PSYCHO : Comment prendre du plaisir au poker ?
Dans cet article, notre coach mental Valentin Huvelin s’intéresse à une notion essentielle du jeu de poker : prendre du plaisi
Dans cet article, notre coach mental Valentin Huvelin s’intéresse à une notion essentielle du jeu de poker : prendre du plaisir. Il va ainsi vous expliquer pourquoi vous pouvez perdre cette sensation et comment faire en sorte de ne jamais être lassé de votre jeu préféré.
Quand j'ai commencé à m’intéresser au poker et à jouer un peu plus sérieusement, je suivais régulièrement l'actualité. Mes idoles étaient des joueurs d'un Team bien connu : Nicolas Levi, Manuel Bevand, Arnaud Mattern, Antony Lellouche, Ludovic Lacay, Anthony Roux et Guillaume de la Gorce.
Aujourd'hui, cette team à 10 ans et il n'y a plus qu'un seul joueur qui est encore professionnel de poker : Davidi Kitai (et dans une moindre mesure Michel Abécassis).
Depuis un an, nous avons appris la retraite de plusieurs joueurs de poker et non des moindres : Alexandre Luneau, Jens Kyllönen ou bien Brian Hastings.
Je me pose donc la question de savoir si le poker n'est pas un jeu usant mentalement : allons-nous tous finir par nous arrêter ? Ou bien cela est-il seulement inhérent aux joueurs professionnels ? En bref, quels sont les facteurs qui nous usent ou bien qui font que nous jouons pendant des années ?
Le poker va t-il tous mentalement nous user ?
Plusieurs points sont à décortiquer pour répondre convenablement à cette question. Tout d'abord, malgré le fait que la plupart des joueurs de poker vivent des « carrières » souvent comprise entre 5 et 10 ans, on ne peut pas affirmer que tous arrêtent systématiquement : je pense notamment à la longévité de Davidi Kitai ou Daniel Negreanu. Donc soyez rassuré, nous ne sommes pas tous condamnés à arrêter le poker ! Ouf ! Mais alors pourquoi certains continuent quand d'autres changent de vie ?
Le poker online, un cas bien particulier
Inutile de vous convaincre, vous qui avez tous joué au poker online, qu’au moins une fois vous avez trouvé le temps long derrière votre ordinateur. En effet, pour les joueurs réguliers du online bénéficiant d’une grosse expérience, la pratique du poker de façon mécanique, millimétrée et automatique n'a rien d'épanouissant.
Par contre, rappelez-vous vos premières parties sur Internet : votre cerveau était en plein ébullition, entre peur, joie, stress, ambition, excitation, réflexion et stratégie. Des milliers de possibilités s'offraient à vous et je pense que vos premières parties ont toutes été uniques. Puis vous avez commencer à travailler votre jeu, à comprendre qu'on pouvait réaliser certaines choses et que d'autres étaient « interdites ». Et là, vous êtes rentré dans un poker ABC, fais de maths, de calcul… les émotions positives se sont dissipées et c'est de la colère, de l’incompréhension et de l'agacement qui ont pris leur place. En gros, vous êtes passé d'un poker libre et intuitif à un poker seulement fait de décision mathématique déjà pré-résolues. Mais ni l'un ni l'autre ne sont la bonne solution, et il y a un juste milieu à trouver.
La liberté d'action, un plaisir renouvelé
La liberté ! Et oui, ce qui nous plaît au poker c'est la liberté de pouvoir jouer, gagner de l'argent, mentir (ou plutôt faire des bluffs)... C'est la liberté d'agir comme on le désire, de la façon qu'il nous plaît ! Une zone où personne ne vous dis ce que vous devez faire, pas comme à l'école, au travail ou bien chez vous. Mais au fur et à mesure que vous avez joué, vous vous êtes restreint. Parce que nous sommes tout obligé de l’être au moins un peu (personne n'est gagnant en MTT avec 90% de relances préf-flop). Mais vous vous êtes peut-être trop restreint au point de n'utiliser que les maths afin d'être sûr de maximiser vos gains. Vous vous êtes mis en tête qu'il fallait être un joueur de poker et que la technique était LA solution. Oui est elle est la solution, mais pas que ! Et quand on devient trop extrême, on se plante.
