PSYCHO : Tout le monde peut-il être gagnant au poker ?


PSYCHO : Tout le monde peut-il être gagnant au poker ?

Afin de vous donner toutes les cartes pour devenir un joueur gagnant, nous avons demandé à  notre coach mental Laurent Delbrel son avis sur une question en apparence simple : peut-on réussir dans le poker à  force de travail ?


Des positions contradictoires autour de la possibilité de dégager un complément de revenu au poker circulent sur les forums et autres réseaux sociaux, est-il possible ou non pour chacun de dégager des profits en jouant au poker ?
 
Nous ne parlerons pas ici de faire partie des meilleurs joueurs mondiaux, ni français, ni même de devenir professionnel au poker. Simplement d’être un joueur régulier et gagnant en NL100. Voici mon point de vue sur la question.
 
LA PART DE L’ACQUIS ET DE L’INNE
 
Cet échange autour de la possibilité donnée à tout le monde d’être en réussite dans un domaine, rejoint le débat maintes fois posé dans l’histoire de la psychologie et qui pose et repose la part de l’acquis et de l’inné. Et débat qui n’aurait pu avoir lieu il n’y a environ qu’une trentaine d’années tant les mentalités de l’époque avaient actées comme vérité absolue le pouvoir de la génétique et du talent inné.

Beaucoup de psychologues et théoriciens de l’époque pensaient effectivement que les capacités d’un individu étaient inscrites pour une immense partie dans leur bagage biologique et que l’environnement et l’apprentissage certes, pourraient avoir une influence, mais que très limitée… “On est né comme ça”, “il n’arrivera à rien lui…”, “elle est timide et ne pourra rien y faire », « il n’a pas des capacités de réflexion suffisantes ! ».

Beaucoup “d’idéalistes” ont voulu faire bouger ce point de vue réducteur, et parmi eux, un psychologue hongrois László Polgár. Ce dernier a voulu prouver sa philosophie par une expérience assez dingue! Il proposa (accrochez-vous pour l’éthique…) d’épouser une femme qui voudrait participer à son projet de démontrer que le talent n’est pas inné mais acquis. Il rédigea un livre-annonce “Bring Up Genius!” pour proposer son offre et épousa donc une femme prête à l’aider dans ses expériences.

Klara, une enseignante de primaire en Ukraine, qui vivait dans une enclave où le hongrois est couramment parlé, accepta. Ils eurent trois filles, qu’il forme à la maison, se concentrant sur les échecs. Les trois sont devenues des championnes mondiales, dont Susan qui a gagné un championnat pour moins de 11 ans à l’âge de 4 ans et a été plusieurs fois championne du monde féminin, et Judit, universellement considérée comme la meilleure joueuse de l’histoire et qui a atteint la huitième place au classement mondial en juillet 2005 avec un Elo de 2 735. 

Pour la petite histoire, Suzan Polgar reproduisit le même processus d’éducation sur ses propres enfants qui actuellement, obtiennent les mêmes résultats qu’elle…

La recette conduisant au succès pour la famille Polgar est claire et reproductible : énormément de travail dans un domaine qui les passionne, tout simplement…

Cette recette, accessible à tout le monde, a été approfondie scientifiquement et théorisée quelques années plus tard.

LE TEMPS DE TRAVAIL

Dans un article-clé publié en 1993, le psychologue suédois K. Anders Ericsson et ses collègues ont avancé que les disparités de performance entre les individus dans des domaines tels que la musique ou les échecs reflétaient largement les différences en termes de quantité de temps que les gens avaient passé à s’engager dans un « entraînement volontaire», ou dans des exercices d’entraînement spécifiquement destinés à améliorer leur performance.

De ces premières théories est née la fameuse règle des 10 000 heures de travail volontaire pour briguer l’excellence de Malcolm Gladwell dans son livre Outliers. Cette règle a été illustrée aussi par le livre de Robert Greene sur l’Excellence et montre comment certaines carrières éloquentes ont démarré à partir d’un échec initial dû à “un manque de talent”… Michael Jordan, Edison, Darwin, Aznavour, Stallone, et tant d’autres connaissent un destin quasi similaire. Recalés par manque de talent avant de briller de tout leur éclat. Edison qui au passage nous dit que le talent c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration !

