pour sortir de la routine. Je fais généralement des MTT en Hold’em mais je ne peux plus faire de satellites car quand tu te qualifie, on te demande de porter le logo de la room et là je ne peux plus le faire par respect pour mon sponsor TurboPoker. J’ai fait six ou sept EPT en me qualifiant. Ma spécialité reste les MTT online, mais le PLO est ma variante préférée. Je pense que le Hold’em restera la variante majeure pendant quelques années mais de plus en plus de joueurs cherchent à se faire plaisir avec du PLO, c’est un jeu à tirages où le gambleur vient prendre plaisir à dépenser ses sous. J’admire Patrick Antonius car c'est le plus complet et il est bon dans plusieurs variantes. Je fais aussi des parties de 8-Game entre amis, notamment avec Christophe Lesage. C’est pas mal de faire ça entre amis pour développer un bon niveau.

« La France a envie de tuer le poker »

Le poker en .fr reste-il rentable selon toi ? Que penses-u de la présence croissante des joueurs étrangers ?

La France a envie de tuer le poker. Les nouvelles lois peuvent faire très mal au poker français, spécialement au poker de tournoi. C’est trop compliqué. L’arrivée des joueurs étrangers est une bonne chose, ça contribue à augmenter le niveau.

Comment as-tu intégré la Team TurboPoker ?

En fait, TurboPoker développe une principe où le sponsoring est ouvert à tout le monde. Il y a une promotion qui s‘appelle le Riding Stars. Actuellement, je fais partie des quatre joueurs qui ont la possibilité d’aller jouer des tournois live sous les couleurs de TurboPoker. Tous les quatre mois, les joueurs ont la possibilité  de prendre la place d’un pro. J’ai eu la chance d’être choisi et de commencer par le haut et pas par le bas. J’espère que j’ai été pris pour mes résultats online, je n’ai couché avec personne ! (rires). Je connaissais déjà Vanessa Hellebuyck et j’ai appris à connaître Carlos Lopes, qui est une personne formidable avec une mentalité exceptionnelle. Dans une team, j’aime bien le partage avec d’autres personnes.

Quelle est la durée du contrat, le montant de ton enveloppe ?

Il ne faut pas considérer cela comme un contrat, en plus j’aurai beaucoup de mal à le faire comprendre à mon fiscaliste... C’est juste une promotion où une room de poker donne sa chance à tout le monde. Il faut se battre tous les jours et c’est grâce à tes performances que tu grimpes les échelons. C’est un véritable championnat. La room vient de nous offrir le WPT National Series, elle est seule juge à décider ce dont elle nous fait profiter. Au minimum un événement par mois.

Au niveau de ta communication, as-tu plus d’obligations ?

De moi-même, je suis un vrai de Marseille, avec la sympathie qui va avec. J’aime beaucoup partager, ça fait partie de ma personnalité. Je suis un vrai gentil (rires).

Quelles sont les différences avec tes anciens contrats, chez Sajoo par exemple?

Sajoo a été juste une parenthèse. On a défini un contrat pour faire des tournois avec Sajoo mais ca ne s’est pas fait car les contrats ont été rachetés par Bwin lors de la fusion et ont été résiliés.

Tu déchattes sur les Teams ? C’est déjà ton troisième contrat pro…

Je n’ai pas trop de chance... Le Net marche pas mal pour moi, je pense que ça m’aide à retrouver des contrats.

« La chance va tourner »  

Comment expliques-tu ton absence de résultats sur le circuit live en 2011 ?

Je n’ai pas fait beaucoup d’événements. A la finale du PPT, je dispute le pot du chiplead au Day 1 B avec les Rois contre les Dix et les Valets, mais ils prennent un dix et un valet et au lieu de gagner un pot à 180.000, sachant que le chipleader avait 135.000 jetons, je me retrouve sur les rails…C’est ce qu’on appelle un beau bad beat. C’est un gros résumé de ma vie. Je n’ai pas envie de tout imputer à la malchance, mais je pense que nous ne sommes pas tous égaux devant la chance. Au WPT National Series Paris, je termine le Day 1 dans le Top 10. Dans le Day 2, j’arrive à attraper un joueur avec A-K, il est en plein carnaval et il touche river. C’est un pot qui peut me permettre de passer au Day 3 avec le 3ème stack… Je pense que j’ai quand même pas mal déchatté et il y a pas mal de témoins qui peuvent le confirmer.

Comment gérer un tel bad run ?

