TECHNIQUE : S’autoriser l’improbable… (1ère partie)


TECHNIQUE : S’autoriser l’improbable… (1ère partie)

Chaque mois, note magazine vous propose la rubrique technique de YoH Viral ! En exclu, voici la première partie de juillet.


Dans ce numéro, notre inimitable coach détaille deux mains disputées lors du dernier Unibet Open organisé à Malte lors desquelles il choisit des lignes et surtout des sizings totalement… improbables pour déstabiliser avec succès l’adversaire.
 
Yo la famille Livepoker !
 
A l'heure où j'écris ces lignes je m'apprête à partir à Las Vegas pour jouer mes septièmes WSOP. Les semaines qui précèdent chaque départ à Vegas sont excitantes, il y a vraiment quelque chose de magique pour tout joueur de poker dans cette ville. C'est fou comment d'année en année je ne ressens aucune baisse de motivation à l'idée d'aller à Vegas, pourtant on pourrait s'imaginer un peu plus en mode “routine” quand on a passé plus d'un an de sa vie en cumulé dans la ville du pêché. Non je suis déterminé, et cette année encore je tenterai de ramener le fameux bracelet et quelques gros pots de cash game.  
 
Au cours de son évolution dans le poker comme dans sa quête de développement personnel dans la vie, l'un des gros leviers de réussite que j'ai identifié est le fait de s'autoriser l'improbable. S'autoriser de rêver.
 
S'autoriser de dire et faire des choses hors des standards, hors des habitudes communes. En réalité du moment qu'on n’enfreint pas la loi, ou les règles quand il s'agit du poker, il faut se forcer à penser différemment. Une question que je me pose régulièrement m'aide beaucoup sur ce point : qu'est-ce que tout le monde fait à l'heure actuelle que je peux faire différemment des autres ?
 
Point par point, on se rend compte qu'on peut trouver un tout autre angle aux choses standards que notre famille, nos amis, nos collègues, font. Il ne s'agit pas de faire différent à tout prix à chaque fois, il y a des choses très efficaces que l'on peut faire de la même manière. Mais s'autoriser à faire complètement autre chose dans certaines situations est très puissant en terme de résultats long terme (parfois “court terme” mais il ne faut pas juger trop vite car tout gros changement peut prendre du temps avant de se révéler très efficace).
 
Aujourd'hui, illustration de ce concept avec deux mains que j'ai jouées récemment à l'Unibet Open Malte, un tournoi à 1100€ avec 273 participants, se disputant à domicile pour moi. 
 
Première Main : Value à tout prix
 
Contexte : Unibet Open Malte 1100€
Variante : No Limit Hold’em
Blindes : 200/400
Mon tapis : 45 000
Ma position : Bouton
Ma Main  :   
Position du Vilain2 : small blind
Stack du Vilain2 : 50 000
 
Preflop : Vilain1 raise hijack 1000 / YoH ViraL call / Vilain2 reraise 3200 / Vilain1 fold / YoH ViraL call
Flop :     Vilain2 check / YoH ViraL check
Turn :   Vilain2 check / YoH ViraL check
River :   Vilain2 check / YoH ViraL mise 15.600 / Vilain2 call
 
Le joueur à ma gauche (SB) a l'air d'un jeune profil joueur internet comme il y en avait pas mal dans ce tournoi. A chaque fois qu'il y a un live à Malte le niveau de jeu est plus élevé qu'ailleurs par le simple fait que résident ici à l’année plus d'une centaine de joueurs pros de poker. Il nous suffit donc de faire quelques centaines de mètres en général pour décrocher l'espace de quelques heures - ou jours - de l'ordinateur et aller faire un tournoi live au casino !
 
