[TECHNIQUE] Les secrets d’une session online réussie
Pour les joueurs qui ne prennent pas vraiment au sérieux les longues soirées de poker online, «Bobvegas» vous explique comment organiser une session de tournois de façon optimale.
On connait le refrain entonné en cœur par de nombreux joueurs perdants sur des tables du Net : le poker online, c’est rigged !
Mais s’ils s’interrogeaient sur les raisons de leurs mauvaises performances, peut-être s’apercevraient-ils que leur approche des sessions MTT ne leur permet pas d’espérer gagner sur le long terme…
Ordem y progreso
Pour les joueurs qui ne prennent pas vraiment au sérieux les longues soirées de poker online, le coach de Poker Académie Guillaume « Bobvegas » Maréchal explique comment organiser une session de tournois de façon optimale.
Le poker de tournoi réserve bien des surprises… En voici un exemple qui est sans doute arrivé à bon nombre d’entre nous : alors que l’on décide de consulter les statistiques d’un adversaire que l’on juge très médiocre pour confirmer notre impression, on découvre avec surprise qu’il est en réalité largement gagnant. Notre première réaction est de penser qu’il s’agit d’un joueur très chanceux, mais ce jugement me parait trop simpliste. En creusant un peu, j’ai compris que certains joueurs possédant un bagage technique faible compensaient par un mental et une organisation sans faille.
Car force est de constater que ce sont les joueurs les mieux préparés qui réussissent les meilleuers performances lors d’une session online. A ce titre et au-delà de l’aspect technique et mental inhérent à chaque joueur, je voudrais détailler l’impact d’une bonne organisation de session sur nos résultats.
Une session bien préparée agira forcément positivement sur nos gains, l’objectif étant de jouer son meilleur poker le plus régulièrement possible. Pour cela nous devons faire face à tous les éléments extérieurs pouvant dégrader notre niveau de jeu.
La faim et la fatigue sont les deux plus redoutables facteurs de risque pour notre A game car le format MTT ne nous permet pas d’arrêter le jeu si nous sommes en difficulté. Nous allons voir comment limiter leur impact sur notre jeu par une bonne préparation de session. Une mauvaise gestion de bankroll peut aussi nous faire déjouer, je reviendrais donc brièvement sur le bankroll managment. Plus généralement, nous allons chercher par tous les moyens à maintenir le cap en direction de notre A-Game, et le temps joue contre nous. Alors je vous proposerai quelques solutions que je pratique depuis des années et qui ont considérablement fait augmenté mes gains et diminué mes « spew ».
Mais avant tout j’aimerai que l’on réponde à la question du volume. Un trop gros nombre de tournois lancés peut considérablement faire baisser notre avantage aux tables, et ainsi faire chuter notre niveau de jeu général. C’est pourquoi il est fondamental de trouver le juste équilibre entre le volume de tournois lancés et la qualité de notre poker.
Trouver l'équilibre entre volume et qualité de jeu
Tous les joueurs compétents savent que la notion de volume est indispensable lorsque l'on grinde les tournois online. Certains joueurs se posent la question de savoir combien de tournois ils doivent jouer afin d'optimiser leur session.
Pour répondre à cette interrogation, il faut d'abord tester une session avec le nombre de tables que l'on pense pouvoir négocier. Ensuite, il ne reste plus qu’à effectuer effectuer une review de sa session pour déterminer avec précision les points où l'on déjoue à cause du multi-tabling. Je parle ici de fautes grossières, car il est évident que sur une dizaine de tables en simultané, nous allons faire quelques petites boulettes. Mais tant qu'il ne s'agit pas de grosses erreurs, cela n'impactera pas sur le résultat de notre session.
Il est certain qu'avec le multi-tabling, nous perdons un avantage par rapport au mono-tabling où nous sommes focalisés sur une seule et unique table. Mais finalement, lorsque l'on joue en tournoi, le début de tournoi est beaucoup moins intéressant que la fin de partie appelée aussi "late game". Généralement, nous aurons beaucoup moins de tables ouvertes quand nous arriverons en late game d’un tournoi. Ce phénomène d’élimination s’explique naturellement par la variance, et si nous arrivons à mener un ou deux tournois jusqu’en table finale, la session sera réussie. Nous serons donc focalisés sur nos dernières tables et nous retrouverons ainsi la plénitude de nos capacités pour aborder la fin de session et les tables finales.
