Valentin Huvelin : ''99,9% des gens ne savent pas ce qu'est le mental''


Valentin Huvelin : ''99,9% des gens ne savent pas ce qu'est le mental''

Coach mental sur Poker Académie et ancien chroniqueur pour le magazine LivePoker, Valentin Huvelin revient sur la pratique du coaching mental, de plus en plus en vogue aujourd'hui.


Après une licence de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) à Nanterre Université, un Master en Préparation Mentale décroché à Nantes et un diplôme européen en préparation mentale, Valentin Huvelin est officiellement devenu coach mental. Depuis deux ans, il anime à travers des articles et vidéos le forum Poker Académie. Cet ancien chroniqueur de LivePoker, qui a d'abord coaché plusieurs sportifs de haut niveau puis une vingtaine de joueurs de poker, pour la plupart professionnels, revient sur les principales notions du coaching mental, souvent abstraites pour la majorité des joueurs.

 
Bonjour Valentin Huvelin. Dans un premier temps, pouvez-vous nous donner une définition simple, claire et précise du terme coaching mental ?
C'est sûrement la question la plus difficile à répondre. Je vais essayer de la simplifier au maximum. On va aborder quatre points, qui constituent la base du coaching mental : confiance en soi, motivation, gestion des émotions et concentration. Il y a plein de choses à travailler dessus, c'est même infini. Concernant la motivation, à titre d'exemple, comment connaître le degré de motivation d'un joueur grâce à un bilan, pourquoi est-il plus motivé qu'un autre ? On peut également faire de la prédiction en fonction de différents facteurs, prévoir sa réussite ou un échec. Sans être sûr à 100 %. Concrètement, des schémas négatifs ou positifs se détachent. Dans le coaching mental, on peut également évoquer l'imagerie, le plan de compétition, les pratiques mentales, les réactions au stress, le contrôle du stress, des émotions, la relaxation, l'activation, les buts et les ambitions. Le coach doit dans un premier temps faire un bilan de ce qu'il en est de la personne en fonction de ces différentes composantes, et surtout de les améliorer grâce à des outils. On ne s'intéresse pas à la performance mais aux composantes mentales qui vont de facto améliorer la performance. Dans le poker, on parlera de facteurs techniques, tactiques, physiques comme le sommeil, l'alimentation, et les facteurs mentaux.

 
Concrètement, quel est son intérêt ?
Selon moi, le premier intérêt est d'avoir une personne à qui parler. C'est hyper important. Dans le sport ou le poker, on est confronté à soi-même et on a du mal à parler de ce qui ne va pas. On peut s'enfermer dans ces schémas. Le coach mental va permettre au joueur d'exprimer ce qui ne va pas en posant des mots sur les choses. C'est déjà 50% du travail. Le coach va alors avoir un travail d'interrogation et de compréhension, et non de jugement. Le second intérêt est tout simplement d'améliorer le mental sur la motivation, la confiance en soi, la gestion des émotions et la concentration. L'intérêt indirect repose sur les performances.

 
Quels sont les outils disponibles pour améliorer son mental au poker ?
Nous disposons d'énormément d'outils. Je vais en choisir un utilisé pour la motivation et la confiance en soi, qui constituent la base de toute réussite. La motivation est quelque chose de très complexe : on distingue la motivation intrinsèque et extrinsèque. L'un de mes outils va consister à comprendre quelle est votre réelle motivation. Cela se fait sous forme de questionnaire ou par entretien qui s'intéresse au type de motivation du joueur : le plaisir de jouer, l'argent, etc. Après ce bilan, l'objectif est de rétablir la bonne motivation. Par exemple, imaginons qu'un joueur de poker est principalement motivé par l'argent et la réussite sociale. C'est à dire qu'il va se sentir socialement plus intéressant et développé en réussissant au poker. Ceci est une motivation extrinsèque, et non propre, qui est le plaisir de jouer. Mon travail va donc être de lui donner des exercices pour le faire travailler sur son plaisir. La personne va alors me détailler les différents éléments qui lui font plaisir au poker. L'idée étant qu'il rentre dans un processus de réflexion, avec lequel il va commencer à comprendre ce qui lui fait plaisir. Il va se focaliser dessus. On réoriente simplement la pensée.

