TECHNIQUE : Utiliser son gros tapis pour bluffer


TECHNIQUE : Utiliser son gros tapis pour bluffer

Pour illustrer les spécificités du jeu deepstack, notre coach Vuong Than Trong nous explique comment utiliser l’effet de levier d’un gros tapis pour bluffer ses adversaires avec des sizings bien calibrés...


Si vous lisez LivePoker depuis quelques temps, ou que vous êtes tombés par hasard sur un ancien article que j’ai écrit, vous pourrez remarquer que je parle de sizing fixe avec toute ma range : cela signifie miser exactement le même montant quelle que soit ma main sur un type de board précis.
 
Mais le poker évolue, les stratégies générales également, si bien que de nos jours, il est bien plus fréquent d’avoir, dans un spot spécifique, plusieurs sizings possibles, soit avec toute notre range, soit avec différentes parties de notre range, sans pour autant être exploitable.
 
Ce qui tombe bien, nous permettant d’utiliser de nouvelles armes pour bluffer nos  adversaires dès l’instant où l’on est suffisamment deepstack…
 
PREMIERE MAIN : UTILISER SON STACK POUR UN BLUFF
 
Contexte : cash game online
Variante : No Limit Hold’em
Format : Short handed
Blindes : 2 € / 4 €
Ma main :   
Stack & position : VUONG (Hi-Jack) 544 € et VILAIN (Big Blind) 738 €
Pré-Flop : Vuong raise 12 € / Vilain call (Pot 26 €)
Flop : Vilain check / Vuong bet 8 € / Vilain call (Pot 44 €)
Turn : Vilain check / Vuong bet 62 € / Vilain call (Pot 168 €) 
River : Vilain check / Vuong bet 260 € / Vilain fold
Board  :      
 



 
Je me retrouve sur une table online à six joueurs, et je relance en milieu de position à 3 blindes, soit 12 €. Seul le joueur en grosse blinde, un joueur régulier décent, défend et je joue donc un pot en position.
 
FLOP :    
 
Un flop très favorable pour notre main : mon adversaire aurait relancé presque tous ses combos de JJ, et le connaissant, QQ à 100%. Il possède donc moins de mains fortes que je n’en possède, 44 et QJ étant le top de sa range à ce moment-là.
 
Mon adversaire checke, et je vais miser avec ma main pas loin de 90% du temps. La première question est « quel sizing choisir ». Dans ce spot, je peux adopter 2 ou 3 types de sizings, et affecter telle partie de ma range à tel sizing.
 
Par exemple, je peux décider d’overbet 44, ne bloquant pas Qx chez mon adver- saire, et équilibrer en faisant de même avec 98, ou AT. Je peux également décider de placer une mise de 2/3 du pot, avec toute ma range qui décide de continuation bet, ou plus fréquemment de nos jours, miser 1/3 du pot.
 
Une mise si petite n’est-elle pas exploitable pour mon adversaire, étant donné que si j’opte pour ce montant, je vais adapter mes ranges de manière à ce que mon adversaire ne puisse pas tirer profit de cette situation ? Je vais par exemple miser 9 € avec des brelans, des double paires, des tirages quintes, et des backdoors. Ce coup-ci, je décide de choisir la mise à 33% du pot. Mon adversaire paie assez rapidement.
 
TURN :      
 
Un turne anodine, bien qu’elle apporte peut-être quelques combos de double paires chez mon adversaire s’il défend des 43 suited ou Q3 suited dans cette configuration pré-flop, bien que je ne le pense pas.
 
Il checke à nouveau, et une nouvelle décision m’est proposée : je peux checker, et espérer toucher puisque je ne gagnerai pas le pot à l’abattage de cette manière, ou miser. Je vais miser 100% du temps avec ma main, il me faut maintenant opter pour un sizing, tout en réfléchissant aux mains de ma range avec lesquelles je continuerais à miser : ici, toutes mes mains pour value, telles que KQ+, QJ, QQ, JJ, 44, KK, AA, ainsi que des semi-bluffs AK, AT, KT, T9, et même des A5, quelques 76 que j’aurais pu choisir de c-bet à un faible sizing au flop.
 
En résumé, ma range est encore très large, et je pense miser une énorme partie de ma range de c-bet flop à la turn. Je décide cette fois de placer un overbet, une line que je prendrais un certain pourcentage du temps. A posteriori, j’ignore si ce sizing est optimal. Je place donc une mise de 62 €, qui entraîne un petit moment de réflexion chez mon adversaire, puis un call.
 
RIVER :       
 
Mon adversaire checke très rapidement. C’est une river intéressante, car les quintes sont bien plus présentes dans ma range que dans la sienne, voire inexistantes chez lui. De mon côté, je possède pas mal de mains que je peux value, mais également pas mal de bluffs puisque tous mes AK/AT, KT T9 ont manqué.
 
Cependant, je n’overbet pas ces combos fréquemment à la turn, et je peux très bien checker des mains comme AK ou KT un certain pourcentage du temps. Ici, je vais overbet bien plus fréquemment des mains pour value et des draws plus faibles, tel que T9 qui ne peut absolument pas gagner au showdown.
 
Mon adversaire possédant une range cappée à 44 pour le meilleur combo possible, je décide d’overbet encore une fois et place cette fois une bonne mise de 260 €, afin de me polariser au maximum et de lui mettre une pression maximale en utilisant la taille de nos tapis respectifs.
 
