PSYCHO : les femmes et le poker
Les femmes ont-elles des avantages par rapport aux hommes à une table de poker ? Notre coach mental Valentin Huvelin tente de répondre à cette délicate question.
Notre expert Valentin Huvelin,
coach mental de nombreux joueurs et sportifs de haut-niveau, s’est
vu imposer une expertise bien particulière dans le n°128 de LivePoker, spécial "Girl Power" : détailler les qualités et défauts
des femmes en matière de psychologie appliquée au poker.
Accrochez-vous, ça décoiffe (les brushings) !
Pour cet article, c'est un sujet particulier qui m'a été demandé : les femmes, le poker et
la psychologie ! Je crois que c'est la première fois que j'ai à
écrire un papier aussi difficile. Je pense en effet qu'il est
toujours difficile, voire même impossible, d'écrire sur un groupe
social : femme, homme, jeune, vieux, petit, grand... Pour la
simple et bonne raison qu'un groupe social est composé d'un trop
grand nombre d'individus ! Et qu'il y aura donc toujours de nombreuse
différences à l'intérieur du groupe entre ces différents
individus. Alors écrire un article sur les femmes au poker... Bah en
réalité c'est impossible. Ou pas…
Cependant, je pense qu'on peut
retrouver des constantes qui vont revenir plus régulièrement dans
certains groupes sociaux. Par exemple, les hommes jeunes de 18/25 ans
sont ceux qui meurent le plus souvent d’accidents de la route.
L'alcool, les stupéfiants, la vitesse et les prises de risque en
sont responsables. Et ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des
stats officielles. Le problème, c'est que bien souvent, les gens
(pas tous évidemment, c'est encore une généralité) ont tendance à
faire des raccourcis. Et à dire : si tu as entre 18 et 25 ans,
tu bois sûrement, te drogues et conduis trop vite (même si j'ai
effectivement remarqué cette tendance des voitures avec un macaron A
à me doubler à des vitesses excessives). Mais c'est faux !
Évidemment. Chaque individu dans un groupe donné possède ses
propres caractéristiques. C'est le danger de réduire un groupe à
des spécificités limitées (principe caractérisant le racisme). On
ne connaît pas les gens et donc on ne peut pas les réduire aux
caractéristiques d'un groupe parce qu'ils « appartiennent »
à celui-ci. Si on le fait, ce sera alors un jugement erroné.
Bref, vous voyez où je veux en venir.
Ces précautions étant prises, je vais donc m'attarder a.... réduire
les femmes à certaines caractéristiques au poker ! Et
donc forcément cela ne s'appliquera pas à toutes ! Et cela
s'appliquera aussi sûrement à certains hommes ! Pourquoi ?
Tout simplement car nous sommes tous différents. Mais attention à
ne pas réduire les femmes à ces généralités. Une des plus
grandes généralités d'ailleurs au poker est : tu es jeune
donc tu es loose, tu es vieux, tu es tight. Et évidement je peux
vous donner une dizaine de contre-exemples et plus encore ! Ces
précautions prises, j'attaque le cœur de l'article !
"Les femmes ont
beaucoup moins d'ego (…) Et elles n'ont pas besoin de défendre
leur territoire. Ainsi, pour elles, un raise est un raise et rien de
plus."
Les femmes ont
un avantage psychologique sur les hommes au poker.
Les femmes sont moins sujettes à
l'égo.
J'ai déjà écrit un article sur l'ego
et je vous conseille de le retrouver dans vos vieux LivePoker (car je
le trouve vraiment bien). Je reviendrai donc rapidement dessus. L’ego c'est simplement un système de protection mis en place lorsque nous
manquons de confiance en nous. Il nous « protège » en
cas « d'attaque », parfois de manière excessive. Par
exemple, lorsqu'un joueur open dix fois notre BB, les joueurs avec un
gros ego vont prendre cela pour une « agression ». Et
leur ego va répondre à cette agression, oubliant toute logique ou
toutes mathématiques, pour placer un 3bet avec un bon 27o. J7s
devient une premium, le discernement est quelque peu altéré, les
jetons s’envolent et la variance décide du reste…
Or, la première généralité que je
vais faire, c'est que les femmes ont beaucoup moins d'ego. Car elles
ont plus confiance en elles ? Non je ne pense pas. Mais les
femmes produisent six à sept fois moins de testostérone. Et elles
n'ont pas besoin de défendre leur territoire. Ainsi, pour elles, un
raise est un raise et rien de plus. Elles n'ont pas ce côté :
c'est chez moi ici et je vais te montrer c'est qui le patron (enfin
c'est une généralité, j'ai coaché ou joué avec certaines femmes
qui avait ce côté-là très développé). Elles n'ont pas besoin de
faire ce concours de qui a la plus g.... (même si j'ai au moins deux
contre-exemples en tête). Et donc cela les rend meilleures. En
général, elles vont prendre les choses pour ce qu’elles sont. Et
quand elles vont 3-bet, elles ne vont pas se level, mais tenter de
jouer de manière optimale. En résumé, vous l'aurez compris, l'ego
(qui est le pire est ennemi du joueur de poker, selon l’adage)
étant moins fort, ressentant moins les choses comme une agression
personnelle, ces dames prendront des décisions plus réfléchies,
plus analytiques, et seront par extension meilleures au poker.
