ITW Damien Cayet : « Je ne veux pas compter uniquement sur le poker »


ITW Damien Cayet : « Je ne veux pas compter uniquement sur le poker »

Interview exclusive de Damien Cayet, qui revient sur une année 2011 réussie.


Avant de partir en Nouvelle-Calédonie pour un road trip à durée indéterminée, Damien « skualos » Cayet a accepté de revenir sur son année poker 2011. Un galop d’essai qui aura permis à ce grinder online parisien de commencer à percer sur le circuit live, s’imposant comme un espoir à suivre pour l’avenir. Interview d’un passionné qui considère encore le poker comme un jeu.

Quel est ton parcours depuis tes débuts ?

J’ai obtenu un master en marketing il y a trois ans, puis j’ai été embauché dans la boîte ou j’avais fait mon stage et j’y ai bossé pendant deux ans. Maintenant je vais partir en Nouvelle-Calédonie et en Australie (l’entretien a été réalisé avant son départ le 6 décembre). Je devais partir après la finale du PPT fin septembre, finalement je me suis laissé entraîner et j’ai joué d’autres tournois…

Comment as-tu démarré en live ?

Depuis que le cercle Wagram a fermé, je suis reg de la 5/5 à l’ACF. J’ai tout essayé depuis que je joue. Je fais beaucoup de sats car je n’ai pas la bankroll pour direct buy-in un tournoi à 2500 €. Mais je voulais vraiment faire le WPT Grand Prix de Paris, donc je n’ai pas fait de sat et j’étais stacké à 40% sur ce tournoi. Je me suis aussi qualifié pour la finale du PPT. Pour le 3k des Hold’em Series, comme je pensais que ce serait mon dernier tournoi, j’ai joué sans stacking. J’étais content, mais aussi déçu… Quand tu fais TF et que tu ne gagnes qu’un seul buy-in, financièrement ce n’est pas intéressant. Pour le WPT Marrakech, c’était le dernier, je me suis fait un kiff.

Quelles sont tes habitudes de jeu sur le net ?


J’ai toujours eu un petit volume. Sur le .fr, je rate rarement les sessions du dimanche, c’est le seul jour de la semaine où je joue. Je n’ai jamais pris l’habitude de grinder vraiment, je ne fais que des MTT. 

« J'ai peur de perdre le niveau si je ne joues pas »

Ne vas-tu pas profiter de ton voyage pour jouer sur le .com ?

Là, l’idée c’est de faire un break, je pars avec des potes qui ne jouent pas au poker. Mais je n’ai pas envie de décrocher complètement parce que j’ai peur de perdre le niveau si je ne joue pas. J’adore ce jeu, je ne vais pas lâcher, je vais essayer de prendre des packages, notamment pou les Aussie Millions en janvier. Je ne veux pas perdre la main. Le .com me donne envie, je n’y ai pas joué depuis un an et demi. Ça va me donner l’occasion de me frotter à d’autres adversaires que des joueurs français. Après je ne vais pas avoir spécialement de revenu en Nouvelle-Calédonie, donc je serai tenté. Ce sera peut-être une ou deux sessions par semaine. Le poker est une grande passion, mais si j’ai arrêté de bosser, ce n’est pas pour jouer au poker. C’est pour voyager, m’ouvrir d'autres horizons et saisir des opportunités à l’étranger. Je n’ai pas envie de compter uniquement sur le poker comme revenu au cours de ma vie. 

Quel bilan tires-tu de ton année 2011 ?

Online, j’ai 120.000 $ de gains sur le .fr. J’ai pris trois tournois majeurs, dont le 25k de Full Tilt à deux reprises. J’ai fait quelques deeps runs sur des main events, c’est encourageant. Jusqu’en novembre dernier, je n’étais pas gagnant. Ma victoire sur le 3k de Full Tilt en janvier 2011 a été un déclic, j’ai run good et tout s’est bien enchaîné. J’avais la confiance, donc je ne jouais pas scared money, je jouais mon A-Game, avec plus de liberté.

Tu étais un régulier de Full Tilt. As-tu été victime du Black Friday ?

Non, je n’ai rien perdu car je ne jouais pas en cash-game online. Mais j’ai toujours le réflexe de tout cashout dès que j’ai un gain pour le faire travailler à côté. J’ai échappé à la fermeture de FT et je n’ai que 200 $ qui traînent sur Full Tilt. 