Emotionnellement c’est très dur, je ne te le cache pas. Je me console en me disant que ce n’est pas le plus important dans la vie, sinon ça me rend trop malade. J’ai eu une conversation de 2h avec Rémy Biechel (joueur réputé pour sa malchance légendaire) après le WPT National Series. Il est dans la même optique que moi. Il dit qu’on commence par le mauvais côté de la variance. Mais je n’ai aucun doute sur le fait que la chance va tourner, car je suis actuellement très content de mon jeu. Quand je vois que je sors comme ça, je n’ai pas grand-chose à remettre en question sur mon poker. Je suis sûr que ça va payer, c’est mathématique (depuis cette interview, Stephan a terminé 3ème du BPT Bribeauvillé le 1er avril).

Pourquoi avoir accepté de faire partie de la Team Mypokersquad ?

En 2011 je n’ai pas fait beaucoup de tournois car c’est trop compliqué d’investir en live, à cause du trop faible retour potentiel sur investissement. Je n’avais rien à ce moment-là et MyPokersquad m’a permis par exemple de participer à l’EPT Deauville en vendant mes parts. N’importe quel joueur de poker qui ne fait que des tournois ne fera jamais un profit assez intéressant s’il se paye tous ses tournois. La rentabilité n’est pas viable. Ça m’est aussi arrivé de prendre quelques pourcentages sur des joueurs avec quelques retours sur investissement.

Au niveau de la gestion de bankroll, n’est-il pas parfois bénéfique de prendre des risques ?

Je prône la sécurité, et surtout pour les gens comme moi, les pères de famille, les responsables de foyer. Il faut toujours privilégier la prudence. J’ai déjà été broke, comme la majorité des joueurs. J’ai réussi à rebondir, mais ce n’est pas toujours évident de se dire qu’il faut repartir de zéro et tout reconstruire. Il ne faut pas avoir honte de redescendre de limite.

« Important d'avoir une roue de secours »
 

Comment concilies-tu ton activité de joueur avec celle de chef d’entreprise ?

Aujourd’hui, je ne me considère pas comme un joueur professionnel de poker. Je suis dans la restauration, je possède deux affaires. Le poker reste avant tout un loisir, C’est important pour un joueur d’avoir une roue de secours. Le poker va être de moins en moins viable. Il ne faut pas se voiler la face, il n’est viable que pour une petite minorité de personne. Ça vend beaucoup de rêve, mais il faut faire attention au retour de bâton et savoir se ternir à une autre branche. C’est un jeu très attirant. Pour la sécurité d’un foyer c’est primordial d’avoir une activité à côté. Je dissocie ma bankroll poker de mes activités professionnelles. Le poker reste un loisir. La priorité ce sont mes affaires, si je fais des tournois seulement si elles me permettent de me déplacer. Si on fait attention, les deux activités sont parfaitement conciliables.

Est-ce un avantage d’être marié avec une joueuse de poker (Stéphan est marié à Rebecca Gérin, joueuse pro et membre de la Team PMUPoker)? Comment gérez-vous la vie de couple sur le circuit ?

Oui, c’est quand même un avantage, on peut partager pas mal de choses. C’est plus compliqué quand un couple a des activités différentes. On vit la même passion, donc ça tourne pas mal autour du poker.  Ça nous convient parfaitement. On a une fille de 8 ans et on arrive à s’arranger pour faire en sorte que la petite ait une vie normale et équilibrée, et un suivi scolaire normal. Elle vient avec nous sur le circuit pendant les vacances scolaires.

As-tu été contacté par le fisc concernant tes résultats ?

Oui, on verra comment ça va se passer. C’est un secret de polichinelle, actuellement on est tous contactés…

Es-tu intéressé par la réalisation de vidéos de stratégie ? Comment progresses-tu ?

Je n’ai pas été coach mais j’ai fait des vidéos de stratégie pour poker770. C’est un tout qui me fait progresser, tous les jours il y a quelque chose à apprendre au poker. J’ai l’impression d’avoir fait de gros progrès dans tous les domaines : l’agressivité, la gestion du stack, la position, la lecture sur les joueurs… Je sens quelque chose de positif arriver. Dès que ça va tourner, que le tournoi va aller dans mon sens, je ferai quelques chose qui pourrait être assez agréable pour moi et les gens qui y ont cru.

Aujourd’hui, comment évalues-tu le niveau des joueurs français, tant en live qu’online ?

Je me permettrai de critiquer le niveau quand j’aurai enfin gagné un titre. Quand je vois le jeu quand j’ai commencé par rapport à aujourd’hui, c’est presque deux jeux différents. Aux Etats-Unis, ils ont un jeu toujours conservateur, en Europe on a un jeu plus élargi.

Que peut-on te souhaiter pour 2012 ?

Un titre live ! Sur le Net, j’ai un sentiment d’accompli et un sentiment de frustration en live. Ce serait l’accomplissement pour moi.

Propos recueillis par Maxime Arnou

 

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