Les femmes gèrent mieux leurs
émotions
Encore une fois, cela reste une
généralité. J'ai effectué plusieurs coachings avec des femmes qui
géraient mal leurs émotions. Et des hommes qui les géraient très
bien. Mais une tendance générale consiste à dire que les femmes
ont tendance à mieux gérer leur colère, leur frustration et leurs peur,s tout particulièrement dans des disciplines telles que le
poker. Pourquoi ? Là, vous me posez une colle. On peut avancer
qu’elles ont été plus souvent confrontées à ces émotions et
qu'elles ont simplement appris à les contrôler à force de devoir y
faire face, ou tout simplement qu’elles font preuve d’une distance
plus saine, considérant à juste titre le poker pour ce qu’il
est : un jeu. Ce détachement, ce positionnement plus équilibré,
ce calme constituent un arsenal redoutable. Cela signifie davantage de
résistance aux bad beats, aux bad runs, à la variance... Et ça, ça
veut dire plus d'EV... et donc plus d'argent ! Un sacré
avantage en soi !
"Il arrive ainsi
que certains hommes mettent entre parenthèses leur A-game,
abandonnant leurs jetons à la demoiselle par gentillesse ou au
contraire disputant tous les pots en refusant de céder devant une
femme, quitte à y laisser plumes et crédibilité"
Parlons aussi des interactions
Une des caractéristiques du poker est
qu’il s’agit d’une des rares disciplines dans laquelle hommes
et femmes s’affrontent, directement qui plus est. Une proximité et
un affrontement qui génèrent son propre lot d’interactions au
niveau psychologique. Certaines femmes, notamment des débutantes,
vont être impressionnées par cet univers très masculin et risquent
en conséquence de ne pas bénéficier de toute la sérénité
requise pour jouer de manière optimale à une table où elles vont
être scrutées par huit mâles.
Néanmoins, la majeure partie des
joueuses s’adaptent très vite, et pour cause étant confrontées
en permanence à ce milieu masculin dans les salles de poker. En ce
qui concerne ces messieurs, la présence de femmes à table est moins
courante et de nombreux hommes ont des difficultés à considérer la
nouvelle arrivante comme un simple joueur. Besoin de séduire pour
assurer la survie de l’espèce ou conforter son ego, paternalisme,
attirance sexuelle, timidité, etc. les causes sont variées. Il
arrive ainsi que certains hommes mettent entre parenthèses leur
A-game, abandonnant leurs jetons à la demoiselle par gentillesse ou
au contraire disputant tous les pots en refusant de céder devant une
femme, quitte à y laisser plumes et crédibilité. On a tous été
confronté à des joueurs faisant un peu n’importe quoi lorsqu’une
joueuse était de la partie. Une femme ne choisira pas de fold dans
l’espoir d’être perçue comme séduisante et tout aussi rarement
de payer un overbet parce que « moi, aucun homme me bluffe » !
L’interaction psychologique entre hommes et femmes au poker a
tendance à tourner le plus souvent à l’avantage de celles-ci.
"Quoi qu'il en soit, en moyenne, les études semblent montrer que les femmes auraient moins confiance en elle en matière de compétition... Mais bon, parlez-en à Vicky Coren !"
Et alors ?
Les femmes n'ont pas de points faibles psychologiquement ? Si bien
sûr, j'y viens.
Les femmes ont-elles moins confiance en
elles ?
Ça c'est une constante que j'avais
trouvé sur des tests psychologiques réalisés auprès de sportives
de haut niveau. Les femmes avaient en effet des résultats plus bas
sur la confiance en soi. Pourquoi ? Encore une sacrée colle !
