Philippe Ktorza: « Je suis pro, mais ça aurait pu être n'importe qui à  ma place »


Philippe Ktorza: « Je suis pro, mais ça aurait pu être n'importe qui à  ma place »

Notre interview exclusive de Philippe Ktorza, le membre de la Team PMUPoker.


 
Il est facile de mener un entretien avec Philippe Ktorza. Toujours aussi bavard, ce joueur spécialiste du turf a bien voulu nous donner son sentiment sur les problèmes du poker actuel. Un adepte du poker en live qui nous parle également de la Team PMUPoker, à laquelle il semble très attaché. Entretien avec un passionné ...

Bonjour Philippe, es-tu satisfait de ton début d’année 2011 ?

Non, pas vraiment. Au début j’ai bien commencé et là j’ai du mal, je ne sais pas pourquoi, j’ai l’impression que les cartes sont contre moi. Je prends des bad beats de plus en plus importants. J’ai pris le plus gros à Marrakech le week-end dernier où je perds un coup à dix places de la bulle: mon adversaire à 1,62% de chance de gagner au flop et je perds le coup… Ça
 résume mon année, c’est le trou noir. Je commets certainement des erreurs, mais je sors souvent sur un mauvais coup du sort. C’est le désert, heureusement qu’il y a eu ma perf' à l’EPT Barcelone pour me remettre le moral au beau fixe (Philippe a terminé dans l'argent, 63ème, alors qu'il possédait moins d'une grosse blind à un moment du tournoi).

Toi qui a débuté au Cercle Wagram, que penses-tu de la fermeture du cercle ? T’attendais-tu à de tels scandales ?

Non, pas du tout. C’était un cercle très convivial où l'on retrouvait un maximum de potes. J’ai démarré avec Laurent Leclerc, Eric Haik, David Jaoui, des joueurs avec qui j’ai joué des tonnes de tournois avant que l'on se lance sur le circuit international. Un nombre important de joueurs a démarré à Wagram. Il y avait un bon niveau, on y a beaucoup appris. Thierry Bolleret, le directeur du poker, était super sympa. Le connaissant, je peux dire que ses histoires de triche online, c’est de la bêtise, il a voulu faire plaisir à Sajoo ou à lui, je n’en sais rien. C’est un mec droit avec de vraies valeurs, il s’est fait attraper pour une histoire de gamin. Maintenant que le cercle est fermé, c’est dommage pour Paris, il y a moins de place pour jouer. On avait toujours plaisir à retourner faire les tournois mensuels à 1000 € pour s’amuser et charrier. Je ne m’imaginais pas qu’il existait ce type d'affaires qui ternissent l’image du poker.

« Fabien Perrot comme professeur technique »

Comment définirais-tu ton style de jeu ?

Assez serré, mais je travaille pour l’ouvrir et jouer des mains un peu plus « drôles ». Je ne veux pas faire du Darcourt, car c’est du Darcourt. Je veux surtout essayer de profiter de mon image serrée. Pour cela, j’ai pris un professeur de technique en la personne de Fabien Perrot. On travaille 2 à 3 heures par semaine sur des mains pour lesquelles j’ai des doutes. Il y a des coups techniques que je ne maîtrise pas encore. Sur des tournois de haut niveau, je me fais parfois marcher dessus, car je n’ai pas bien compris le coup: je l’ai analysé mais je n’ai pas réagi comme il fallait.

Quels sont tes activités au sein de la Team PMUPoker, en dehors de ton rôle de joueur ?

PMU, à la base, c’est les courses. On travaille sur le lien entre les deux. La semaine prochaine, je vais animer des tournois de poker pour les plus gros clients PMU. Mon rôle est de faire cette liaison entre les deux secteurs pour faire découvrir le poker aux turfistes. Je me déplace pour les grands événements PMU et je suis assez connu dans ce circuit. Les opérations marchent bien, de nombreux propriétaires de chevaux sont tentés par le poker. 

Quelle image souhaite donner la marque ?

PMU n’a pas pris des mecs du poker online avec des cagoules sur la tête. Ils veulent des joueurs qui ont une vie sociale, une vie de famille, qui sont proches de la réalité de la vie, qui jouent au poker comme aux billes. Ils ne veulent pas de mecs qui se ruinent à ce jeu. Je dis souvent aux jeunes : « Attention, ne faites pas de conneries. »

« La Team PMU, c'est une famille »

PMU vient pourtant de créer une Team online, alors que comme tu l’expliques la marque ne recherchait pas de jeunes grinders. Pourquoi ce revirement ? 

Attention, c’est une team online, mais ce ne sont pas des jeunes grinders qui ne pensent qu’à ça midi et soir et qui veulent faire fortune. Emile Petit ne fait pas que ça, il a une famille, la tête sur les épaules. Ce sont des joueurs online, mais qui font attention à leur façon de vivre. Emile Petit a un vrai potentiel, il a souvent été loin à chaque fois en tournoi et il a pris pas mal d’argent sur le Net il y a quelques années. Quant à Clément Beauvois, c’est un bon technicien, il n’a pas la même carrière qu’Emile mais il faut lui laisser le temps de s’installer. Surtout, ils possèdent les qualités humaines qu’on retrouve chez PMU: ils ne prennent pas la grosse tête. La Team PMU, c’est une famille. Moi, je ne me prends pas pour le meilleur du monde. J’ai eu la chance d’être pro, mais ca aurait pu être n’importe qui à ma place.

