TECHNIQUE : Prendre la bonne décision à  la river par Batmax


TECHNIQUE : Prendre la bonne décision à  la river par Batmax

Maxime "Batmax" Lemaitre nous propose d'aborder un point stratégique qui fait souvent défaut aux joueurs de poker, la bonne prise de décision à  la river !


Parce que le pot y est plus important, parce que toutes les cartes ont été déposées, parce que les bons joueurs ont su collecter un max d’informations, la rivière est le moment fatidique où tout se joue, l’instant d’engager une grande partie de son tapis sans avoir le droit de se tromper. Coach Batmax nous en donne deux illustrations plutôt musclées…
 


"Batmax" à travers quelques exemples savamment choisis, va nous montrer l'importance de la décision
 
 

 
 
Voilà quelques semaines, j’ai eu la chance de faire partie des personnalités du poker invitées à l’occasion d’une table télévisée de Cash Game au Circus Casino de Namur. Avec des joueurs expérimentés, comme Laurent Manderlier ou Pierre Neuville, de joueurs online imprévisibles comme « SirFlo » ou Romain Holmes, et de joueurs plus amateurs, la partie promettait d’être mouvementée et je ne fus pas déçu. Cette table, aux blinds 10/20 avec options régulières, a vu de nombreux gros pots se dérouler, dont quelques-uns dans lesquels j’étais impliqué. Je vous propose d’analyser ensemble, deux mains que j’ai jouées. Auriez-vous pris la même décision que moi ? C’est ce que nous allons voir tout de suite ! 
 
Main n°1 : Bluffcatch River contre Romain Holmes 
 
La table tourne depuis une grosse demi-heure. Je me suis montré jusqu’alors plutôt discret. Je présente un tapis autour de 3500 €.  Je suis UTG et prend l’option à 40 €, ce que nous faisions tous un tour de table sur deux. Romain Holmes, en MP, décide de relancer Pré-flop à 120 €. Toute la table se couche et l’action me revient évidemment le dernier grâce à l’option. Avec Qt 10t, je décide de payer, considérant évidemment que ma main se comporte décemment contre le range de relance de mon adversaire. 
 
Flop 10c 8t 3p
 
Plaisant, n’est-il-pas ? Top paire troisième top kicker, backdoor flush draw, backdoor straight draw. Parfait. Je décide de check, et Romain Holmes place un C-bet, à hauteur de 50% du pot environ, pour 140 €. A ce stade, la décision semble relativement simple. Il possède toutes les overpaires, les meilleurs top paires, et je ne peux donc pas logiquement relancer ma main pour valeur. Le fold serait ignominieux, digne du grand banditisme. Je décide donc, comme l’auraient fait la plupart d’entre vous, de payer calmement. Le pot fait désormais 550 € et commencer à peser quelques Big Blinds. 
 
« Quand vous savez que votre adversaire risque de ne pas suffisamment souvent bluff la rivière, alors la meilleure option devient probablement de miser vous-même. »
 
Turn 10c 8t 3p 7c 
 
Une carte qui clairement n’arrange pas nos affaires mais n’est pas non plus catastrophique. Notre adversaire possède désormais les J9, suités en particulier, qui nous battent, ce qui représente quatre combinaisons. Je doute que notre adversaire ait relancé pré-flop avec T7s, ou qu’il aurait C-bet le flop avec 87s ou 77. Par conséquent, en dehors des 4 combinaisons de J9, que malheureusement nous ne bloquons pas, ce 7 ressemble à une demi-brique. Demi, car elle ajoute de l’équité à des mains cohérentes chez notre adversaires, comme Q9s ou K9s. Le constat est fait, mais la décision sera d’une simplicité enfantine, puisque suite à notre check, Romain check-back plutôt rapidement. 
 