Le joueur au hijack relance, je le paye au bouton avec KJo. Je préfère payer que surrelancer car les joueurs en live s'ennuient et ont tendance à trop payer vos surrelances, vous avez donc peu de fold equity et pas suffisamment de value à la fois avec cette main pour la 3/bet. La SB 3/bet/squeeze à 3200, le hijack passe (c'est rare) et je paie car j'ai la position, le sizing n’est pas très cher et je suis profond. Pour ceux qui sont peut-être moins à l'aise postflop, je conseille de passer face au 3/bet ici car pour que ce soit rentable de call avec globalement un “retard de range” et une main difficile à jouer car souvent dominée et non suitée, il faut prendre de très bonnes décisions postflop aussi bien dans le fold que dans le value.
 
On oublie souvent la partie value, on se dit « oui je ne vais pas m'emballer si je touche un K ou un J ça ira ». C'est plus complexe que ça le jeu postflop dans cette situation. Pour rentabiliser ce call il faut aussi savoir bluffer avec votre KJ à des moments et value comme jamais à d'autres. Et pour accomplir tout ça avec les bons sizings et avec la bonne fréquence vous devez avoir un niveau de jeu postflop très technique mais aussi vous autoriser l'improbable.
 
Flop :    
 
J'ai middle paire top kicker. Mon adversaire check et je check back dans la foulée. Pas de value ici car il aura souvent de la showdown value plus forte que la mienne type QQ Ax KK. Parfois un J ou TT 99. Donc, Je check back de manière logique…
 
Turn :  
 
La turn est un T qui n'ouvre pas de tirage couleur. Il check à nouveau. Avec la plupart des mains qu’il est susceptible de détenir citées précédemment, il n'a lui-même pas beaucoup de value à miser au vue de sa range perçue de 3betteur hors position. C'est pourquoi, si je mise je risque à nouveau de me value-cut, c'est à dire de me faire payer par mieux en tentant de rentabiliser ma main contre moins bien. Pour les mêmes raisons je check.cette 
 
River :  
 
La river est un J de Jackpot ! Il check à nouveau, sa range n’a foncièrement pas bougée durant toute la main: il s'agit de quelque chose comme QQ KK JQ KJ 99 TT éventuellement KT QT (même s'il y a de grandes chances qu'il bluff ses deux dernières mains au flop, s’il lui été venu l’idée de les 3bet préflop).
 
Il ne voit toujours pas de value à miser et veut me laisser me value-cut ou bluffer une pocket paire que je pourrais clairement avoir. Toutes mes paires servies de 22 à 99 jouent de la sorte la plupart du temps jusqu'à la river et savent qu'elles n'ont pas de showdown value. C'est grâce à ce dernier paramètre que je m'autorise cette mise de 15.600 alors que le pot est seulement d'environ 8000.
 
Cette mise démesurée semble être une invitation à jeter ses cartes pour mon adversaire et il va probablement l'interpréter comme telle et du coup me payer en me croyant voler ce pot dont il semblait se désintéresser.
 
Certes si j'avais misé 8000 ou même 10.000 en overbet plus léger, il aurait peut-être aussi payé mais je m'autorise à faire ce que peu risquent de faire car trouvant ça « stupide ». En début de carrière tu ne penses pas du tout à faire ça, tu fais ton sizing standard moitié pot, après quelques années tu t'autorises à y penser mais tu te dis « il ne va jamais payer si je fais autant c'est ridicule » et tu ne le fais pas.
 
Passent encore quelques années à te former encore plus auprès des meilleurs et tu te dis « ils font des choses hors du commun pourquoi pas moi ? » et tu le fais enfin !
 
Il paie et rends ses cartes au croupier, sonné en découvrant que je ne bluffais pas. 
 
Vous avez aimé cette première main ? Envoyez un max de pouces bleus et de partages sur vos réseaux sociaux pour découvrir la suivante intitulée "2 fois le pot"...
 
Par Johan « YoH ViraL » Guilbert, joueur pro et coach sur www.yohviral.fr  twitter : @yohviral
 
Crédit photo : Jamie Thomson
 
Article extrait du magazine LivePoker de juillet. Pas encore abonné ? Retrouvez chaque mois la rubrique Yoh en cliquant ici :

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