A ce propos je vous recommande le livre de Carol S. Dweck (Changer d’état d’esprit, Une nouvelle psychologie de la réussite,2010) professeur à l’université Stanford et une des chercheuses les plus reconnues dans le domaine de la personnalité. Elle ontre également que la réussite tient bien plus à un état d’esprit d’ouverture et d’apprentissage qu’à des capacités innées hors du commun.

D’autres recherches menées par S.Kotler dans le cadre du Flow Genome Project, montre comment cette règle des 10 000h peut être divisée par 2 dans un état de flow régulier. Cet état psychologique optimal qui nous place dans des conditions idéales d’apprentissage et de jeu. C’est actuellement l’objet de mes recherches et je m’applique à présenter un processus permettant de d’atteindre plus facilement cet état à travers mes séminaires. 

Car ici aussi, tout est question de processus et de méthodologie.

UNE ERE NOUVELLE OU L’IMPOSSIBLE S’AMENUISE ?

De nos jours, les neurosciences sont venues appuyer ce que certains psychologues affirment depuis de nombreuses années, la possibilité d’évolution à travers le travail intensif et la plasticité neuronale. Et ce même à l’âge adulte.

Il est nulle question, à partir de cette introduction et que mon propos soit clair, de prétendre que nous sommes tous égaux face au poker. Certains auront davantage de facilités que d’autres à analyser, les coups, gérer leurs émotions, affronter leurs peurs, synthétiser leurs connaissances, etc. Mais ce potentiel supérieur est-il la part la plus importante dans la voie du succès en NL100 ?

Appuyons-nous encore une fois sur les sciences pour mesurer ce qui est de l’ordre de notre bagage biologique et ce qui revient à notre travail.

Aujourd’hui, la part de l’acquis a été réduite à environ 30-40% des capacités d’après les recherches récentes. Il ne faut pas la nier. Mais il ne faut pas l’exagérer non plus ! Ce qui était, il n’y a encore que plusieurs dizaines d’années, responsable en majeure partie dans nos résultats est réduit aujourd’hui qu’à un tiers dans les paramètres d’explication. Cela laisse une grande marge de manœuvre à toutes les initiatives que chacun peut prendre avec son libre arbitre.

Et ici, cela ne veut pas dire qu’une catégorie de personnes a 40% et tous les autres 0%. Il faut bien évidemment introduire tout une palette de nuances ce qui atténue encore les différences génétiques.

Par ailleurs, on voit régulièrement des jeunes percer dans de petites catégories grâce justement à ce talent naturel (au sport comme à l’école d’ailleurs). Mais très étonnamment, ce sont rarement ces mêmes jeunes que l’on retrouve à très haut niveau plus tard. Comme si la facilité naturelle avait aussi induit des habitudes de travail déstructurées ou absentes. Et que la notion même d’efforts remettait en cause une forme de statut acquis précocement. D’où une tendance à la procrastination et la stagnation. C’est un revers psychologique qu’il faut aussi intégrer dans la balance…

Les écoles qui ont sélectionné leurs élèves à partir du test de QI de Binet montrent tous l’échec d’un présupposé potentiel qui induirait une réussite acquise obligatoirement. Il y a une corrélation bien plus forte entre le quotient émotionnel et la réussite par exemple.

Voilà comment les neurosciences dégonflent un lieu commun et des idées reçues qui en a découragé plus d’un dans sa quête de réussite.

LA PROBLEMATIQUE CACHEE

Certes il existe une différence initiale entre chacun, Mais elle n’avoisine que 30% de notre potentiel.  S’agit-il alors vraiment d’un critère bloquant pour réussir en NL100?  Je pense véritablement que non. 

Pour moi le vrai débat est ailleurs. Il réside dans cette question : Est-on vraiment prêt à faire les actions qu’il faut pour réussir ? 

