Omar Karib : « Le sponsoring est mort en France »


Omar Karib : « Le sponsoring est mort en France »

Interview exclusive réalisée durant les FPS Sunfest Mazagan 2011.


 
Joueur de live par excellence, [Omar Karib] a prouvé une nouvelle fois en 2011 sa régularité sur le circuit des tournois en terminant à la 20ème place du classement LivePoker. Lui qui se considère avant tout comme « un amateur passionné » nous livre ses réflexions sur un milieu qu’il a appris à apprécier avec ses défauts et ses qualités.  

Bonjour Omar, que faisais-tu avant de jouer au poker ?

J’étais commercial depuis mes débuts en 1987 : dix ans d’édition, dix ans dans l’ameublement avant de travailler pour un centre de sociothérapie. J’ai complètement lâché tout ça en avril 2010 quant j’ai gagné le PPT Nice, avec un ticket pour Vegas. Là je me suis dit que j’allais voir si je pouvais subvenir à mes besoins par ce jeu, qui est vraiment une passion.

Peux-tu nous retracer ton parcours de joueur ?

J’ai commencé à jouer en live en 2008. J’ai beaucoup joué au poker fermé quand j’étais plus jeune. J’ai arrêté, puis comme la plupart des gens, je m’y suis remis grâce aux émissions de Canal + avec le World Poker Tour. J’ai été pris par l’engouement et la passion autour de ce jeu. Je me suis naturellement mis à jouer online pour apprendre au départ, puis en cash-game live depuis l’été 2008, pendant l’Euro de foot. Je jouais dans les casinos du Sud, de Nice jusqu’à Marseille, principalement au Cannes Croisette et au Casino de Cassis. Je ne joue pratiquement qu’en live maintenant, j’ai besoin de voir les cartes, voir les gens, le jeu n’est pas du tout pareil. Je ne joue pratiquement qu’en Hold’em No Limit, très peu à l’Omaha. Sur le Net, je joue des petits satellites pour gagner des tickets EPT, mais pour l’instant j’ai fait choux blanc…

Qu’est-ce qui t’a poussé à faire du poker ton métier ?

Je me suis accroché. J’assimile le poker a un sport, on retrouve beaucoup de similitudes et j’ai toujours été très « sport » depuis tout jeune. J’ai retrouvé beaucoup de sensations, d’adrénaline, on passe par tous les stades du comportement humain : l’engouement, la joie, la tristesse, la déception…

Ton expérience en live t’a-t-elle aidé quand tu as débarqué sur le circuit des tournois ?

Pas vraiment, dans la mesure où le jeu en cash-game et le jeu en tournoi sont totalement différents. Ce n’est pas comparable, ça m’a aidé quelque part, mais je ne m’en rends pas compte, je n’y ai jamais attaché beaucoup d’importance.

« Parfois, on est sur un nuage »

Es-tu satisfait de tes résultats en 2011 ?

Je suis plutôt ravi, c’est dans la continuité de 2010. Ma première victoire remonte à avril 2010, j’ai ensuite enchaîné quelques petits résultats pour finir 34ème du classement LivePoker. Cette année je termine 20e. C’est une fierté car je rencontre beaucoup de très bons joueurs et me dire que je fais partie du Top 100, c’est pas mal ! En cash-game, il y a eu de la variance mais dans l’ensemble c’est plutôt positif. Je joue en 5/10 et en 10/20, je n’ai pas de mal à trouver des parties.

Comment expliques-tu ton rush en milieu d’année ?

C’est un cycle. Je n’avais plus rien fait depuis janvier hormis des petits tournois à 300 €. Puis j’ai gagné l’Aixtra-Stack à Aix-en-Provence et ça a été un déclic. Dans la foulée, j’ai enchaîné avec trois autres tournois. Puis j’ai eu la chance de perfer sur San Remo ou j’ai réalisé mon plus gros gain en tournoi. Il y a des moments où l’on est en phase : on a l’impression que tout nous réussit et on est sur un nuage. Puis il y a des moments où l’on a beau avoir les meilleures cartes, on est dans un mauvais cycle, ça ne se commande pas.

La confiance joue donc un rôle dans ces résultats ?

La confiance joue énormément : de par les décisions que l’on prend, l’attitude qu’on peut avoir… De plus, les gens savent quand vous être en rush et évitent de vous jouer. Il ne faut jamais jouer un joueur en forme, c’est la meilleure façon de se casser les dents ! Quand on joue libéré, on peut pratiquer son meilleur poker.

« Le poker est à l’image de la société : on trouve de tout »

Que penses-tu des joueurs online ?

J’en rencontre souvent, j’ai joué avec quelques-uns des meilleurs d’entre eux à Marrakech. Leur présence sur le circuit ne me dérange pas du tout, bien au contraire car c’est systématiquement, relance/sur relance, et je sais comment m’adapter par rapport à eux. Ils n’arrivent pas toujours à changer de rythme. Ça use beaucoup de livetards, mais moi ça ne me dérange pas : il faut juste être patient avec eux. Les joueurs online ne sont pas arrogants, je les ai trouvé très respectueux, comme par exemple Basil Yaiche. 

L’ambiance est-elle bonne dans le milieu du poker ?

