PSYCHO : Le poker cet ISport tellement à part…
Le poker, sport ou non, dans cet article notre coach, qui connait bien les deux univers, apporte un éclairage spécifique sur cette question qui revient régulièrement dans les débats, avec une vision générale, mais aussi axée sur l’aspect psychologique
C'est un peu le débat éternel, le poker est-il un sport, peut-il être considéré comme un sport ? Verra-t-on un jour le poker au Jeux Olympiques ? J’ai tenu, avec mon regard avisé de sportif amateur, joueur de poker régulier, coach mental de sportifs de hauts niveaux et de joueurs de poker, à tenter de répondre à cette interrogation. Car il me semble en effet que cette question peut être pertinente et que le sujet, s’il a été déjà maintes fois abordé, n’a jamais connu de réponse intégrant toutes les dimensions et notamment celles psychologiques. Je vais donc dresser la liste des points communs et des différences entre sport et poker et je parlerai évidemment du mental dans ces deux activités.
1/ Le poker est-il un sport ?
Tout d'abord, je voudrais éclaircir un point qui me semble important en tant qu'ancien STAPSIEN avec un rappel de la définition réelle du sport selon le Comité National Olympique Français. Car lorsque vous sortez courir seul dans la rue, ou bien que vous allez réaliser quelques longueurs à la piscine, sachez que vous ne faites pas du sport ! Vous allez donc me prendre pour un fou et me demander ce que vous faites alors ? Et bien vous faites de l'activité physique ! Et non du sport. Le sport est défini ainsi par le Comité National Olympique Sportif France : « Est défini comme ‘sport’, la seule pratique compétitive, licenciée, c’est à dire engagée dans l’institution qui fixe les règles du jeu et définit l’éthique sur laquelle celui-ci doit impérativement reposer » Ce qui veut dire qu'en terme de légalité, pour qu'un sport puisse exister, il faut simplement qu'il existe une institution (souvent une fédération) qui définit les règles de la pratique. Il faut aussi que celui-ci soit tourné vers la compétition. Or dans cette définition, rien ne fait allusion à la pratique physique. C'est pour cela qu'en 2000, la fédération Française d'échecs a reçu un agrément du ministère. Ce qui a beaucoup fait jaser à l'époque car nul ne considérait les échecs comme un sport.
2 / Le poker pourrait donc devenir un sport légalement ?
Oui et non ! Tout d'abord, il faudrait qu'il existe une Fédération Française de Poker, qui définirait les règles, organiserait les compétitions et posséderait des licenciés. D'un point de vue théorique cela est possible et même déjà engagé avec le Club des Clubs ou la LFP... Mais le problème demeure car aucune des deux institutions ne réunit vraiment pas toutes les conditions. Des rooms privées pourraient tout autant prétendre à devenir une fédération. Elles ont des adhérents (licenciés), elles définissent les règles et organisent les compétitions...
En fait, le problème vient justement de là, il y a une trop grande diversité dans le poker, il existe une multitude de façon de jouer, Online, en Live, gratuitement, de façon payante, etc. Et il existe différentes structures au niveau national pour pouvoir jouer... Donc pourquoi la LFP ou Winamax seraient agréés en tant que fédération et pas le Club des Clubs ou PokerStars ou encore PMU ?
Finalement, il faudrait une vraie Fédération Française de Poker qui engloberait tout le poker Français, y compris les rooms... Une grande entité qui regrouperait l'ensemble des compétitions, online, live, omaha, stud, gratuite ou payante... Un vrai casse-tête. Pas impossible, mais compliqué.
Rajoutons à cela, le problème de l'argent. Il semble très difficile de croire qu'un État serait capable de financer une Fédération où ses propres citoyens pourraient perdre des sommes importantes... Cela parait improbable. Cependant, même si le Poker ne deviendra probablement jamais une fédération agréée par l’état comme peuvent l'être différentes disciplines, le poker se rapproche souvent du sport sur différents aspects. Alors peut-on considérer dans la vie de tous les jours le poker comme un sport?
« Cette soif de compétitivité et de victoires pousse le joueur de poker comme le sportif de haut-niveau à une volonté constante de progression : travail, larmes et sueur sont les lots quotidiens de l’un et l’autre. »
3 / Poker et sport : points communs
De mon regard très privilégié de ces deux mondes côtoyés dans mon quotidien, je vais essayer de vous tirer un premier bilan des points communs.
La première chose qui me vient tout de suite à l'idée, c'est la compétitivité. Même l'ultra compétitivité ! Ces deux mondes reposent sur un seul principe : être toujours meilleur, ou formulé autrement : gagner ! Et lorsqu'il s'agit de sport individuel, alors la compétition est encore plus ressemblante au poker. Par extension, cette soif de compétitivité et de victoires pousse le joueur de poker comme le sportif de haut-niveau à une volonté constante de progression : travail, larmes et sueur (fut-elle liée à l’adrénaline) sont les lots quotidiens de l’un et l’autre.
