TECHNIQUE : Retour avec Vuong sur comment raser à la river !
Exploiter au mieux ses cartes et les erreurs adverses jusqu’à l’ultime street, et ça, le coach sait faire ! Retour avec Vuong Than Trong sur deux mains très intéressantes à analyser !
Retour sur l'analyse de mains et de situations de jeux avec notre spécialiste technique, Vuong Than Trong est son article sur comment jouer calmement et raser à la river !
PREMIERE MAIN
Un board riche en tirages, devant ou derrière? Quelques raisons pour sous-jouer.
Variante : Pot limit Omaha
Nombre de joueurs à table : 5
Blindes : 2 €/4 €
Mon tapis : 782 €
Ma position : Bouton
Ma main : ApKt5k3p
Vilain : Cut-off
Stack : 536 €
--
Vuong (Bouton) 782 €
Vilain (Cut-off) 536 €
6t7t8pTp
Blinds : 2 €/4 €
Pré-flop : Vilain raise 14 €, Vuong call (pot = 32 €)
Flop : Vilain check / Vuong bet 11 €, Vilain raise 45 €, Vuong call (pot = 122 €)
Turn : Vilain bet 160 € / Vuong call (pot = 442 €)
River : Vilain bet all-in 318 € / Vuong call (pot = 1078 €)
Board :
Je suis assis en Omaha online. Ce début d’année, marqué par un déménagement à Londres, est riche en action sur les parties virtuelles, et je prends du plaisir à jouer ces tables. Mon adversaire est un régulier agressif de la limite. Avec lui, il est rare de jouer de petits pots. Autant dire qu’il n’a pas froid aux yeux. Il relance au cut-off, soit juste avant mon bouton qui est bien entendu la position la plus rentable à une table de poker. Je ne possède clairement pas la meilleure main de ma range de call en position, mais un as suité, un roi et quelques cartes connectées basses me suffisent dans ce spot. Je décide de payer, sur-relancer me parait trop léger avec cette main, et passer un peu trop serré. Les joueurs dans les blinds passent.
Flop : 6p 5t 2p
Ce flop est à mon avantage, j’ai potentiellement plus de quintes que lui, avec des mains comme celle que je possède par exemple. Je détiens également des 66 et 55 pour les brelans, et bénéficie de la position. Ici je crois que mon adversaire ne devrait pas vouloir continuation-bet trop souvent, un float du bouton est si fréquent sur ce board. Il checke, et avec mes deux overcards, et un tirage couleur max, sans oublier ma petite paire et mon bloqueur sur la quinte qui m’aide un peu sans être le point fort de ma main, je fais face à une décision. Suis-je “obligé” de miser 100% du temps avec cette main précise? Je pense que oui ! Je réfléchis également à ma range globale, sur ce flop avec ces positions respectives. Je pense vouloir placer une mise fréquente, avec un léger avantage de range, mais surtout bénéficiant de la position et donc une meilleure jouabilité sur un board qui va fréquemment changer sur les streets futures.
Je décide de miser â…“ du pot, à haute fréquence avec une grande partie de ma range qui voudrait miser. Cette mise est assez efficace, elle me permet tout d’abord de semi-bluffer à moindre coût et de faire passer des mains qui ont de l’équité face à la mienne. En termes de range, c’est à dire toutes les mains avec lesquelles je suis capable de miser ce montant, j’inclus bien entendu tous les brelans, et les gros tirages, je n’ai pas peur de me faire relancer en bluff. De plus, vu la cote offerte à mon adversaire, il est plus intéressant pour lui de payer avec une majorité de ses tirages moyens. Je mise donc 11 €, et mon adversaire ne prend pas beaucoup de temps pour me relancer à 45 €.
