Adrien Garrigues: « Je run good, j'ai l'impression que c'est facile »
Interview exclusive d'Adrien Garrigues, 10ème du classement LivePoker.
A 22 ans, Adrien Garrigues est 10ème du classement LivePoker 2011 et a déjà réalisé cinq tables finales sur le circuit pro cette année, dont une 5ème place au WPT Venise. Pourtant, ce joueur originaire de Bordeaux ne fait pas (encore) les gros titres de la presse poker. Mais derrière sa personnalité discrète se cache un vrai compétiteur. Décryptage du phénomène.
Adrien, quel est ton parcours depuis tes débuts au poker?
J’ai commencé à 15 ans en jouant online. Je suis parti de rien et je jouais des mini sit'n go sur tous les sites. Au bout de 3-4 mois, je me suis retrouvé en NL2000 en heads-up ! Je faisais le yoyo, et un an et demi après j’ai tout perdu, j’ai monté les limites hors bankroll et j’ai craqué en 25/50$. J’ai donc déposé à nouveau de l’argent, et à 18 ans j’arrivais à générer des revenus corrects. Je jouais pas mal en cash-game live à une époque, mais me suis spécialisé dans les MTT et j’ai dû gagner 5 fois le High-Roller de Winamax.fr. Officiellement je me considère comme un pro, mais officieusement surtout comme quelqu'un de chanceux ! Je vis du poker depuis un an et demi. Je me suis mis au live 3-4 mois avant le WPT Venise en février 2011.
Apprécies-tu la vie sur le circuit ?
C’est ce que j’aime, voyager. J’essaie d’en profiter pour visiter, ça fait partie du truc. Je ne suis pas le mec qui va sauter du tournoi et passer ensuite 10 heures en tilt sur les tables de cash-game pour essayer de se refaire. Je connais plus de joueurs étrangers que Français sur le circuit, et plutôt des gens plus âgés que des jeunes, c’est bizarre ! J’apprécie par exemple Jean-Jacques Mars ou Guillaume Darcourt. Je ne connais pas trop la génération française du net, même si je sais qu’environ 25 regs possèdent un bon niveau.
Comment s’est passé l’année 2011 ?
Le WPT Venise s’est bien déroulé, puis à l’IPT Malte je perds avec les Rois contre les As en combat de blinds… Aux Full Tilt Series de Barcelone, je fais 5ème en jouant lamentablement, alors que je pense que j’avais le meilleur niveau technique en table finale. En France, je n’ai pas fait tant de tournois que ça mais j’ai souvent perfé. Je ne suis même pas allé à l’EPT Deauville.
"Dans mon jeu, je préfère créer le mouvement"
Tu as déjà atteint cinq tables finales sur le circuit live cette année, pour autant d’ITM. Pourquoi selon toi?
Dans ma tête, je ne joue pas pour finir ITM. Il vaut mieux terminer une fois premier que 10 fois dans l’argent, financièrement parlant. Je prends des risques, je fais des calls et des all-in limites. La pression à la bulle, je n’en parle même pas : je joue mon tournoi sur tous les boutons, les cut-off, et ce peu importe mon stack. Je suis ultra aggro-au début et à l'approche de la table finale. Généralement quand j’attends, je fais une erreur alors je préfère créer le mouvement. J’ai progressé sur les tables finales, j’essaie de jouer plus tight, c’’est aussi pour ça que j’ai fait des meilleurs résultats cette année.
Quels sont les points forts de ton jeu ?
J’ai des facilités à sentir les gens en live. Mon jeu était parfois basé sur des calls scandaleux, ou des tapis à 30.000 dans des pots de 1500 car je savais que c’était impayable pour mes adversaires. Je me suis appuyé sur un jeu un peu en marge, un peu kamikaze. Et contre les jeunes du net qui arrivent en live, je connais leur style, ils agressent à tout va : c’est plus facile de leur envoyer le tapis! Je joue les profils en live, c’est ce qui fait la différence. J’essaye d’adapter mon jeu à mon tempérament, à l’image que je dégage à la table. Je pense aussi qu’il y a des courants de jeu au poker, il faut savoir se mettre à la page. En ce moment la nouvelle mode, c’est le donk-bet, il faut que je réfléchisse à ca. Sinon je connais très bien tout ce qui est technique, stats, positions…
Sur quoi estimes-tu devoir encore progresser ?
Je ne suis pas très bon gestionnaire de short-stack. Et je dois mieux contrôler mes tilts. J’en suis conscient, mais souvent j’ai du mal à me lever de la table quand il le faut. Il y a aussi certains calls que je peux gommer, en étant plus rigoureux. Quand un adversaire est devant, parfois je le sais mais je paye quand même, et après je m’en veux. Au niveau préparation physique, je ne fais plus de sport même si j’étais en sport-études. Je préfère me changer les idées autrement pour arriver aux tournois avec l’envie de jouer.
Quelles sont tes variantes de prédilection ?
