Carlos Lopes : « Est-ce que l'on va me réveiller ? »
Notre interview de la semaine: focus sur Carlos Lopes, un joueur en plein good run.
A peine débarqué sur le circuit des tournois live, Carlos Lopes compte déjà quatre victoires à son palmarès et vient de remporter le Belgian Deepstack Championship. Mais ce jeune papa, qui joue au poker depuis plus de dix ans, ne s’enflamme pas pour autant et compte sur un mental sans faille pour continuer sur sa lancée. Sans jamais dévier de sa ligne de conduite.
Bonjour Carlos, peux-tu revenir sur ton parcours dans le poker?
Mes premiers pas au poker, c’était il y a longtemps. Mon père était déjà joueur et mon premier souvenir de poker, ce sont les parties qu'il jouait, j’avais sept ans et j’espérais qu’il soit gagnant pour qu’il ne me dise pas d’aller dormir ! J’ai commencé à jouer au fermé vers 16-17 ans, dans des parties entre amis un peu plus craignos que maintenant. Je pratiquais aussi le billard à un haut niveau, et j’ai commencé à jouer au Hold'em en 2007. J’ai découvert le poker de tournoi, assez similaire au billard avec l’esprit de compétition qui y régnait. Je suis ensuite allé dans ma première poker room à St-Amand, et à la fin de l’année j’étais dans le top 5 du classement des tournois! Mais j’ai pris un gros "bad beat" au casino de Lille: je me suis bagarré dans le hall du casino tout neuf et j’ai été interdit de casino au niveau national pendant trois ans. J’allais jouer en Belgique, c’était délicat, il n’y avait pas beaucoup de tournois.
Quand as-tu décidé de passer professionnel ?
Je tenais un café-brasserie et j’ai fait le choix de vendre mon commerce en juillet 2009. Je l’ai vendu plus tard que prévu, il y a seulement un an, et entre ma décision et la vente, je n’ai plus du tout joué au poker, faute de moyens. Je ne voulais pas jouer avec une situation financière risquée. J’ai ensuite décidé de consacrer une bankroll de 15k pour le poker et j’ai harcelé le Ministère de l’Intérieur pour qu’il lève mon interdiction de casino. J’ai quand même pu reprendre le cash-game à Namur et Oostende. En janvier 2011, mon interdiction etait terminée, c’était la fête, et j’ai doublé ma bankroll en un mois ! Je n’ai laissé aucune place à la déconcentration malgré un bad run en février-mars. J’avais l’impression d’être mauvais, alors j’ai décidé de passer aux tournois avec de belles structures.
Quel bilan tires-tu de tes premiers tournois live ?
J’ai favorisé les tournois à côté de chez moi. A l’OPP Saint-Amand, j’ai fait un super tournoi, mais j’ai fini par confondre vitesse et précipitation pour sortir un joueur, ce qui a failli me coûter le tournoi. Mais j’ai ensuite eu un coup de chance. Le High-Roller du France Poker Tour reste une référence pour moi, j’étais très concentré. Je suis dans une progression constante. Après concernant la victoire en Belgique, ce sont des fields à 500 joueurs, le niveau reste moyen mais je suis évidemment hyper content de ma victoire.
« J’ai des enfants, je ne dois pas péter les plombs »
A quoi attribues-tu tes bons résultats cette année ?
A chaque nouvelle victoire, je me dis "est ce qu’on va me réveiller?" C’est irréel, mais j’ai la tête sur les épaules. Ma gestion de bankroll est différente de celle d’Adrien Garrigues par exemple, je prends moins de risques. J’ai des enfants, un crédit, je ne dois pas péter les plombs, j’assume. Et en ce moment je me sens fort, et je ne me dis jamais que le tournoi est dans la poche. Je pense que la vraie clé de mes succès, c’est le mental. En ce moment, je suis dans d’excellentes conditions. J’ai la meilleure femme du monde, très compréhensive, et je remercie ma famille pour son soutien, j’essaie de ne pas trop enchaîner les tournois pour prendre du temps auprès d’elle.
Quel est ton style de jeu ?
Ça dépend. Des fois on me prend pour un maniaque fou, des fois je suis une barre de fer, je suis capable de jouer trois mains par heure! Je m’adapte aux joueurs que j’ai en face de moi, à la dynamique de la table, j’essaie de ne pas bluffer les imbéciles ! En tournoi, je suis généralement tight dans les premiers niveaux. Et quand les gens ne veulent pas me jouer, je grinde tranquillement. Je ne regarde que la win, sinon j’ai peur que ça ait une influence sur mon jeu. Après, si je devais définir le joueur que j’aimerai être, je dirai le calme de Raphaël Kroll et une gestion de bankroll à la Eric Haik.
Joues-tu beaucoup en ligne ?
Je joue sous le pseudo "C_Lopez_"9, je dois être légèrement gagnant. Mais je n’ai pas beaucoup de temps pour jouer online.
« J’ai explosé mes objectifs »
Le classement LivePoker, où tu occupes actuellement la 13ème place, est t-il important pour toi?
Au début, quand je jouais, j’étais surtout là pour l’oseille ! Mais au fur et à mesure, on se prend au jeu du classement.
Penses-tu à un éventuel contrat de sponsoring ?
Je n’ai pas encore de vrais contacts. Le marché est saturé, si j’avais perfé en 2008, ça aurait eu un autre impact. Mais j’aimerai bien, pour le confort financier.
Quels sont tes ambitions pour le reste de l’année ?
Je me suis fixé des objectifs en début d’année. Je voulais gagner 50.000 € entre le cash-game et les tournois. J’ai explosé mes objectifs ! Maintenant, je veux faire aussi bien pour le reste de l’année. Je vais tenter des satellites, et continuer à jouer à mes buy-in habituels : il y a une tellement belle offre de tournois entre 500 et 2000 € avec de belles structures… Je ne vais pas direct buy-in les gros events, j’irais au PPT faire les Sides, je suis en pourparlers pour un stacking dans le 5000 € Heads-Up. Avant, j’avais une gène pour demander un stacking à certaines personnes, mais avec mes perfs c’est plus crédible! Et le poker doit rester un kiff.
Propos recueillis par Maxime Arnou