 
Pour la confiance en soi, il existe les cooldown. C'est une feuille sur laquelle il va écrire tout ce qui s'est bien et mal passé. Techniquement, mentalement, physiquement et autres. Cela lui permet d'avoir une trace écrite et un suivi sur ce qu'il a fait de bien et de mal. Et donc de comprendre ses points forts et ses points faibles. La plupart des joueurs va travailler sur la technique, et non sur leurs erreurs. Ce qui est surtout intéressant avec ces cooldown, c'est l'aspect mental : es-tu focus, motivé ? Parfois, je vais apporter une aide sur l'organisation du joueur en lui demandant combien de tables il joue, à quels horaires. Je suis capable d'utiliser une vingtaine d'outils. C'est donc compliqué de tous les présenter. Mais le fonctionnement des outils est toujours le même. On part d'un bilan, en découle une problématique et en fonction de cette problématique, on va mettre un ou plusieurs outils en place. Pour information, voici quelques autres outils : relaxation, respiration, visualisation, fixation d'objectifs, échauffements.

 


 
Vous venez d'évoquer les fameux cooldown. Mais comment cet outil nous impacte-il ?
Premièrement, le joueur est content (rires). Jusqu'à présent, j'ai eu des très bons retours positifs. Le fait de simplement réfléchir sur la façon dont s'est passée ta session, en l'écrivant, cela te fait prendre conscience de ce que tu as bien et mal fait. C'est vraiment EV+. La quasi totalité des joueurs avec lesquels je l'ai mis en place l'utilise pour chaque session. Cela leur permet d'avoir un recul sur ce qu'ils font, et surtout de comprendre leurs erreurs. Et non pas ce qui est une erreur au poker. Et du coup à quoi est-ce qu'elle est dû. Parfois, une erreur technique vient d'un défaut mental. Par exemple, un joueur avec qui j'ai travaillé m'a expliqué qu'il forçait en fin de tournoi, qu'il était trop pressé. Techniquement, il devenait moins bon. Et ce joueur avait du mal à le corriger car c'était un défaut mental. Depuis quelques temps, il cherchait le one time pour regrinder les hautes limites. A trop chercher le one time, il forçait les choses. Sur quoi fallait-il le ramener ? La justesse de son jeu, tout simplement. On a donc rectifié le tir lors d'un entretien. Le cooldown peut aussi servir à repérer les récurrences. On voit certains problèmes apparaître plusieurs fois.

 
Quelles sont les principales problématiques rencontrées ?
Celles qui reviennent le plus souvent sont le déficit d'organisation, c'est à dire le temps de jeu et les conditions de jeu, la motivation et la confiance en soi, qui sont des clés dans le poker. Notre société fait en sorte que l'on n'ait pas confiance en soi. De façon générale, tout est fait pour nous rabaisser. On rencontre donc souvent ce type de problématique.

 
"Quelqu'un souhaitant bosser son mental est censé avoir déjà fait de la visualisation, reconnaître les facteurs clés qui vont le motiver et savoir comment il va se mettre en confiance. Et ça, la quasi totalité des gens ne le sait pas. Beaucoup de bêtises sont racontées." 
 
Y a-t-il une solution miracle universelle, ou bien faut-il s'adapter à chaque joueur auquel vous êtes confrontés ?
Il faut s'adapter aux joueurs. L'adaptation se fait sur un plan : chaque personne va avoir son degré de réflexion, un moyen différent de communiquer, d'autres vont plus parler, écouter. Dans un deuxième temps, il faut s'adapter à ce que tu peux dire. Tu ne peux pas tout dire d'un coup. Par exemple, si elle n'est pas confiante mais motivée, il faut lui dire que l'on va commencer par bosser là-dessus, puis après sur autre chose. Certains joueurs vont être plus sur la réserve. A la fin, je dis toujours ce que j'ai à dire. Mais il faut être fin dans la façon de l'amener. Il est nécessaire d'avoir une qualité dans les relations humaines, de comprendre les gens. Ce n'est pas du travail mental, c'est quelque chose de naturel. J'aime les gens de façon générale.