Le volume de jeu en MTT a justement pour objectif de nous permettre de jouer un maximum de tables finales, car en tournoi la variance est très importante surtout sur des fields souvent supérieurs à mille joueurs. Autant se donner plusieurs chances par session d'en arriver à bout !
Tracker or not tracker ?
Certains logiciels ou trackers favorisent le multi-tabling et peuvent s'avérer très utiles au cours de la session, mais sont ils pour autant indispensables ?
Je connais quelques-uns des meilleurs joueurs français qui n'utilisent pas de tracker, prouvant que ce n’est pas indispensable : c'est surtout un outil facilitant nos décisions lors d'une session multi-table. Avec une dizaine de tables devant soi, nous ne pouvons pas mémoriser tous les coups, le rôle du tracker étant donc d'enregistrer et de retranscrire sous forme de statistiques les coups que nous n'avons pas suivi. Ainsi, nous disposons en quelques chiffres sur notre écran du profil de chacun de nos adversaires sur nos dix tables.
Je peux donc, par exemple, passer facilement une paire de valet face un joueur très serré qui m'aurait relancé à tapis sur un pot que j'ai surrelancé pré-flop. Sans le tracker, cette décision serait beaucoup moins évidente. Je tiens quand même à vous mettre en garde quant à l'utilisation abusive du tracker : il faut garder le contrôle, le tracker doit confirmer ou influencer votre décision mais en aucun cas il ne doit prendre la décision à votre place, ce n'est pas son rôle.
La gestion de bankroll
Une fois que nous avons répondu à la question du volume de jeu, nous savons donc combien de tournoi nous allons lancer par session. Nous devons ensuite déterminer une gestion de bankroll précise, le danger d’une mauvaise gestion étant de se retrouver « scared money » si nous jouons trop cher par rapport à l’ensemble de notre portefeuille poker. En effet, si nous avons peur de perdre, rentrer dans l’argent sera notre principal souci et nous nous mettront à déjouer au détriment de l’objectif majeur d’un joueur de tournoi qui est de terminer dans les premières places.
Il va de soi qu’une gestion trop large pourrait aussi mettre en péril notre A-Game puisque l’enjeu des tournois aurait un impact trop faible sur notre banque, et donc notre intérêt se verrait décroître ainsi que la qualité de notre poker.
Chaque joueur professionnel possède une gestion de bankroll personnalisée par rapport à son volume de jeu, son mental ainsi que son rapport à l’argent. Il est fortement conseillé en tournoi, pour les adeptes du multi-tabling de jouer au 1/100ème. C'est-à-dire de ne jouer que des tournois dont le buy-in n’excède pas 1% de notre Bankroll totale. Normalement, avec une telle gestion, nous sommes parfaitement équilibrés entre le désir de gagner le tournoi et celui de ne pas le perdre !
La préparation physique
Nous savons à présent combien de tournois nous pouvons jouer en simultané et à quel niveau de buy in. Et toujours dans le but d’optimiser nos sessions, nous devons maintenant limiter l’impact de la faim et de la fatigue sur notre poker.
Pour le premier, c’est très simple, il suffit de bien manger avant de débuter sa session et de se préparer un encas que l’on dévorera plus tard en cas de fringale. C’est une petite chose qui parait sans importance, mais qui à la fin de l’année peut nous faire gagner des milliers d’euros car il n’y a pas plus mauvais qu’un joueur en tilt à cause de la faim.
La gestion de la fatigue est un peu plus complexe : il faut savoir qu’un tournoi de poker online peut durer cinq ou six heures, certains gros events du dimanche atteignant une douzaine d’heures. Il faut donc éviter à tout prix les sessions à rallonge. Par exemple, si vous décidez de jouer en début d’après midi et que les éliminations s’enchaînent, la frustration peut vous pousser à démarrer de nouveaux tournois jusqu'à 18-20h : vous pouvez alors être certain que votre niveau de jeu sera affecté par le temps passé devant l’ordinateur ainsi que par le poids de tous les tournois perdus au cours de l’après midi.
Je vous interpelle encore une fois, car chaque joueur à sa propre endurance et certains peuvent enchaîner des sessions de douze heures sans problème, ce qui n’est pas mon cas. Pour palier à la fatigue, je vous conseille donc de vous enregistrer à tous vos tournois sur une fourchette de deux heures, afin qu’ils se terminent aux mêmes horaires. Si vous perdez beaucoup de tables prématurément, vous pourrez alors lancer au cours de la session des tournois turbo, ainsi que des tournois comprenant moins de joueurs qui ne rallongeront pas la durée de la session même si vous en arrivez à bout.