L'autre point commun, c'est la forte demande cognitive. Il faut réfléchir pour performer ! Et ça c'est extrêmement important tant en sport que dans le poker. Même si parfois, cette demande, reconnaissons-le, peut être un tout petit peu moins importante dans le sport. A haut niveau la réflexion est la Reine et elle peut faire basculer le tournant d'une partie et d'un match.
Enfin le dernier point commun qui me saute aux yeux, c'est l'aspect émotionnel et mental. Dans les deux cas, pour performer, il faut gérer savoir ses émotions, savoir se juger de façon neutre, savoir se motiver, comprendre ses erreurs, avoir confiance en soi, savoir se concentrer longtemps, savoir et vouloir travailler encore et encore, etc. Et cet aspect peut changer un joueur et le rendre très performant ou très contre performant.
En ça, les pratiques sont très proches, voir même quasiment similaire et je peux le voir dans mon travail au quotidien. Un sportif de haut niveau ou un joueur de poker professionnel rencontrent les mêmes problématiques psychologiques.
« Au poker, la douleur n'existe pas. Elle est mentale et subjective. Dans le sport, elle est réelle. Vos muscles vous brûlent, vous prenez des coups, vous avez l'impression que votre cœur va exploser, vous vomissez, etc. (…) Aucun joueur de poker ne souffre physiquement. »
4 / Poker et sport : les différences
Clairement, au-delà de ces points communs, il existe des grosses différences. Et je pense que les joueurs de poker qui se comparent à des sportifs ne réalisent pas qu'ils existent de si grosses différences.
La plus évidente réside dans l'activité physique. La dépense physique réalisée à haut niveau est incroyable. L’entraînement commence souvent dès l'enfance et se poursuit tout au long de la vie. Or c'est une grosse différence avec le poker, personne ne commence à huit ans. Et aucun joueur de poker ne finit en sueur avec des douleurs énormes à la fin de sa session.
La seconde divergence, presque aussi évidente, c'est la gestion de la douleur. Au poker, la douleur n'existe pas. Elle est mentale et subjective. Dans le sport, elle est réelle. Vos muscles vous brûlent, vous prenez des coups, vous avez l'impression que votre cœur va exploser, vous vomissez, etc. Or c'est un aspect qui différencie clairement sport et poker. Aucun joueur de poker ne souffre physiquement.
L'autre différence c'est l'entourage. Le sport est forcément pratiqué en groupe, à plusieurs. Partenaire, entraîneur, kiné... On a toujours quelqu'un à côté de soi. Or ce n'est pas le cas pour 90% des joueurs que je coache. Au mieux, ils ont des relations par Skype, le plus souvent occasionnelles et rarement en direct. C'est une différence importante, car la gestion de la relation est souvent complexe dans le sport du haut niveau. Au poker, s'il y a un problème, la relation s’arrête. Or il n'est pas possible, en règle générale, dans un sport collectif de quitter l'équipe en plein milieu de saison.
Et bien sûr il y a aussi le facteur chance ! Jamais vous ne verrez un 2000e mondial gagner contre un top 10 dans un sport... Au poker, on peut être « moyen » et avoir une bien meilleure carrière que certain joueur pro grâce à un gros onetime. Et ça, c'est clairement plus dur à gérer pour les pros du poker ! D'ailleurs j'utilise souvent ces enseignements pour les sportifs. Même s'ils sont moins confrontés à la malchance, cela leur arrive tout de même.
« L'avantage du poker, c'est qu'on peut toujours progresser après 30 ans de pratique... »
Enfin le talent. Les talents nécessaires au poker et au sport sont bien différents : capacité physique vs capacités mentales/émotionnelles/cognitives. Les capacités physiques nous limitent plus dans le sport que les capacités mentales au poker. Nous sommes tous capés physiquement. Mentalement, notre cerveau est beaucoup plus malléable et plastique. Les neurosciences nous le prouvent tous les jours. Même si effectivement cela peut prendre beaucoup de temps pour progresser cognitivement. L'avantage du poker, c'est qu'on peut toujours progresser après 30 ans de pratique... Contrairement au sport, où notre corps est une limite que nous ne pouvons pas (encore) franchir, tout comme l’âge et le vieillissement qui dans le sport constituent des frontières que même le plus acharné des travailleurs ne peut éternellement repousser.
Voilà je pense avoir fait le tour des points importants à aborder entre poker et sport.
Le mot de la fin ? Pour moi le poker n'est pas un sport. J'ai l'impression que les joueurs de poker envient ce côté sportif. Ils veulent être reconnus en tant que sportif car c'est un statut qu'il leur plaît et aussi parce qu'ils s'associent souvent à des sportifs. Or je pense qu'ils se trompent. Le poker est différent du sport et l'on devrait tous être fier de ces différences. Nous devons revendiquer nos forces et notre activité ! Nous pratiquons un jeu cérébral de haut niveau ! Nous devrions nous inspirer des E(lectronic)Sport et devenir un I(ntelligent)Sport.
Par Valentin Huvelin, coach mental professionnel
Extrait du LivePoker n°125
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