TRASH-TALK : poker et entreprise, même combat !
Notre chroniqueur Arnaud Peyroles établit le lien entre le poker et le monde de l'entreprise et du commerce... Et les points communs sont plus nombreux qu'on ne le pense !
Chaque mois, votre magazine LivePoker donne la parole à une personnalité du poker qui a quartier libre pour secouer le petit monde des petits verts. Patron du groupe de com Idéactif, passionné d’automobile et ancien vainqueur des 24 heures de Spa ayant troqué la combi de pilote contre celle de joueur de poker en 2011 (avec plus de 380.000 € de gains), Arnaud Peyroles n’a jamais eu la langue dans sa poche. Dans cette chronique parue dans le LivePoker n°128, il nous livre une vision sans concession du poker de tournoi et du management…
Le poker de tournois, pas seulement une récréation mais un art martial pour chef d’entreprise !
Depuis 2011, année où j’ai stoppé ma carrière de pilote automobile amateur, je pratique avec assiduité le poker de tournois live. J’en ai retiré quelques impressions assez surprenantes.
Ce qui rend ce jeu croustillant, c’est que dans un espace cadré et réglementé comme pour toute discipline sportive, on ne s’assied à une table de poker que dans le but de piquer tous leurs jetons à absolument tous les joueurs que l’on croise. Le poker de tournois, c’est le monde merveilleux du « tout pour ma gueule ». Dans l’esprit, l’intérêt collectif n’existe pas, la pitié, la faiblesse, la complaisance sont souvent punies, au moins autant que l’excès d’agressivité. La réalité c’est que l’excès, quel qu’il soit, est souvent mortel à ce jeu. Bienvenue sur un champ de bataille où il vaut mieux être zen...
De base, on doit connaître ce que l’on vend bien sûr... mais surtout connaître ses interlocuteurs, les acheteurs, comprendre leurs motivations, leurs craintes, être capable d’interpréter leur attitude, savoir les écouter pour trouver les bons mots et la bonne attitude qui les convaincra d’acheter. Quels sont leurs tells ?
Alors bien sûr, la base, c’est d’instantanément être capable d’évaluer la probabilité de gagner une main... Ensuite, mieux vaut se représenter ce que le ou les adversaires peuvent jouer le plus souvent, et comprendre et connaître leurs systèmes de jeu. A chaque phase de jeu, préflop, post-flop, turn, river, sa phase d’analyse, de synthèse, puis le saut dans le vide, la décision et l’action face à une équation à plusieurs inconnues....
Ce que je viens d’écrire se transpose au mot près à l’univers de l’entreprise ! A commencer par l’univers de la vente. De base, on doit connaître ce que l’on vend bien sûr... Mais surtout connaître ses interlocuteurs, les acheteurs, comprendre leurs motivations, leurs craintes, être capable d’interpréter leur attitude, savoir les écouter pour trouver les bons mots et la bonne attitude qui les convaincra d’acheter. Quels sont leurs tells ?
"Plus on sera efficace à une table de poker, plus on sera un bon manager. Au fond, c’est l’art de la relation, de la transaction, avec des techniques identiques mais des champs d’applications et des motivations opposées à l’extrême."
J’avais établi le parallèle étonnant que j’avais trouvé entre quelques bouquins de poker et des bouquins de formation aux techniques de vente. C’était assez cocasse de conclure que la dynamique mentale était la même tant pour exploser l’autre, le détruire et le sortir du jeu - ce qui résume l’ambition légitime de tout joueur de poker - que pour convaincre, réunir, avancer ensemble dans la création de valeur, ce qui résume l’action d’un bon commercial, qu’il vende de l’ingénierie, des Airbus ou des tapis faubourg Saint-Antoine.
Le parallèle se vérifie tout autant sur le management des équipes. Par ordre croissant d’importance, il est impératif de connaître son sujet, connaître l’autre et utiliser son image pour soit le flinguer au poker, soit mieux avancer ensemble dans l’environnement professionnel. On vole, on ment, on trompe pour détruire au poker ... et qu’est-ce que c’est jouissif ! On écoute pour comprendre, on reformule, on argumente, on séduit et on dynamise une équipe en entreprise pour créer de la valeur. Plus on sera efficace à une table de poker, plus on sera un bon manager. Au fond, c’est l’art de la relation, de la transaction, avec des techniques identiques mais des champs d’applications et des motivations opposées à l’extrême.
Les ressemblances avec le poker sont plus attendues dans des espaces de débat contradictoires comme le sont les interrogatoires de police, les échanges à caractère politique, bref tout ce qui doit faire émerger un gagnant et un perdant ; mais se dire que plus on sait détruire l’autre au poker et plus on saura servir ses intérêts et ceux de son entreprise ne manque pas de me troubler encore tant la démarche intellectuelle, mentale et relationnelle est comparable en tous points.
