TRASH-TALK : et si le poker devenait « bankable » ?


TRASH-TALK : et si le poker devenait « bankable » ?

Dans cette chronique, Arnaud Peyroles milite pour la création d'une véritable fédération de poker à  l'échelle mondiale, et déplore le système actuel des tournois High-Rollers.


Chaque mois, votre magazine LivePoker donne la parole à une personnalité du poker qui a quartier libre pour secouer le petit monde des petits verts. Patron du groupe de com Idéactif, passionné d’automobile et ancien vainqueur des 24 heures de Spa ayant troqué la combi de pilote contre celle de joueur de poker en 2011 (avec plus de 380.000 € de gains en tournois live), Arnaud Peyroles n’a jamais eu la langue dans sa poche. Dans cette chronique parue dans le LivePoker n°129, il réclame la création d’une réelle structure pour – enfin - promouvoir le poker ! 

Et si le poker devenait "bankable" ?


La FIFA pour le foot, l’UCI pour le cyclisme, l’ATP pour le tennis, le CIO pour les Jeux Olympiques : l’ensemble des fédérations sportives, des ligues professionnelles diverses et variées, de rugby ou de foot, se relaient quasiment toutes les semaines pour occuper - à leur grand regret - une place peu enviable en Une des rubriques judiciaires des chaînes d’info. Ces coups de projecteurs très spectaculaires sur un dirigeant corrompu, l'attribution bizarroïde d’une grande compétition, ces légendes des boules chaudes dans les tirages au sort des grandes compétitions de foot, sans parler de la répression du dopage à géométrie variable et des matchs truqués : autant de scandales incessants, accompagnant tout autant le sport de haut niveau que les mouettes d’Eric Cantona le chalutier anglais...

Mais voilà, toutes ces organisations, sans exception, ont considérablement renforcé et enrichi le sport dont elles défendent les intérêts par leur action quotidienne et ultra professionnalisée. Et à l’inverse, c’est là où elles n’existent pas que ces institutions font la démonstration de toute leur utilité.

Le monde des tournois live de poker en est un cas d’école. L’égalité des chances, le respect des règles et la bonne promotion des joueurs et des tournois reposent toujours et avant tout sur la passion, l’engagement, le sens du respect des règles et des valeurs. L’immense majorité de tous les passionnés que je croise sur les tournois est habitée par cette quête de bien faire, de jouer honnêtement, d’organiser la plus belle et la plus équitable des compétitions. Mais ces joueurs, ces organisateurs, doivent aujourd’hui être aidés dans leurs efforts. Un festival de poker de niveau international va cumuler plusieurs dizaines de millions de buy-ins en une dizaine de jours. C’est du sérieux, il y a tout : de l’enjeu, de l’engagement et de très forts moments de spectacle.

Pour connaître un peu les équipes qui organisent et encadrent ces compétitions, ceux que je connais m’inspirent tous un respect profond car ils font leur maximum en garantissant équité, respect des règles et soin de la mise en scène. Mais il en va de la compétition comme de la démocratie : pour fonctionner, l’une et l’autre doivent générer leur propre contre-pouvoir. Il existe plusieurs grands circuits mondiaux dont les événements font étape dans toutes les destinations de la planète. En Europe de l’Ouest, aux USA, les autorités locales jouent ce rôle de contre-pouvoir ; mais qu’en est-il de destinations où l’Etat est… disons… moins regardant sur le déroulement de la compétition ? C’est exactement pour éviter ce questionnement lancinant qu’un organisme de supervision indépendant serait le bienvenu et attribuerait le label de bonne conduite à un festival en multipliant les contrôles bien sûr, mais aussi en faisant respecter un cahier des charges rigoureux sur le bon déroulement de l’événement, tant en termes de recrutement que de déroulement des opérations. 

"Un super High Roller à 50 000 $ qui réunit un plateau de joueurs du top 100 mondial dans l’anonymat le plus total au fin fond d’une pokerroom, sans aucun streaming (…), alors même que le meilleur poker du monde se jouera (…) est juste une absurdité absolue pour le professionnel du marketing sportif que je suis."

L’autre bénéfice qu’un organisme fédérateur apporterait, c’est ce que Bernie Ecclestone et Max Mosley apportèrent en leur temps à la Formule 1 : ils cessèrent le massacre des pilotes en défendant leurs intérêts et en imposant des normes de sécurité draconiennes, mais surtout ils firent de la Formule 1 une activité très attractive pour les annonceurs et les médias. C’est bien là l’enjeu suprême du poker live aujourd’hui : attirer des investisseurs autres que les joueurs eux-mêmes. Un super High Roller à 50 000 $ qui réunit un plateau de joueurs du top 100 mondial qui cumulent 200 millions de dollars de gains et qui se déroule dans l’anonymat le plus total au fin fond d’une pokerroom, sans aucun streaming ni aucune mise en scène particulière alors même que le meilleur poker du monde se jouera à ces trois ou quatre tables restantes est juste une absurdité absolue pour le professionnel du marketing sportif que je suis.

Le même tournoi à 50k, identifié comme une manche d’un circuit mondial constitué d’une dizaine ou d’une quinzaine d’étapes, respectant scrupuleusement une charte de mise en scène, de médiatisation et de déroulement sportif, renforcerait considérablement l’attractivité des compétiteurs, leur permettant une meilleure collecte de sponsors et d’investisseurs. En devenant "bankable", le poker attirerait le même niveau de sponsor que le golf par exemple puisque pratiqué très souvent par les mêmes joueurs.

Oui mais voilà... Au moment de demander un crédit, vous pouvez toujours inviter votre banquier à faire un parcours de golf, il peut apprécier, en revanche évitez de l’inviter à une partie de poker... Plus vous serez bon, plus il se méfiera de vous… Et non seulement, vous n’aurez aucun crédit mais vous le perdrez lui et la confiance qu’il vous accordait !
Ceci résume tout le chemin à accomplir pour l’image du poker live, un chemin que la création d’une ligue pro garantissant équité sportive et promotion efficace permettrait en partie d’accomplir. Eh oui... Il faudrait que le petit monde des organisateurs se mette autour d'une table...

Crédit photo : Tomas Stacha

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