« J’ai tendance à faire confiance aux rooms du .fr »

Serais-tu prêt à rejouer sur le site ?

Si ça ouvre à nouveau, j’aurai tendance à faire confiance. Il n’y a pas de danger vu que je cashout régulièrement. J’attendrai quelques semaines, pour voir comment Nanard Tapie va gérer tout ça !

As-tu confiance dans la sécurité des poker rooms du .fr ?

Je n’ai jamais eu de problèmes avec PokerStars, Full Tilt et Winamax. Je m’attendais à ce que PokerStars ferme après l'affaire Full Tilt... Mais vu que de toute façon je ne laisse pas mon argent très longtemps…

Et quel est ton bilan en live ?

Le bilan en live est cool, j’ai fait plein de tournois à gros buys-in même si dans l’ensemble, ça s’est passé moyennement. J’ai fait un epic deal sur le 1000 € de Wagram en mars, où nous n’étions plus que quatre : Lucille Cailly, Flavien Guénan , Clément Thumy et moi. Il y avait aussi Basil Yaiche en TF, nous jouions tous sous les couleurs d’Eurosport, sachant que Lucille et Clem étaient ensemble... Au final je prends 14k. Ensuite j’ai été faire l’Irish Open à Dublin à 3500 € de buy-in, c’est un petit EPT avec 700k à la gagne et j’ai atteint le Day 2. Je suis parti à Vegas en juillet où j’ai fait beaucoup de tournois sans faire un seul ITM. C’était une super expérience, mais pokeristiquement parlant c’est un échec total, je n’ai pris aucune ligne Hendon Mob alors que j’ai fait le 5k Triple Chance, le Main Event, quatre Events WSOP et six Deepstacks Extravaganza au Venitian... Puis j’ai fait un ITM fatigué au PPT, mais j’étais content, c’est quand même 14.000 € ! 

Pourquoi cet échec à Vegas selon toi ?

Je pense que j’ai eu un jeu trop aggro, je n’avais pas assez d’expérience sur les longs tournois live. J’étais habitué à « salver » sur le net. A force de vouloir monter du jeton … Il faut dire que j’ai pris aussi pas mal de setups, et que j’ai run bad, mais je n’ai pas joué de manière optimale sur des tournois deeps. La variance en MTT n’a pas joué en ma faveur à Vegas. 

Le fait d’avoir débuté en live t’a t-il aidé pour les gros tournois ?

Le fait de jouer en cash-game live depuis longtemps m'a aidé. Quant j'arrive sur un gros tournoi, je sais ce que c’est, le trashtalk, les tells, observer une table.... Ça aide par rapport à des grinders exclusivement online. Maintenant sur les MTT c’est un autre jeu que le cash-game, c’est plus tight, il faut être plus patient, on voit moins de mains. Tu n’a pas le droit à l’erreur, je l’ai compris depuis Vegas.

« Les MTT, c’est un droit de rêver, ça peut changer une vie »

As-tu le sentiment d’avoir progressé cette année, d'avoir franchi un palier ?

Chaque tournoi est une nouvelle expérience. Je me sens confiant quand j’arrive sur un MTT live, je n’ai peur de personne. Au début j’étais impressionné, il y avait des têtes connues, tu fais whaa… C’est impressionnant au début, tu les respectes et tu les regardes jouer. Tu essayes de faire ton jeu, mais le haut niveau c’est autre chose. A force de faire des tournois et de te ramasser, tu apprends. J’ai joué trois jours à la finale du PPT, c’était une super expérience, il y avait plein de beau monde, ça te permet de réévaluer ton jeu et d’apprendre avec ces joueurs-là. Tu en sors grandi. Il faut prendre le bon de chaque chose, faire le bilan de ton tournoi et corriger tes fautes sur le tournoi d’après pour être de plus en plus en confiance.

Quelle est ton opinion sur la polémique des payouts ?