Peut-être que les femmes sont plus souvent rabaissées au long de
leur vie que les hommes et que cela diminue leur confiance en elle, où alors elles sont moins conditionnées pour devenir les meilleures. Peut-être que les
femmes sont moins souvent valorisées par leurs actions positives...
Bref ! Quoi qu'il en soit, en moyenne, les études semblent
montrer que les femmes auraient moins confiance en elle en matière
de compétition... Mais bon, parlez-en à Vicky Coren ! Je ne
suis pas sûr qu'elle soit d'accord avec cette théorie !
Et alors qu'est-ce que cela génère ?
Et bien notamment du stress et surtout du stress somatique (les
signes visibles du stress, sueur, tremblements, etc.). C'est
peut-être d'ailleurs pour cela qu'elles gèrent mieux leurs émotions
comme je l'ai écrit précédemment : elles y sont souvent
confrontées.
Cela peut créer des petits problèmes,
surtout à une table de poker car elles peuvent parfois donner plus
de tells. Il est donc impératif de savoir gérer cela pour être
performante. Et surtout ne pas être un livre ouvert à la table.
Mais ne vous inquiétez pas, ça se travaille ! Et d'ailleurs je
lance un message aux hommes, parce nombreux sont ceux contre qui j'ai
joué qui affichent des tells !
Les femmes ont tendance à prendre
moins de risques
C’est un article que j'avais lu il y
a quelques temps sur PokeraAcadémie. Il expliquait que les femmes
avaient tendance à garder leur pécule précieusement plutôt qu'à en
foutre partout comme ces bourrins de jeunes grinders online. Je n'ai
pas une tonne de choses à rajouter là-dessus, la fréquentation
régulière des tables de poker montre que c’est souvent le cas,
même si là-encore il existe toujours des contre-exemples. Peut-être
est-ce dû à un penchant historique de vouloir nourrir ses enfants.
Et donc les femmes préfèrent garder leur bien que prendre le risque
de perdre (ce qui constitue parfois un atout). De toute façon, c'est
bien connu, les mecs sont des gambleurs, sinon Pierre Calamusa s'appellerait Pierrette. Mais surtout, n’allez pas faire lire cet
article à Vanessa Selbst ! Elle doit être l'antithèse
parfaite de ce que je raconte !
Conclusion
Voilà, à l'heure du bilan et je donne
donc un léger avantage aux femmes sur ce jeu, de par leur meilleure
gestion des émotions et leur self-control. Alors évidemment, la
question qui va se poser concerne les résultats. Le problème, c'est
qu'il y a peu de femmes dans les tournois de poker. Les femmes
représentent 5% à 10% du field au maximum, un pourcentage
qui ne croit malheureusement que très lentement.
Mais les femmes sont-elles plus
performantes que les hommes ? Difficile encore de répondre
à cette question. Vicky Coren me ferait dire qu'effectivement c'est
le cas, car malgré le peu de femmes présentes sur le circuit pro,
elle est la seule à avoir remporté deux EPT alors qu'aucun homme ne
l'a fait. Et les résultats de joueuses comme Vanessa Selbst, Liv
Boeree ou il y a quelques années Jennifer Harman, démontrent que
lorsque ces dames sont compétentes, elles se placent au sommet de la
hiérarchie mondiale, à l’image de Selbst, ancienne numéro 1 au
classement GPI. Mais à l’opposé, combien de femmes sont arrivées
en TF du Main Event des WSOP ? Et combien de bracelets ont
remporté les femmes (hors events réservés aux femmes) ? Je ne
saurai pas le dire et surtout je ne saurai interpréter les chiffres
obtenus en rapport du nombre de joueuses. Et au fond, est-ce qu'on ne
s'en moque pas un peu ? Peut-être aussi qu'elles sont tout
simplement moins attirées par le jeu, car cela me parait toujours
incroyable de voir si peu de femmes dans les tournois pros.
Jennifer Harman et Marco Traniello
En
résumé ! Je voudrais évidement rappeler que cet article est
une généralité et donc est forcément (ou tout au moins
partiellement) faux. Nombreuses d'entre vous ne se reconnaîtront pas
et c'est tout à fait normal. J'ai essayé d'aborder le sujet avec
légèreté et second degré, car ce que je sais et dont je suis sûr,
c'est que chaque femme est unique. Alors développez vos propre
qualités, comblez vos propres défauts, travaillez sur vous et une
chose est certaine, homme ou femme, nous pouvons tous être plus
performants au poker ! Cela nécessite simplement du travail et
des qualités.
Crédit photo : Joe Giron