ITW Anthony Lerust 1/2 : « Après l’EPT Deauville, je pensais arrêter le poker »
LivePoker s'est entretenu en exclusivité avec l'un des nouveaux cracks du poker tricolore, révélé grà¢ce à une huitième place au Main Event de l'EPT Deauville. Première partie d'une interview sans langue de bois.
Anthony Lerust a débarqué en fanfare sous les projecteurs du poker français il y a un mois, en terminant 8ème de l’EPT Deauville. Pour ce grinder connu sous le pseudo de « laplume » qui était proche de la banqueroute il y a quelques mois, cette performance a eu l’effet d’un déclic pour sa vie future. Peu après une victoire au PPD de la Grande-Motte en forme de confirmation de son indéniable talent, entretien avec un joueur en plein boom mais qui revient de très loin…
Première partie
Après avoir fini 8ème de l’EPT Deauville il y a un mois, tu as gagné le Pasino Poker Deepstack de la Grande-Motte il y a deux semaines. Peux-tu revenir sur le déroulement de ce tournoi ?
A la base, je devais jouer le BPT Montreux en staking. Un pote m’a finalement proposé d’aller jouer le PPD avec lui. C’était l’occasion de me retrouver avec les potes pour m’aérer l’esprit, car après l’EPT, j’ai eu huit jours difficiles entre joie et contrariétés. Au final, ça c’est plutôt bien passé. J’ai fait un bon tournoi, c’était sympathique, la structure était pas mal, même si ça devenait difficile le troisième jour. J’ai été déçu sur la fin, c’est dommage que se finisse comme ca (les sept derniers finalistes ont dealé et stoppé la partie, ndlr).
Au Day 3, j’étais chipleader avant le dinner-break et il y avait une bonne dynamique à la table. Je venais de faire la finale de l’EPT, j’étais confiant, j’envoyais tout. Mais la partie a duré, duré, duré, personne n’a rien lâché et on s’est tous retrouvé shortstacks. En sortant du dinner-break, j’ai refusé une première proposition de deal, puis deux autres. A ma gauche, j’avais un très bon joueur, un ami à moi qui perd avec deux Rois contre un mauvais joueur. Du coup on se retrouve encore à sept avec des joueurs assez moyens qui ont pas mal de jetons devant eux mais qui ne vont pas les jeter.
On se retrouve avec 20bb, on se regarde tous et on dit que le tournoi sera pour celui qui aura un setup. A la quatrième proposition, j’ai accepté le deal car ça devenait dégueulasse à jouer, ce n’était plus du poker. C’est dommage car on était cinq bons joueurs de live qui avaient envie de jouer cette partie du tournoi, mais ce n’était pas possible, on allait passer à 17bb de moyenne. Soit on gamblait pour faire monter l’average, soit on jouait nit et on tombait à dix blindes. Je leur ai expliqué que vu la TF que je venais de sortir, ce n’était pas une histoire d’argent, que c’était les points qui m’intéressaient pour grimper au classement LivePoker. Je leur ai dit que je voulais aller au bout. Il y avait aussi David Knafo qui voulait les points pour le classement. Il a fini par me dire : « Ecoute prends la première place ». J’ai préféré dealer car c’était du loto, je savais que je ne finirai pas premier avec 10 blindes de moyenne.
Te sens-tu plus en confiance après ton deep run à Deauville ? As-tu observé un regard différent chez tes adversaires ?
Ça n’a pas vraiment changé mon style de jeu, c’est plutôt un changement par rapport aux joueurs que j’ai en face de moi. C’est vraiment incroyable, mais la plupart des joueurs me connaissent sur le circuit français, il ont vu ce coup que j’ai perdu à Deauville (Anthony a sauté du Main Event en perdant A-A contre K-Q à tapis préflop). J’ai l’impression que c’est un peu plus facile, les gens vont réfléchir à deux fois avant de me call. Certains n’ont pas envie de me jouer, de défendre leurs blindes contre moi. La confiance et l’image que les joueurs ont de moi aident beaucoup. Les joueurs doivent aussi penser que je suis en rush. C’est un avantage plutôt cool…
Justement, as-tu l’impression d'être en rush depuis Deauville ?
Non, je n’ai toujours pas vu le rush ! Pour l’EPT, je suis d’accord, j’ai passé deux 30/70 où j’étais couvert. Et les deux autres 30% que j’ai passé, j’avais cinq ou six fois le stack du mec en face de moi à la bulle, mais personne ne le retiens. Mais si on regarde bien, j’ai perdu deux énormes 80/20 récemment : tout d’abord au TexaPoker Series de Gruissan il ya trois semaines où je saute sur un 2-outers river, et deux Huit contre deux Six pour passer énorme à la Grande-Motte. Ce coup-là aurait tout changé, j’aurai marché sur la table avec l’image que j’avais, c’est dommage. Au final, je pense que je « run » normal. Si j’ai deux Rois contre deux Huits, je ne pense pas que le croupier va me sortir le Huit… Je suis vraiment confiant comparé à l’an dernier, c’était un calvaire, je sautais sur des 80/20… J’ai pris ma revanche.
Sentais-tu le besoin de confirmer après ton deep run normand ?
Lors du Day 3 à la Grande-Motte, je me suis dit que j’allais aller au bout mais avant cela je n’étais pas dans l’optique de confirmer. Je voulais jouer mon jeu, voir comment j’allais run. Quand j’ai sauté avec deux As à l’EPT, je pensais que j’étais noir. Jouer un tournoi et que tout se passe correctement, ça me remet en confiance et ça donne envie d’aller plus loin.
Ce Pasino Poker Deepstack s’inscrit-il dans un programme live plus chargé dorénavant ?