Ici, passer est hors de question. Face à brelan je tire encore la couleur max, et je possède beaucoup d’équité face à énormément de mains. La range de mon adversaire doit se situer entre brelan, tirage quinte/wrap avec tirage couleur ou non, avec des mains comme 78, 789+piques. Il peut également tenter un move avec un combo de bloqueurs + tirage couleur, du type KK44 + piques, ou deux paires et des cartes montantes, comme QJ76, qui se contenterait de récupérer le mot immédiatement. Je décide de commencer par payer, relancer est envisageable, mais la profondeur et l’avantage de la position me laissent le temps de construire le pot.
“Le pot est déjà gros, et je possède assez souvent la meilleure main avec assez d’équité pour partir à tapis. Mais il peut être intéressant de simplement payer, et jouer en position.”
Turn : 6p 5t 2p Kk
Je touche une double paire, qui me donne des outs supplémentaires face à un possible brelan ! Je possède actuellement un bon bluff-catcher. Mon adversaire poursuit son agression, et mise environ ¾ du pot, soit 160 €. Ici je suis confronté à une décision délicate. Je pense avoir la meilleure main assez souvent. Si je fais face à un brelan, mon équité est aux alentours de 25%. Face à un wrap + tirage couleur que je domine je possède 70%. Le pot est déjà gros, et je possède assez souvent la meilleure main avec assez d’équité pour partir à tapis. Mais il peut être intéressant de simplement payer, et jouer en position. Premièrement, il y a des mains qui sont en bluff/semi-bluff que je crush complètement, d’autant plus que sur une brique river je n’envisage pas de passer. Deuxièmement, dans les cas où je serais derrière, quelques rivers peuvent me sauver et je pourrais tourner ma main en bluff, les cartes qui font rentrer des quintes par exemple. Troisièmement, quelques-uns de mes outs, comme les piques, sont des cartes que mon adversaire est susceptible de bluffer. Et pour finir, j’aime avoir des mains dans ma range qui soient capable de faire face à une relance au flop, puis turn et river, et ne pas simplement jouer toute ma range dès la turn sur un board dynamique comme celui-ci. Un board encore plus dynamique comme 78QK+tirage couleur serait sûrement plus approprié.
River : 6p 5t 2p Kk Qk
La river est plus ou moins une brique, la dame ne change pas grand chose, je suis battu par de rares KQTJ + pique, ou KQ44 + pique par exemple. Mon rival ne prend pas trop de temps avant d’envoyer tous les jetons, et j’en fais de même suite à mon raisonnement sur les streets précédentes. Celui-ci retourne un beau 6t7t8p10p, pour une paire avec un blocker sur set et un tirage quinte + couleur inférieure à la mienne. Je pense sincérement que son play n’est pas très bon. Aussi deep, et face à mon sizing au flop, il aurait été préférable de simplement payer et prendre une turn. Je ne sais pas s’il aurait passé si j’avais fait tapis dès la turn, mais en voyant les mains je suis satisfait d’avoir en quelque sorte sous-joué et ce pour deux raisons principales. Concernant ma range je fais passer un message clair disant que je possède encore des mains fortes arrivée à la river sur des briques et sur un board dynamique. Et dans un second temps, pour avoir gardé une main que je dominais à la turn dans un gros coup.
DEUXIEME MAIN
Board très dynamique, relancer ou non ?
Variante : Pot limit Omaha
Nombre de joueurs à table : 5
Blindes : 2 €/4 €
Mon tapis : 1008 €
Ma position : Cut-off
Ma main : JtTp8p8k
Vilain : Big blind
Stack : 2136 €
--
Vuong (Bouton) 1008 €
JtTp8p8k
Vilain (Big Blind) 2136 €
KpJk6k5c
Blindes : 2 €/4 €
Pré-flop : Vuong raise 14 € / Vilain call (pot = 30 €)
Flop : Vilain check Vuong bet 10 € / Vilain raise 50 € /, Vuong call (pot = 130 €)
Turn : Vilain bet 130 € / Vuong call (pot = 390 €)
River : Vilain check /Vuong bet 390€ / Vilain call (pot = 1170 €)
Board : 8t 7k 4t Qp 7p
Dans cette main, mon adversaire est le client de la table. Il a rentré des horreurs multiples et a vu sa cave initiale de 200 € être multipliée par plus de dix en moins de trente minutes. Il aime être dans tous les coups, et des rivers magiques ont pu lui sauver la mise plus d’une fois. Il est plutôt du genre collant au flop et à la turn, et n’hésite pas à payer de gros parpaings dans l’espoir de toucher ses tirages. Il est important de faire la différence entre une calling station flop et turn, et une qui le soit à la river pour l’abattage. Ici, je relance au cut-off, avec une paire et des cartes connectées. Le joueur récréatif défend sa grosse blind, tout comme il défendrait presque n’importe quelle main dans n’importe quelle position. Ce type de joueur se fait rare et c’est un plaisir de les avoir à la table.