D'un jeu de plaisir, l'obsession du gain est devenue supérieure à celle de jouer. Alors oui, vous avez amélioré votre jeu et vos gains en écoutant de précieux conseils de joueurs pros, mais vous avez aussi peut-être tué toutes prises de plaisir à systématiser vos décisions et à devenir un « robot ».
Concernant le cas particulier des joueurs pros, être un robot peut suffit. Car même si le plaisir n'est plus là, une motivation reste bien présente, une motivation extrinsèque : l'argent. Et quand il s'agit de dizaines de milliers d'euros et que cela vous faire vivre, je vous assure que cela vous boost. Et nous voyons un schéma qui se dessine petit à petit : étant donnée qu'il n'y a plus ou peu de prises de plaisirs, car vous jouez un jeu déjà très automatisé, seul l'argent compte. Donc que se passe-t-il si votre seul carotte (l'argent) n'en est plus une ? Que se passe-t-il si vous gagnez 3 millions d'euros et que votre objectif financier est atteint ? Et bien je pense que vous l'avez compris, votre carrière de joueur de poker pro s’arrête car vous n'avez plus de raisons de jouer, puisque le poker est « résolu » pour vous.
Le plaisir : un leak mental monstrueux
Pour nous autre, commun des mortels, la lassitude est donc due à un manque profond de motivation. Car nous avons porté notre attention et notre motivation sur uniquement de mauvaises choses (argent, gain, jouer de façon robotisé). Or la première motivation dans n'importe qu'elle activité que vous réalisez doit-être le plaisir, la motivation intrinsèque (apprentissage, sensations agréables, créativité) ! Le plaisir de courir, le plaisir de boxer, le plaisir de jouer, le plaisir de donner etc... Par exemple en ce moment, j'ai acheté un sac de boxe ainsi que des gants. Et tous les matins, je pratique 15 minutes de ce sport. Je pourrais pratiquer ce sport pour plusieurs raisons. Un cas avec des motivations extrinsèques : avoir un beau corps, me muscler, paraître plus fort etc... Et l'autre cas, une motivation intrinsèque où je pratiquerai ce sport parce que j'aime me dépenser, j'aime les sensations, j'aime la fatigue, j'aime me sentir progresser et j'aime me sentir de plus en plus rapide, précis et bon dans ce sport. Mais alors comment trouver la bonne motivation qui nous permet de durer dans le temps ?
Comment trouver du plaisir ?
On peut facilement imaginer qu'un joueur comme Alexandre Luneau, ayant dominé les High Stakes durant plusieurs années, ayant travaillé son jeu de façon militaire et gagné des millions en ligne, ait fait le tour de la question, ne prenne plus plaisir et passe à autre chose !
Mais je ne suis pas d'accord. Enfin sur le fait qu'il passe à autre chose, à vrai dire cela m'importe peu. Non, je ne suis pas d'accord sur le fait qu'il ait fait le tour de la question et que le poker n'aurait plus d’intérêt après X années. Même si je ne sais pas pourquoi il a arrêté le poker, selon moi le poker est irrésolu et peut constituer une source intarissable de plaisir. Et même si les machines prétendent le contraire.
Un jeu où l'on doit s'adapter à son adversaire est un jeu infini
Et oui : au poker nous jouons bien contre des adversaires. Et chacun joue d'une façon différente. Chacun à sa propre réflexion, son niveau technique et tactique, ses émotions plus ou moins présentes. C'est en cela que ce jeu est infini. Même si mathématiquement il est peut-être en partie résolu, combien de joueurs dans le monde seront capable de l'appliquer ? 0 ? 1 ? 2 ? Nous resterons donc tous toujours exploitables ! Et en cela, on peut toujours trouver plaisir à comment je peux exploiter mon adversaire en comprenant ses thinkings process et ses émotions. Parce que nous ne sommes pas et nous seront jamais des machines. Et en cela, ce jeu peut procurer une source de plaisir inépuisable, à condition de se focaliser sur les bonnes choses.
Le plaisir de décortiquer son adversaire
Je vous parlais tout à l'heure de Davidi Kitai et Daniel Negreanu. Il n'est pas étonnant qu'ils soient encore professionnels malgré plus de 10 ans passé sur le circuit et 10 ans parmi les meilleurs au monde. Mais pourquoi ?