Pas vraiment. C’est un peu compliqué car j’avais un programme de staking à 8000 € avant l’EPT Deauville : je devais faire des 500 € et des 1000 €, mais aussi des 500 € à Gruissan, le Winamax Poker Tour... Je n’ai pu faire que deux tournois et après j’ai shoot l’EPT... Par respect pour mes stakeurs, car j’en ai des réguliers qui misent sur moi, je vais quand même jouer le programme, avec des 500 € sympas à 200 joueurs minimum par-ci par-là. Je ne vais pas buy-in des EPT. Je suis un régulier du circuit Texapoker et du DSO, je ne pense pas que je changerai mon programme. Pour l’EPT Monaco, je vais me faire un programme de Sides Events et je compte bien faire un sat pour le Main, mais je n’ai pas prévu de le jouer directement. Je ne suis pas encore prêt à revenir sur un tournoi comme ça.
As-tu prévu de partir à Las Vegas pour les WSOP dans quelques mois ?
C’est bizarre, mais je ne vais pas à Vegas. J’ai envie d’y aller, mais si j’y vais c’est pour jouer le Main Event des WSOP, et des events à 5000 $ et 2500 $. Du coup il me faut vraiment une bankroll confortable, un gros staking. Si j’y vais sans staking, je me connais, je sais que je vais me raser pour jouer des 1500 $ Turbo et je n’en ai pas envie. Je préfère jouer trois Events pour 15.000 $ de buy-ins. Si on veut jouer des turbo-chatte en France, il y en a plein, comme on l’a vu avec le PPD.
As-tu pour objectif de progresser dans le classement LivePoker (Anthony est actuellement 4ème) ?
Je me suis accroché à ça, car l’écart financier qui me manque en terminant 8ème de l’EPT est vraiment difficile psychologiquement à encaisser. Du coup j’avais complètement lâché, ça m'a mis une claque. Ce classement LivePoker, avec le PPD qui me fait gagner plein de points, ça me donne une nouvelle motivation pour jouer cette année. J’ai envie d’oublier cette horrible TF d’EPT : il n’y a pas que l’argent pour se donner envie, il y a aussi le classement, la notoriété. Sincèrement après l’EPT, je pensais arrêter le poker...
Un mois après, as-tu complètement digéré l’EPT Deauville ?
Je pense que j’ai bien avalé la pilule. Je me suis mis dans la tête que c’est le poker, un jeu où il y a beaucoup de variance. Il fallait que je garde de la motivation pour y retourner un jour pour faire mieux, car la barre est placée très haute. Je le vis bien, je reste positif, mais il faut encore du temps pour que ça passe. Cette frustration est encore là. Mais c’est la vie d’un joueur de poker, sinon il fallait faire un autre métier.
Qu’est ce qui t’a le plus marqué dans ce tournoi ?
J’ai passé un jour 1 horrible, avec Omar Lakhdari à ma gauche qui m’a pourri ma journée. Il est super sympathique, mais il m’a fait vivre l’enfer. Au Day 2 avec mes 18 blindes, j’étais motivé mais je n’avais pas mon passeport. J’ai dû retourner à la villa, j’ai perdu 30 minutes… Quand je suis revenu, j’avais 14 blindes. A partir de là, tout a changé, c’est devenu magique. J’ai fait tapis tout le temps, j’ai pris tous les spots, en me disant qu’il fallait remonter. J’ai passé l’un des 30/70 les plus importants de toute ma vie. C’était un rêve, avec de belles tables. Je me serai jamais vu en TF d’un EPT avec un génie comme Katchalov à ma droite... Mais on joue au même poker ! C’est une satisfaction de tenir les cartes à sa table.
Tu avais décidé de buy-in directement ce Main Event à 5300 €. Pourquoi ?
J’ai une Team de cinq joueurs, les Sharkuteurs. Du coup nous voyageons ensemble sur les events. J’ai fait l’argent sur le High-Roller des FPS Deauville et un pote avait 10% sur moi. Pour rigoler, je lui ai dit que je lui prenais 50 balles sur le Mini FPS à 300 €, histoire de vibrer. Ce c.. a fini 3ème pour 24.000 € ! Je prends 3000 € et on se retrouve tous en train de faire la fête à l’O2, le bar du casino. Et là je balance : « Si je vends la moitié de mon tournoi, je snap l’EPT demain matin ». J’ai vendu les parts dans la demi-heure. L’histoire est magnifique, car je ne devais même pas le jouer. On dort six heures, on part shoot l’EPT et six jours après j’atteint la table finale. C’est pour ca qu’il ne faut garder que du positif de ce tournoi. Avec deux amis à moi (Julia Vassort-Salvans et Aurélien Soutchkov), nous étions dans la même coloc' et on est resté dans le top 15 du tournoi pendant quatre jours. On se motivait, c’était beau. On savait que l’un de nous trois irait au bout.
Cette perf’ semble être une forme d’aboutissement pour toi…
Ça m’a fait l'effet d'un gros déclic. Le fait d’avoir décollé comme ça m’a fait redescendre sur terre. Tu comprends qu’il y a une part de chance. Aujourd’hui, j’ai envie de me rattacher à quelque chose d’autre, même si je sais que je gagnerai toujours plus d’argent au poker qu’au travail en règle générale. Si j’ai une activité â côté, je vais me poser moins de questions vis-a-vis de ma bankroll. J’ai envie de me sortir de ce côté joueur professionnel, d’obligation de résultat. Après l'EPT, je pensais déjà à ce que j’allais acheter avec mes gains, puis je me suis dit que j’avais gagné un peu d’argent, mais que ma vie restait la même.
Deuxième partie de l'interview à suivre vendredi 7 mars.