River 10c 8t 3p 7c 2t
 
Un 2 qui somme toute est parfaitement anecdotique et arrange bien notre petite affaire. Désormais, nous avons une décision. Mieux vaut-il valoriser notre main, en misant, ou au contraire checker ? Réfléchissons un instant à la question. Notre adversaire aurait sûrement bluffé dès le turn ses combos les plus naturels, ceux qui avaient le plus d’équité, comme QJ, ou Q9s. Les mains ainsi, qui présentent de l’équité mais n’ont que peu de Showdown Value, n’ont pas de raison d’exister en quantité dans son range à la rivière. Je réalise donc que je risque, si je check, d’induire assez peu de mains à bluffer. Quand vous avez une main comme QT sur ce tableau, et que vous savez que votre adversaire risque de ne pas suffisamment souvent bluff la rivière, alors la meilleure option devient probablement de miser vous-même. Car pour le coup, les mains inférieures, susceptibles de vouloir call, sont nombreuses ! Je peux moi-même être vu sur des mains comme QJ, ou A9s par exemple, qui décideraient de bluffer à la rivière. Il pourra donc call avec ses Dix comme JT ou 9T, et probablement des mains inférieures, comme 99, 89s, voire hauteur As s’il est courageux ! 
 
Je décide donc de miser, à hauteur de 2/3 pot environ soit 320 € dans ce pot de 550 €. Après un petit temps de réflexion, Romain Holmes, de manière assez surprenante, décide de me relancer à environ 1000 € ! Tiens, j’avoue que je ne l’avais pas vu venir, celle-là ! C’est d’ailleurs un tort, puisque c’est ma responsabilité de joueur d’anticiper tous les scénarios possibles ! Il s’agit maintenant de réfléchir, et de prendre la meilleure décision. Tout d’abord, définissons un peu ce que je sais de Romain. C’est un joueur connu davantage pour ses frasques déballées sur les forums de poker que pour ses résultats, mais il n’en reste pas moins un joueur de poker sérieux et compétent, d’ailleurs abonné de la première heure à SpinForWin, mon site de vidéos de coaching au poker. Je sais aussi qu’il a un ego plutôt affirmé, et qu’il a la capacité d’être spécialement agressif sur les tables. Finalement, il s’agit d’un joueur qui est capable de bluffer tous les spots, et de cela, j’en suis persuadé. 
 
Pensons désormais à son range de value. Les overpaires ? Elles auraient 2-barrel. Les AT, KT, auraient régulièrement 2-barrel aussi. J9, pour quinte, aurait invariablement 2-barrel. Finalement, quelle histoire est-il en train de me raconter ? Cela fait-il sens ? Pensons désormais aux bluffs possibles. Soyons honnêtes, si son range de value est étroit, son range de bluff naturel n’est pas bien grand non plus. C’est d’ailleurs ce pourquoi j’ai préféré miser à checker river ! En revanche, pas mal de mains, dans sa range, peuvent se dire désormais qu’elles sont mal embarquées pour gagner au showdown…. Et se décider à faire un move ? 
 
89s, 79s, 99, et quelques autres combos, pourraient se dire : « Je ne gagne pas très souvent, je pense souvent faire fold un Dix, je bloque certaines combinaisons de J9 en ayant un ou deux 9 en mains… Et si je les tournais en bluff… Why not » ? Finalement : Nous avons un profil agressif, teinté d’un ego affirmé, qui ne représente que peu de combinaisons crédibles pour valeur. Il est familier des blockers, d’autant plus qu’il joue régulièrement en PLO où l’on sait que les mains pairées sont souvent utilisées, quand elles présentent des blockers, pour se transformer en bluff. Je décide après réflexion de payer avec QT dans ce spot atypique. Romain retournera 99, tourné en bluff. Tentative intéressante, mais ça ne passe pas. Votre serviteur s’empare de ce pot de 2500 €. 
 
Main n°2 : Spot inconfortable avec troisième paire
 
On se retrouve deux heures plus tard. La session est pour le moins fructueuse, puisque nous avons accumulé 3k de plus dans l’escarcelle, pour porter notre stack à 7000 €. C’est alors que nous allons vivre un autre spot assez délicat, en particulier turn. Je suis en MP, et décide de relancer 6c7c pré-flop dans un spot ou aucune option n’a été posée. Tout le monde fold, et Laurent Manderlier décide de défendre sa Big Blind. Le pot fait donc 110 €, et nous allons jouer post-flop. 
 
Flop Jp 8c 6t
 
Nous avons frappé troisième paire bad kicker, le tout accompagné d’un tirage backdoor quinte et couleur. Laurent Manderlier décide de check le flop, et je ne vois que peu d’intérêt à placer un C-bet. Nous n’avons pas une main suffisante pour value, et n’avons pas tant de protection à accomplir. Ce 6c7c sera check-back de manière classique ! 
 