La vraie problématique est là à mes yeux. Est-on prêt à faire surtout ce que les autres ne veulent pas faire… Car pour avoir des résultats supérieurs à la moyenne des joueurs, il faut faire ce que les autres ne sont pas prêt à faire. 

Est-on prêt à travailler sérieusement, en quantité et qualité ? Est-on prêt à revisiter son approche de différents domaine qui entourent le poker : technique, mental, énergie, apprentissage, équilibre général ? C’est beaucoup de sacrifices qui éloignent les plaisirs immédiats que nous proposent Facebook, Youtube, les séries, la TV, etc...

C’est une décision qui engage la responsabilité de chacun et implique bien plus son désir de travailler pour avancer et évoluer que ses capacités innées…

Je le vois tous les jours dans mes coachings, certains joueurs préfèrent se trouver alors des excuses que de faire ce job contraignant et difficile. Et à force de se répéter ces excuses, on construit une croyance limitante. Celle-ci va alors nous piloter inconsciemment et notre comportement viendra simplement confirmer cette prophétie auto-réalisatrice. Nous n’aurons pas de bons résultats car nous ne ferons pas le travail alors que nous pensons que c’est parce que nous n’en avons pas les capacités…

La question de la motivation à agir et du sens que l’aventure poker revêt pour nous est bien plus critique à mes yeux que celle d’un potentiel inné.

Tout l’objet de ma démarche de coaching est de faire prendre conscience de ce conflit interne et de montrer comment il est erroné en grande partie. De fil en aiguille, on voit la part d’illogisme dans certaines de nos pensées et on commence surtout à voir quels besoins sécurisants elles viennent alimenter.

En remettant en avant le processus lié à des réussites antérieures et en le transférant au poker, le joueur voit alors les endroits où il n’a pas fait le travail requis pour réussir. Et par ces moments d’introspection, on passe alors d’une croyance « je ne suis pas assez doué » à une constatation plus objective, « je ne fais pas le travail nécessaire à la réalisation de mon objectif car ça m’est inconfortable ».

Il s’agit ensuite de recréer cette dynamique d’actions, marche après marche, en s’appuyant sur une confiance retrouvée progressivement et une motivation rallumée.

LA RECETTE DU SUCCES

Travail, détermination, environnement, persévérance, préparation, formation, résilience, sont des mots qui à mes yeux ont une importance fondamentale. Je pense très fortement, qu’en adoptant une bonne attitude dans la vie, à travers ses pensées, émotions, décisions et actions, on peut largement compenser des différences originelles pour viser ce que l’on peut qualifier déjà de très bon niveau.

Sans devenir forcément le N°1 mondial ou France au poker, on peut AVEC BEAUCOUP DE PASSION, D’EFFORTS, DE DETERMINATION, vivre du poker aujourd’hui. Je n’ai jamais dit que c’est facile loin de là. Mais c’est juste possible et n’est pas réservé qu’à une minorité.

La route n’est pas facile. Mais cela ne veut pas dire qu’elle est impossible !

Il y a certes des personnes pour qui ce sera très difficile, ayant des pathologies marquées ou des troubles nécessitant des soins qui dépassent cet article. Mais cela reste aussi une minorité. Et pour la très grande majorité d’entre nous, être bien gagnant au poker est possible et accessible. Mais attention je n’ai jamais dit facile. C’est au contraire difficile et très douloureux parfois. Et c’est pourquoi beaucoup échouent et refusent de s’accrocher.

Il convient d’envisager cet échec possible et de s’y préparer. Mais c’est à mes yeux pour mieux rebondir et persévérer (et non s’acharner). Changer éventuellement sa méthodologie et son approche générale. S’inspirer de ce que font ceux qui réussissent pour l’implémenter et l’adapter à son fonctionnement personnel. 

Et je pense, avec la plus grande conviction dans mon cœur, que pour la très grande majorité d’entre nous, c’est possible. Mais pour qui est prêt à en s’en donner les moyens, VRAIMENT.

Laurent Delbrel

 

Article extrait du LivePoker n°122. Pas encore abonné ? Profitez vite de notre offre limitée spéciale Noel !

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