Je ne suis pas d’accord sur le fait qu’il faille payer 20% des joueurs et retirer de l’argent aux premiers. Un MTT c’est une compétition, il faut aller au bout, c’est ça qui fait le charme des tournois. Je préfère rester à 13-14% de joueurs payés. Mais j’aimerai bien que les premiers paliers soient rémunérés au moins à hauteur de deux fois le buy-in, sinon c’est frustrant. Aux ACF Hold’em Series, j’ai fait la TF et je ne gagne qu’un seul buy-in ! Au WPT Amnéville, la bulle servait à quelque chose, on n’avait pas l’impression d’être venu pour rien. Je veux bien entendre le fait qu’à long terme, si l’on ne paye pas assez de joueurs, ils ne seront pas remboursés et seront donc de moins en moins nombreux. Mais je pense qu’il faut garder un beau prizepool pour les 3-4 premiers. Ce qui fait rêver, c’est la gagne. Les MTT, c’est un droit de rêver, ça peut changer une vie. Si c’est pour faire un tournoi à 10.000 € avec 500 joueurs où le vainqueur prend 90.000 €, ce n’est pas intéressant.

Penses-tu que le problème est similaire sur les tournois online ?

Pour le Main Event des FCOOP, il y avait plus de 15 % de joueurs payés et le premier ITM récupérait son buy-in. Après c’est vrai qu’il y a beaucoup de qualifiés sur ces tournois pour qui regagner le buy-in est plus intéressant. Grâce à cela, ils ne vont pas quitter la sphère poker et ont l’impression d’avoir assez pour continuer. Online, il y a beaucoup de joueurs payés, mais du premier ITM jusqu'à la septième place, ça ne change rien. Par exemple, sur Winamax on ne peut pas dealer et dans le Main Event, il y a 25k à la gagne et 15k pour le deuxième, tu joues un heads-up à 10k. Il faudrait plus « écraser » les dernières places. 

« Pour se faire sponsoriser, il faut faire la Maison du Bluff… »

Pourquoi ne fais-tu pas parti d’une team de joueurs comme beaucoup de grinders online ?

On en avait parlé avec 3-4 potes au mois de juin, mais bon… L’esprit est sympa, ça permet de progresser, de s'encourager. Moi je savais que j’allai partir au bout du monde, du coup je n’ai pas insisté. Mais je vais souvent faire les sessions du dimanche avec mes potes, ça permet d’avoir des avis sur des décisions compliquées, et tu spew moins facilement que quand tu es tout seul devant ton PC.

Espères-tu décrocher un contrat de sponsoring dans le contexte actuel?

Je ne peux pas dire que ça ne me plairait pas. Je ne pourrai pas refuser de faire le circuit pendant un an avec un sponsor, en freeroll, ce serait génial. Si un sponsor arrive avec 50k par an... Mais je suis conscient que le marché est complètement bloqué. Pour te faire sponsoriser, il faut faire la Maison du Bluff ou les jeux-concours organisés par les rooms. Je n’ai jamais vraiment essayé car c’est un winner-take-all, il n’y a qu’un gagnant, je n’ai pas la motivation d’aller demander des votes à tout le monde. Je me dis que c’est un peu peine perdue… En étant lucide, je n’ai pas assez perfé, je n’ai aucune TF sur un vrai tournoi majeur en live. Il y a des joueurs qui ont le même profil que moi et qui ont plus d’expérience. Je n’ai pas l’impression d’être à deux doigts d’un sponsoring. D’ailleurs, on ne m’a jamais contacté. Full Tilt aurait pu me proposer quelque chose car j’ai gagné deux fois leur High-Roller, mais ils ont fermé juste après...

Serais-tu intéressé par les agences de joueurs ?

J’ai du mal à conceptualiser le principe de l’agence. Je ne sais pas si ça sert vraiment à quelque chose, je ne vois pas de joueurs ayant trouvé un contrat grâce à une agence. Mais si on me contacte, j’écouterai avec une oreille attentive. On a rien à y perdre, alors why not ?

Quels sont tes objectifs à venir ?

Je pars en Nouvelle-Calédonie le 6 décembre et je vais décrocher du live. Mon objectif est de ne pas perdre la main, grinder online, continuer à suivre l’évolution du jeu pour ne pas être à la ramasse dans un an. Je veux continuer à perfer sur le .fr et essayer sur le .com. En live, je veux faire les tournois organisés dans ma région du monde et essayer de me qualifier pour les Aussie Millions. Ça risque d’être compliqué de revenir en Europe pour un Event comme l'EPT Deauville par exemple. Il y a 36 heures d’avion alors si c’est pour jouer deux levels, ça pourrait être assez frustrant…. On verra combien de temps je baroude, je m’y remettrai si je rentre et on verra ce qu’est devenu l’industrie du poker à ce moment-là.

Propos recueillis par Maxime Arnou


Merci Damien et bon voyage !
 

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