« Je sais que Laurent est précisément le genre de joueurs capable de bluffer la vaste majorité de ses tirages comme cela. Par conséquent, cela place ma main dans une situation close, c’est-à-dire qu’il est dur de dire s’il est mieux de call ou fold. »
 
Turn Jp 8c 6t 3c
 
La carte est plutôt anecdotique, probablement un peu plus avantageuse pour Laurent que pour moi, mais cela reste spécialement marginal. Laurent décide de miser. Plus que cela, il décide de parpiner ! Il envoie 180 € dans ce pot de 110 €. Un overbet 1,5 pot, ce n’est pas rien ! Cependant, pour parler un peu plus spécialement du sizing de Laurent, il est tout simplement excellent. Il va souvent miser turn avec un range dit polarisé, composé de ses valets les plus décents et mieux en value, et de ses nombreux tirages en bluff. On pense aux tirages couleur, aux tirage quinte comme 45s en passant par QT, T9, etc. Il y a d’ailleurs pléthore de tirages, et pléthore de bonnes mains ! En effet, même JT aurait tout à fait le droit d’être overbet ! Je n’ai que rarement mieux que cela lorsque je check-back le flop ! 
 
Le sizing est donc parfait, et Laurent a parfaitement compris que c’était une situation idéale pour mettre mon range sous pression. Maintenant, notre 6c7c ? Que faisons-nous avec ça ? Je sais que Laurent est un joueur de talent, et je sais également qu’il est précisément le genre de joueurs capable de bluffer la vaste majorité de ses tirages comme cela. Je suppose qu’il s’agit de son sizing principal, voire exclusif. Par conséquent, cela place ma main dans une situation close, c’est-à-dire qu’il est dur de dire s’il est mieux de call ou fold. Etant donné le profil de Laurent, le caractère drawy du board, le fait que je bloque des mains naturelles pour valeur, comme 66, 86, J6s, j’ai déjà davantage envie de call. Aussi, le fait d’avoir un 7 ne bloque pas tant que ça les tirages de mon adversaire susceptibles de jouer comme cela, et a l’avantage de bloquer un out les fois où il tire par les deux bouts, comme avec T9 ou 45. Par conséquent, à la lumière de ces considérations essentielles, je prends mon courage à deux mains et décide de payer l’overbet de Laurent Manderlier. 
 
River Jp 8c 6t 3c 6p
 
Le pot fait 470 € désormais, et la rivière est une bénédiction ! Elle va nous simplifier la vie, puisqu’il s’agit d’un 6p ! Aucun tirage ne rentre, et je bats désormais tous les Jx ! Facile ma vie ! Laurent décide de miser l’équivalent de 80% pot river, ce qui représente environ une mise à 400 € ! Nous sommes tous les deux profonds, puisque Laurent a un tapis de près de 10k ! Je vais évidemment relancer pour valeur, mais quel est le meilleur montant ? 
 
Selon moi, le meilleur montant contre un joueur compétent est sûrement de raise bien cher, pour avoir l’air très polarisé ! Quelque chose comme 1600 € ou 2000 €. J’ai décidé, dans le feu de l’action, de relancer à hauteur de 1300 €. Je pense que contre un joueur comme Laurent Manderlier, c’est un sizing relativement mauvais ! D’ailleurs, Laurent se tortilla une bonne minute sur sa chaise, m’affirmant que mon sizing lui donnait envie de se coucher ! Je mesure immédiatement, grâce à lui, mon erreur, mais il décide malgré tout, égaré dans sa perplexité, de payer avec d’ailleurs une excellente main ! Il avait AA ! Il avait sous-joué pré-flop, overbet turn, et failli bet/fold à la River ! 
 
Il a confessé ensuite avoir été surpris de découvrir que j’avais call avec ma paire de 6 à la turn ! Il est vrai que ce n’est pas une façon de jouer si évidente ! Mais en compilant mes informations, je pense que ce 6c7c est finalement plutôt sexy ! Défendable ! Et quand les rivers sont magiques, tout devient encore plus simple ! 
 
Merci à vous d’avoir lu cet article ! J’espère que ces spots vous auront intéressé, et n’oubliez pas : Si vous souhaitez progresser au poker, je vous recommande chaudement une adresse : www.spinforwin.fr ! 

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