Lorsque vous débutez une session de mtt, vous vous engagez pour au moins quelques heures de poker, contrairement au cash game et aux sit’n go. Il est donc important de comprendre que l’on doit avoir une bonne condition physique et ne pas être amoindri par exemple par une journée de travail harassante. Il faudra être dans les meilleures dispositions possibles. Si ce n’est pas le cas, mieux vaut ne pas jouer du tout, ou alors réduire le nombre de tables jouées en simultanées si par exemple vous ne pouvez pas faire autrement car vous êtes qualifiés pour un tournoi ce jour-là, ou si vous jouez une compétition hebdomadaire.
La préparation mentale
Les préparatifs étant terminés, notre session est organisée convenablement et il nous reste plus qu’a jouer ! Pourtant, il nous arrivera souvent de constater que l’on commet de grosses erreurs, principalement au début de la session car nous ne sommes pas prêts. Effectivement le cerveau est un muscle et comme tous les autres, il a besoin d’un échauffement !
Pour se mettre dans les meilleurs conditions, et ce dès notre toute première main jouée, il faut à tout prix faire une coupure avec tout ce que l’on était en train de faire avant la session, et notamment terminer les discussions en cours sur les messageries ou avec nos proches. Il faut prendre au moins cinq minutes entre notre dernière activité avant le poker et l’ouverture de notre première table pour faire le vide et se concentrer uniquement sur notre session.
Les coachs mentaux préconisent plusieurs méthodes afin de se préparer à la compétition, comme des exercices de souffle où de projection mentale sur le déroulement de notre session. D’autres préféreront se mettre dans le bain en allant sur des sites consacrés au poker ou en lisant le dernier article technique de LivePoker... Il faut bien reconnaître que je ne suis pas un expert en échauffement mental, et je vous laisserai vous documenter à votre guise sur le sujet afin de peaufiner votre préparation.
L’environnement
J’ai brièvement fait référence à la famille dans le paragraphe précédent, car la relation que vous entretenez entre vos proches et le poker va être importante par rapport à vos résultats. C’est pourquoi lors de vos sessions, vous ne devez pas être dérangés par vos responsabilités quotidiennes. Si vous avez des enfants par exemple, veillez à les coucher avant le début de votre session ou demandez à votre conjoint(e) de s’en charger les jours ou vous jouez.
Toutes les distractions auxquelles vous allez faire face pendant votre session seront un frein par rapport à votre objectif de maintenir votre A-Game pendant l’intégralité de la soirée. Il faut donc toujours anticiper sur ce qui pourrait vous gêner, comme vous l’avez fait concernant la faim et la fatigue. Si votre équipe préférée joue ce soir, enregistrez le match. Si un ami passe à l’improviste, expliquez-lui la situation et payez-lui un restau avec vos gains la prochaine fois !
La meilleur chose à faire pour d’avoir une emprise totale sur son environnement serait de pouvoir jouer dans un bureau à l’abri des turbulences de la vie de famille et de la télévision.
Conclusion
Les secrets d’une session réussie sont donc directement liés à la préparation de celle-ci. En tant que joueur de tournoi, si l’on organise méticuleusement notre session de jeu, nous avons réalisé la moitié du chemin vers un poker gagnant, l’autre moitié ne concernant que la technique et le mental. Je ne dirais pas qu’un singe pourrait jouer à notre place, mais tout cela permet de se prémunir du tilt ce qui vous évitera de jouer comme un singe !
Il faut avoir conscience que toute cette mise en place demande des sacrifices, au niveau de la vie de famille ou de couple notamment. Je pense surtout aux personnes qui travaillent et qui enchaînent avec le poker, et donc pour qui cet isolement peut avoir des côtés néfastes dans les relations avec leurs proches. Le contenu de cet article s’adresse plutôt à des joueurs souhaitant à moyen ou à long terme faire du poker un gagne-pain. Il est important de comprendre que c’est une approche professionnel du poker en ligne et qu’a ce niveau le poker n’est plus une distraction ou un passe-temps mais bien une compétition.
Par Guillaume « Bobvegas » Maréchal, coach expert chez Poker Académie
Article extrait du LivePoker n°86