En cash-game, j’aime bien le Omaha, notamment en live où je fais partie de ceux qui ont un bon niveau technique. Sinon, je déteste le Limit Hold’em. Les autres variantes old school comme le Razz ou le Stud, je n’ai pas eu le temps de m’y intéresser. Après, c’est vrai que ce sont des bracelets plus faciles à gagner si je vais à Vegas. Ça vaut le coup d’apprendre, j’aimerai qu’un spécialiste français m’explique !
"Je n'étais pas prêt pour Vegas"
Justement, pourquoi ne pas avoir disputé les WSOP cette année malgré tes bons résultats ?
J’ai un programme très chargé, j’étais très fatigué parce que j’avais beaucoup bougé, je voulais rester tranquille et ne pas subir le décalage horaire. Et la structure des tournois à 1000 ou 1500 $ ne me plaît pas: 4500 jetons au départ, ça ne convient pas du tout à mon jeu, je suis habitué à jouer sur des deepstacks avec 30.000 ou 50.000 jetons, même si je préfère 30.000. Je ne me sentais aussi pas spécialement prêt. Je préfère garder un maximum de bankroll pour les events qui arrivent. Mais si j’y étais allé, j’aurai joué tout ce que je pouvais ! L’an prochain, c’est sûr que j’irai pour faire tous les Events, je ferai en sorte d’être en forme, de me préparer et de savoir où je mets les pieds.
Quel est l’intérêt pour toi de jouer des tournois à buy-in modéré comme le Partouche Poker Deepstack d'Aix (500 €) ?
Il ne faut pas non plus s’enflammer, je n’ai fait que cinq tables finales, c’est un good run et ca peut s’arrêter du jour au lendemain. Ce n’est pas facile d’être tout le temps motivé, mais j’essaie de jouer tout les tournois pour les gagner. Parfois, je craque plus facilement que sur d’autres tournois au buy-in plus élevé. C’est vrai aussi que dans ces petits tournois, le fait de voir que des mecs payent tout en début de tournoi, ça peut m’énerver. J’aime bien être un peu provocateur. Enerver les gens, ca fait partie de mon jeu. Je n’aime pas qu’on me le fasse, alors j’aime bien le faire !
Tu es actuellement 10ème du classement LivePoker. En fais-tu un objectif ?
Je suis mon classement, ça me fait plaisir. Pour moi, c’est un bon indicateur de mon niveau, mais je ne me suis jamais soucié des points.
"Je n'ai pas non plus un million!"
Tu as été très peu médiatisé jusqu’à présent malgré tes bons résultats. Est-ce une volonté de ta part ?
Je n’ai pas la volonté d’aller démarcher les médias, je ne suis pas présent sur les forums, je n’ai pas de Twitter, je ne poste pas toutes mes perfs sur Facebook… Je ne fais pas d’efforts de médiatisation, mais je ne suis pas contre. Je ne suis pas très actif dans le relationnel et je suis coupé du monde du poker quand je ne suis pas en tournoi. Et je pense que je ne mérite pas une grosse médiatisation à l’heure actuelle. Mais les regs des tournois ne me prennent pas pour le fish du siècle et reconnaissent mon niveau, ça me va.
Tu ne fais pas partie d’une agence de joueurs, mais as-tu eu des contacts pour un éventuel sponsoring ?
J’ai des contacts avec The Korporation et je dois rencontrer une personne de l’agence qui m’a contacté. J’avais aussi plusieurs touches directement avec des sites, mais rien de concret. Je pense que je peux apporter quelque chose, car je fait partie de ces joueurs français qui ont des chances d’aller au bout lors d’un EPT par exemple. Après on assume des responsabilités, j’en suis conscient, je suis prêt à faire des efforts. Mais je ne suis pas pressé.
Arrives-tu à générer un bon revenu en arpentant le circuit sans sponsor ?
Ça coûte cher, mais ça se passe bien, il me reste largement de quoi bien vivre à la fin du mois. Sans sponsor, j’ai du mal à me rendre compte car je run good, donc j’ai l’impression que c’est facile. Mais je sais qu’un sponsor m’aidera quand ça ira moins bien. Après je joue parfois des gros tournois, par rapport au montant de ma bankroll. On dirait que mentalement, c’est une force pour faire un résultat, ça me stimule, c’est une pression positive.
Quelles sont tes ambitions pour la fin 2011 ?
C’est simple : je vais jouer tous les WPT et les EPT jusqu'en décembre. Je souhaite faire une grosse perf' dans un tournoi majeur. Comme je suis dans un bon run, j’espère que ça va le faire. Dans les semaines à venir, je vais jouer le BPT d’Enghien, l’IPT San Remo et l’EPT Tallinn. Je ne vais faire que des tournois, j’ai la bankroll pour aller jusqu’en décembre, mais il faudra que je perfe, je n’ai pas non plus un million !
Propos recueillis par Maxime Arnou