Je peux très bien posséder JJ tout comme la main que je possède actuellement, ce qui place vilain dans une situation très délicate. Une chose intéressante est que s’il possède une main comme KQ ou AJ, il bloque certains de mes bluffs, et cela augmente mes chances de réussite sur mon propre bluff.
 
Mon adversaire passe après un court instant de réflexion, et je suis plutôt satisfait de mes choix de sizings pour cette main, en étant clairement conscient que je suis assez équilibré dans ce spot pour ne pas être lisible. 
 
DEUXIEME MAIN : OVERBET RIVER POUR UN BLUFF OSE
 
Contexte : cash game online
Variante : No Limit Hold’em
Format : Short handed
Ma main :   
Stack & Position : Vuong (Cut-off) 608 € et Vilain (Big Blind) 882 €
Blindes 2 € / 4 €
Pré-flop  : Vuong raise 12 € / Vilain call (Pot = 26 €)
Flop  : Vilain check / Vuong bet 8 € / Vilain call (Pot 44 €)
Turn  : Vilain check / Vuong bet 30 € / Vilain call (Pot 104 €)
River  : Vilain check / Vuong bet 180  € / Vilain fold
Board :      
 

 
Toujours dans le même genre de partie, j’ouvre au cut-off à 12 €, et je suis payé par la grosse blinde uniquement. Je possède la position, une main qui se joue plutôt bien, et mon adversaire possède une range assez large.
 
FLOP :    
 
Un board plutôt très moyen pour ma main, puisque je ne possède que la paire la plus basse, et donc très peu d’outs face à une paire supérieure. Cependant, ce board avantage énormément ma range : AA/KK/AK font partie de ma range, contrairement à mon adversaire qui va défendre une multitude de mains, de Kx à air complet. La meilleure main possible dans sa range est 77, que je bloque, je suis donc plutôt confiant sur ma fold equity et je peux continuation bet avec succès, dans l’optique, en revanche, de mettre plusieurs barrels. Face au check de mon adversaire, je place une petite mise d’un tiers du pot.
 
Ici, le choix du sizing est important : je peux placer un overbet qui aura une fold equity énorme. Mais c’est un choix que je ne prends presque jamais, puisque mon standard sur ce board est ma petite mise, que je vais placer très souvent, et qui m’offre un excellent risk/reward dès le flop.
 
Je mise donc 8 € et mon adversaire paie après quelques secondes. Encore une fois, une turn plutôt anodine, que je continue à barrel face au check de mon adversaire. Comme pour la main précédente, puisque je joue face à une range cappée, et que je possède un avantage de range énorme, je peux opter pour un overbet, ou une mise plus orthodoxe avoisinant les ¾ du pot.
 
TURN :      
 
Les deux possibilités font partie de mon arsenal de plays, et j’opte pour une mise de 30 €, qui, je pense, sera efficace assez souvent pour remporter le pot. Mon adversaire prend son timer et décide de payer encore une fois. Je ne vous cache pas que je sais dorénavant que je ne vais pas gagner à l’abattage, à moins que mon adversaire possède une main comme   . Je pourrais donc give up sur pas mal de rivers, ou choisir de bluffer.
 
RIVER :       
 
Mon adversaire checke à nouveau, et la décision me revient. Que je possède queen high ou 7x, ma main est sensiblement la même. Il me faut à présent me situer dans ma range. Si je bluffe avec une main comme 7x, vais-je trop bluffer? Quelle est la range de mon adversaire ?
 
Elle représente fortement des Ax, ou bien des Kxss, qui ont raté le tirage couleur backdoor. Il est également possible qu’il possède des mains assez fortes types deux paires, avec K6/K4, ou A6/A4. Je peux posséder quelques rares backdoors quintes, mais je possède AA/KK et 77 dans ma range.
 
Je peux opter pour une mise de ¾ pot, qui comprend une partie large de ma range de value, ou miser très cher, afin de représenter peu de mains : des bluffs ou un brelan/deux paires max.
 
Je choisis de bluffer cette river, bien qu’a posteriori, je ne sois pas très satisfait de ce play. Je place un overbet afin de me polariser, en espérant contraindre mon adversaire à un énorme fold. Je place donc une mise de 180 €, peu serein. Mon adversaire rentre dans une phase de « thinking » assez longue et utilise tout son timer pour finalement… passer.
 
Le jeu évolue sans cesse, offrant de  Nouvelles possibilités. Il y a quelques années, il était standard de toujours miser ¾ du pot, et de ne jamais varier son sizing afin de ne laisser aucune information à nos adversaires. De nos jours, il est plus fréquent d’adopter plusieurs sizings, selon les textures de boards et la taille des tapis. 
 
Pour simplifier, on peut utiliser  généralement deux sizings, un petit d’environ 3/4 pot qui comprendra beaucoup de bluffs, tels que des backdoors, des tirages quinte ventrale, ainsi que des mains très fortes (brelan, deux paires et même des tops paires). D’une manière générale, notre range sera mergée, et aura un avantage sur la range de notre adversaire sur certaines textures, tels que les boards Ax ou Kx, puisque nos adversaires sont censés sur-relancer préflop tous les AA et KK et il sera donc difficile pour lui de nous exploiter en check/ raisant fréquemment.
 
On peut également adopter des sizings plus chers, tels que ¾ du pot ou même un overbet de 130%+ du pot, avec une range plus polarisée, et toujours aussi difficile à exploiter, comprenant des nuts et de gros bluffs avec une équité assez faible.
 
Par Vuong Than Trong, coach et joueur professionnel.
 
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