C’est un milieu à part. Je commence à connaître pas mal de monde, on se connait tous plus ou moins. Comme il y a des très beaux tournois en France, de nombreux joueurs étrangers viennent aussi jouer. Sans langue de bois, on fait de magnifiques rencontres mais c’est à l’image de la société : on trouve de tout. Il faut faire la part des choses, on sait qu’il y a des profiteurs, mais j’ai rencontré des gens magnifiques. A Vegas cet été, l’ambiance était super d’autant plus que j’ai un très bon copain qui a pris un bracelet, Antonin Teisseire. C’était l’euphorie totale, il y avait une vraie communauté française qui supportait les joueurs.

Comment s’est déroulé ton séjour à Vegas pendant les WSOP ?

A Vegas, j’ai fait 4ème d’un tournoi à buy-in faible et j’ai gagné mon ticket pour le Main Event. Au final, je n’ai pas gagné d’argent mais pas perdu non plus. Cette année je suis parti trois semaines, l’année prochaine j’espère y rester un mois. Au niveau du cash-game, c’est exceptionnel : on peut jouer 24h/24, alors qu’en France dans les casinos ça se termine à 2h30 du matin. Les mecs sont l’habitude de jouer avec des stacks énormes, il a aussi le système de l’option au bouton.... On se régale. Pour tout amateur de poker, Vegas, c’est le kiff. J’y ai passé de bons moments.

« On ne se bat pas à armes égales avec les joueurs sponsorisés »

Le classement LivePoker est t-il un objectif pour toi ?

J’ai toujours été motivé par les challenges. Malheureusement c’est dommage de ne pas se battre à armes égales avec les autres joueurs. Quand vous êtes sponsorisé, vous avez la chance de faire des très beaux tournois contrairement aux joueurs lambdas comme moi qui doivent tout payer. C’est vrai que quand je fais un tournoi, c’est pour aller le plus haut possible et prendre des points. L’esprit de compétition est là. On se branche un peu avec mon copain Carlos Lopes, mais on est ravi quand les amis font des résultats. 

Espères-tu trouver un contrat de sponsoring ?

J’espère voyager plus, mais je suis réaliste : le sponsoring est mort en France. Il faudrait que je rencontre un investisseur, pour ne pas dire un mécène, qui miserai sur moi. Ce serait mon rêve car ça me permettrait de jouer d’autres tournois. Je me contente de faire des sides à 500 € ou 1000 €, mais j’aspire à jouer des tournois un peu plus importants. Pour l’instant, je n’ai pas encore eu le plaisir d’être contacté par qui que ce soit, je n’ai eu aucune touche.

Donc pour toi, le sponsoring n’a plus aucun avenir ?

Les places sont très rares, les rooms cherchent plus à dégraisser. Je pense que dans les années à venir, il n’y aura pratiquement plus de joueurs sponsorisés : chaque room prendra un ou deux people pour représenter sa marque. Le regret que j’ai depuis l’apparition du .fr, c’est qu’aucun joueur de couleur ou Nord-Africain ne fasse partie d’une Team. Ce n’est pas à l’image de la société. Je ne parle pas pour moi, je pense à Mesbah Guerfi par exemple. Et le but d’une Team, c’est quoi ? Fédérer un ensemble de joueurs. Si tu prends un joueur Nord-Africain, beaucoup de joueurs Nord-Africains vont se dire qu’il est sympa de jouer sur ce site. Les sites de poker ont tout à gagner. Quand vous prenez le cas de Roger Hairabedian, il n’avait été désigné ambassadeur pour Barrière Poker seulement l'année dernière. Ce n’est pas normal.

« Le projet de taxation va favoriser l’exode massif des joueurs »

Que penses-tu des projets de loi sur la taxation des joueurs ?

Je ne me considère pas comme un joueur pro, mais plutôt comme un amateur passionné. C’est vrai que tout le monde doit contribuer, mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’il y a pas mal de dépenses : transport, hébergement, restauration, frais d’inscription aux tournois. Il faut prendre en compte tout cela. Le projet actuel de l’Etat va faciliter l’exode massif des joueurs français à l’étranger, c’est ce qu’il va se passer dans les mois à venir. Participer c’est normal, mais il faudrait que ce soit cohérent et logique. Si on vous taxe sur vos gains, il faut aussi tenir compte des pertes. Si on assimile cela a des bénéfices commerciaux comme une profession libérale, il faudrait qu’on puisse déduire les frais et taxer à une hauteur raisonnable sur les gains, je ne serai pas contre. Je suis résident marocain depuis quelques mois donc je n’ai pas ce souci.

D’ailleurs, le Maroc peut-il devenir une place forte du poker à l’avenir ?

Le Maroc est une destination déjà très prisée par les pros. Avec tout ce qui se passe en Europe, le poker au Maroc est appelé à se développer. Je regrette qu’aucune personne compétente ne s’intéresse à Agadir, qui est un endroit idyllique.

Quel est ton programme pour les prochaines semaines ?

Je vais jouer les TexaPoker Series où il y une super ambiance. Je viens de jouer la Million Poker Race. Je vais faire le WPT Dublin, les France Poker Series, les satellites Partouche. Le premier trimestre s’annonce très sympathique! 

Propos recueillis par Maxime Arnou
 

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