Flop : 8t 7k 4t
Je trouve un top set, et un tirage quinte ventral pour la nuts. Le board est connecté et il y a également un tirage couleur possible. Mon adversaire check et je ne trouve pas d’autre alternative que miser. Nous jouons des tapis très profonds, ma main a besoin de protection contre les tirages, et je value bet énormément de combos possibles chez mon opposant. Je fais cependant une erreur en ne misant que â…“ du pot, comme dans le coup précédent. Je ne pense pas qu’avec des stacks si profonds comparés à la taille du pot, ma mise soit la plus appropriée. J’estime que miser ¾ du pot est meilleur, surtout contre ce profil.
Je fais face à une relance à hauteur du pot. Il peut s’agir d’un pur bluff face à ma petite mise, une main quelconque qui cherche juste à arracher le pot, d’un semi bluff avec beaucoup d’équité, ou, bien entendu, de la nuts, en l’occurrence la quinte avec 65. Face à la totalité de cette range, je possède beaucoup d’équité. Ici, si mon adversaire possède la quinte, il est rare qu’elle reste la nuts jusqu’à la river. Les bons joueurs d’Omaha ne vont pas relancer toutes les quintes sur un flop type 874 + tirage couleur, le board est bien trop dynamique, et le risque de se faire outplay sur une multitude de runouts est trop important. Un flop type 874 est bien différent de 845 par exemple. Je décide de payer, et d’aviser à la turn.
“Cette main illustre l’intérêt de ne pas relancer sa nuts sans redraw au flop, c’est à dire avec le jeu max à l’instant T sans avoir de possiblités d’améliorer sa main derrière.”
Turn : 8t 7k 4t Qp
Celle-ci est une brique, et mon adversaire mise encore la totalité du pot. Si j’estime que celui-ci possède la quinte et peut miser ou payer une mise sur une doublette à la river - et que je peux donc lui soutirer des jetons lorsque je réalise mon équité - mon call est profitable. Si je détiens la meilleure main actuellement, je me dois également de call, même si une multitude de rivers pourrait m’embêter. Si un trèfle tombe, et qu’il check, je peux également miser pour représenter la couleur. Ma range pour call au flop et à la turn contient énormément de tirages couleur, et si le trèfle tombe, mon adversaire sera obligé de checker s’il n’en possède pas. Je paie fort logiquement.
River : 8t 7k 4t Qp 7p
À mon tour de toucher une river bingo, avec cette doublette du 7 qui m’offre un full. Mon adversaire - à mon grand regret - check, et je décide néanmoins de miser la totalité du pot. Celui-ci paie instantanément avec KJ65 pour la quinte, sans redraw. Il devait espérer me voir sur des trèfles manqués. Cette main illustre l’intérêt de ne pas relancer sa nuts sans redraw au flop, c’est à dire avec le jeu max à l’instant T sans avoir de possiblités d’améliorer sa main derrière. Ici un bon joueur d’Omaha n’irait jamais relancer cette main, choisissant plutôt de call au flop et sûrement relancer turn. Il préférerait relancer avec la quinte + tirage couleur. D’un point de vue théorique il est même plus intéressant de relancer avec un tirage multiple qu’avec une quinte dans cette situation.
Article paru dans le magazine LivePoker n° au mois de
Crédit photos : Winamax et PokerNews