Le « génie » comme il est surnommé, a construit son jeu sur quelque chose de plus fun et plus dur que les maths ! Il a construit son jeu en rentrant dans la tête de chaque adversaire. Son objectif est de comprendre comment il raisonne et quand il a compris, il exploite. C'est un génie de la compréhension de l'homme, de ses émotions, de son ego et de ses tells. Or chaque être humain ayant des pensées différentes, il doit résoudre une équation nouvelle à chaque tournoi et donc une réflexion nouvelle, prenant ainsi un plaisir infini ! Car c'est dans la créativité et la réflexion que nous prenons plaisir. Vraiment un génie ce Davidi !
Le « Kid », lui, joue quasiment de la même manière. Si ce n'est qu'il parle beaucoup afin « d'endormir » et d'extirper un maximum d’informations sur ses adversaires. Il a fait de son activité préférée (parler), une force incroyable de prise d'informations. Lui aussi a quelque chose de génial.
Le cerveau de ces deux top pros mondiaux à pour unique objectif de se connecter à votre encéphale afin d'y soustraire toutes les données nécessaire à leur jeu. Et en cela, ils sont tout deux devenus de façon différente, maître en la matière de « contrôler » les autres. Et en cela, ils ont trouvé une source de réflexion et donc de plaisir intarissable, puisque chacun d'entre nous pense différemment. J'oppose à cela le jeu GTO, qui lui répondrai à chaque situation de façon robotique et ne prenant en compte que l'aspect mathématique. Mais je pose une question ! Si le robot Libratus à battu nos « meilleurs » joueurs de cash game, est-ce que Luneau aurait pu aussi battre ces joueurs et peut-être avoir plus d'EV ? Ou que Davidi aurait pu les battre en Live ? Le poker est très loin d'être résolu, il ne le sera sûrement jamais en live et peut-être encore moins en MTT, car avant qu'une machine puisse analyser les émotions et les tells aussi bien que Davidi Kitai, il faudra encore une bonne vingtaine d'année.
Conclusion
Le poker peut donc être usant, tant online qu’en live, tant par le jeu, les bad beats ou la lassitude. Beaucoup de joueurs de poker en ont fait les frais, et parmi eux beaucoup de professionnels. Il parait donc primordial de trouver des sources de plaisirs online ou en live et d'en faire sa motivation principale. La plaisir d'apprendre, de progresser, de réfléchir, de créer, de s'adapter, de bluffer... Il y a des tonnes de solutions ! Pour cela, faites appel à votre cerveau, pensez que vos adversaires changent constamment, qu'il existe une tonne de variantes, de façon de jouer et de penser. Par exemple il n’existe aucun joueur aussi fort online qu’en live, en cash game et en MTT. Souvent les joueurs sont très spécialisés afin de maximiser leurs gains ! Alors n'hésitez pas à varier les plaisirs, rencontrer du monde, partager sur votre pratique autour d'un verre ou d'un forum ! Vous progressez d'autant plus vite que vous aimerez ce jeu.
A bientôt autour d'une table ou d'un forum !
Extrait du Livepoker n°117
Par Valentin Huvelin, coach mental poker
Valentin Huvelin est préparateur mental et coach de vie. Joueur de poker depuis huit ans, créateur et ancien président du club La Garenne Poker et du Pokerthon, il travaille pour des sportifs, des joueurs de poker et des particuliers. Il est diplômé d'un Master 2 STAPS en préparation mentale à l'université de Nantes et possède le Diplôme Européen de Préparation Mentale (DEPM). Dans le milieu du sport, il a collaboré avec le prestigieux centre de formation de Cholet-Basket (Rudy Gobert, Nando de Colo) durant deux ans. Puis Valentin a commencé à coacher plus d'une cinquantaine de joueurs de poker grâce au forum Poker Académie où il officie comme coach depuis janvier 2015, travaillant entre autres avec Guillaume « Bobvegas » Maréchal, « Batmax » et Paul « Calimero » Bertrac. Valentin aide les joueurs à développer au quotidien leur motivation, leur confiance en eux, leur gestion des émotions, leur concentration et leur organisation au poker. Pour en savoir plus et pour bénéficier d’un bilan gratuit, contactez-le sur son site : www.200poursoi.com.