 
Vous coachez également des sportifs de haut niveau. Les techniques du coaching mental au poker se recoupent-elles avec celles utilisées avec ces dits sportifs ?
Complètement. Pour information, j'ai commencé par les sportifs de haut niveau. J'ai ensuite bifurqué sur le poker. La plus grosse différence reste dans la gestion des émotions. L'activité physique intense va amplifier les émotions. Dans le poker, on peut retrouver ce système avec la fatigue, qui va augmenter ce côté émotionnel. Mais ce sera toujours plus dur dans le sport, où l'on retrouve plus ou moins régulièrement des insultes et des coups bas. Sur une table de poker, c'est plus calme. En revanche, les techniques sont les mêmes au niveau de la motivation, des échauffements mentaux et des cooldown. Également pour l'imagerie, la concentration, les plans de compétition et la pratique mentale.

 

 
Selon vous, que pense-t-on du coaching mental aujourd'hui ?
99,9 % des gens en France ne savent pas ce que c'est. Lorsque j'entends un joueur de foot, de handball ou de tennis dire "J"ai eu du mental"ou "Je n'ai pas eu de mental", il ne sait généralement pas de quoi il parle. Ils sont conscients que le mental joue. Mais je pense que le mental est complètement sous estimé et méconnu. Tout le monde pense savoir ce que c'est, mais personne ne sait ce que c'est réellement. Quelqu'un souhaitant bosser son mental est censé avoir déjà fait de la visualisation, reconnaître les facteurs clés qui vont le motiver et savoir comment il va se mettre en confiance. Et ça, la quasi totalité des gens ne le sait pas. Beaucoup de bêtises sont racontées. On peut d'ailleurs le voir avec l'INSEP (L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, ndlr), qui commence seulement à intégrer des préparateurs mentaux, alors que des structures anglaises ont depuis bien longtemps compris qu'il en fallait dans les pratiques olympiques. Je n'ai qu'une chose à dire : allez voir le tableau des médailles olympiques (Le Royaume-Uni a récolté 67 médailles, dont 27 d'or, ndlr). C'est compliqué de travailler avec certaines structures sportives avec lesquelles je veux bosser. Elles sont souvent méfiantes, réticentes, et ont peur de perdre la main sur certaines choses. Du coup, les dirigeants n'ont pas spécialement envie d'avoir un coach mental auprès de leurs joueurs. Au contraire, les joueurs de poker ont un temps d'avance. Les professionnels sont indépendants et à la recherche de performances. Ils ne se posent pas la question de savoir si c'est bien ou pas.

 
Vous avez monté un site baptisé 200poursoi.com. Parlez-nous en.
C'est une plateforme assez visuelle pour que les gens puissent rapidement comprendre les points sur lesquels on peut travailler. J'ai essayé de simplifier et de démocratiser le coaching mental pour le grand public. Il n'y a pas de termes hyper spécifiques. On peut prendre directement rendez-vous en fonction de mes créneaux et aussi commander un bilan gratuit qui dure 30 minutes, afin de savoir où est ce que l'on en est dans sa pratique mentale. Une séance d'une heure coûte 60 €. Il existe un pack pour les personnes désireuses de travailler sur plusieurs séances : 5h pour 250 €. Selon moi, un travail va commencer à avoir de l'effet à partir de quatre ou cinq séances.

 
Quels sont vos projets futurs ?
Aujourd'hui, je suis coach mental sur Poker Académie. Avec Camilero, un coach technique du site, nous venons de lancer une formation Grind Progression Serenity, qui aborde à la fois l'aspect technique et mental pour les joueurs de low stakes MTT. On a voulu synthétiser les connaissances clés à avoir au poker. C'est inédit, dans le sens où la plupart des joueurs se fait coacher uniquement sur la technique. Nous sortons du lot puisque nous proposons une double formation technique/mentale, qui, selon nous, sont indissociables dans la réussite au poker. Nous faisons des formations collectives afin de réduire les coûts. J'aimerais également développer ce même type de formation pour des joueurs de cash game NL 20 et NL 100,mais c'est encore à l'état de projet.

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