Parles-nous un peu de Guillaume Darcourt.

Il a eu un passage à vide avant les WSOP. Il sautait tout de suite à chaque tournoi et n’était pas bien dans sa tète. Il a eu l’intelligence de réagir en se faisant des cheveux roses pour renaître, et en prenant un coach mental, qui lui a redonné du mordant. Derrière, il a perfé. C’est un joueur atypique, on ne sait jamais avec quelles cartes il joue. Il a le courage d’aller chercher les coups. C’est un génie du poker, et un génie parfois ça merde, et parfois ça gagne. C’est un joueur unique, qui fait rêver. C’est le capitaine de l’équipe, on est très très bon amis.

A-t-il vraiment un rôle de pilier dans la Team, de par son comportement, ses résultats?

Il n’y a pas vraiment de leader dans l’équipe, personne ne se tire la bourre, même si Guillaume s’est imposé comme une personnalité de par son jeu atypique et ses résultats. Mais il n’y a pas de hiérarchie. Je me mettrai en avant s’il le fallait sur n’importe quel sujet.

« Le poker n'est pas un mode de vie»

On a l’impression qu’il règne une très bonne ambiance au sein de la Team, elle dégage un bonne image.


On est simples, on sait parler aux gens, on rigole avec tout le monde, et aussi sur nous-mêmes, on est là pour se marrer. Le poker ce n’est pas un mode de vie, c’est juste un jeu. On a la chance de perfer à chaque déplacement, On fait preuve de régularité. Winamax et PokerStars nous ont dit qu’ils nous voyaient comme une vraie team. C’est vrai, on est peut-être la team qui a le plus apporté à une room. PMU.fr n’était pas connue, maintenant si. Ils nous ont fait confiance, on le leur a bien rendu, c’est gagnant-gagnant. Et on a la chance d’avoir un staff exceptionnel. C’est le rêve, on se remonte le moral, on nous appelle même quand on perd pour nous dire que ce n’est pas grave.

Quand se termine ton contrat ? Peux-tu en dévoiler les termes ?


Nous avons tous signé pour deux ans. Le premier anniversaire sera fêté lors du WPT Amnéville début novembre, il reste donc un an. On a un beau contrat qui nous permet de vivre notre rêve. Je penses que nous avons des contrats différents, que Guillaume en a logiquement un plus élevé. Rebecca Gérin est mère de famille, elle a demandé à jouer moins que nous, c’est normal. Mais je sais qu’il y a des joueurs sponsorisés qui n’ont même pas le contrat de Rebecca. Parfois, on se paye quand même quelques buy-ins de notre poche avec Jean-Philippe Rohr. PMU continue à nous faire confiance, ils sont satisfaits des résultats obtenus. On a eu la chance de discuter avec le président du PMU, très peu accessible. Tout le monde nous connait dans l’entreprise !

Pourquoi avoir créé ton site internet ?

J’ai besoin de partager avec les gens du poker. Ça marche bien, il y a 500 visites par mois, je suis assez content. Ça me fait aussi un mémoire pour mes vieux jours ! J’ai besoin de faire partager mes sentiments, de raconter des choses. Mais je n’ai pas suscité de vocations dans la Team. Guillaume Darcourt en avait bien parlé, mais ne l’a pas fait. Quant à Jean-Philippe Rohr, ce n’est pas son truc, Rebecca non plus. Moi je suis comme dans la vie, j’aime partager.


De quelle performance es-tu le plus fier depuis le début de ta carrière ?

Mon meilleur souvenir reste ma bulle lors du L.A Poker Classic. Avec Guillaume Darcourt, on avait demandé à PMU de faire le tournoi, le buy-in étant quand même de 25.000 $. C’était hors du programme mais ils ont finalement accepté. J’avais la chance de disputer ce tournoi, du coup je jouais hyper serré. Sur le coup, Dan Heimiller relance, et je découvre la pire paire possible : les valets. Je surrelance, il fait tapis. Je réfléchis pendant dix minutes. J’entends Guillaume Darcourt qui explique à sa femme derrière moi que je si j’ai mieux qu’une paire de dix, je dois tout envoyer… Beaucoup de paramètres entrent en jeu à ce moment : la confiance que m’a accordé PMU pour ce tournoi, la pression… Je finis pas payer et Dan retourne une des pires mains pour moi, Roi-Dame. Il touche une Dame au flop mais un Valet tombe a la turn. Et là, tout le monde fait des bonds de 15 mètres, Guillaume saute en l’air, c’est dingue ! Ça reste un très bon moment de poker au niveau de l’émotion.

Quels sont tes objectifs pour le reste de l’année ?

Je veux faire une table finale sur un gros event live, je pense jouer tous les gros tournois d’ici 2012. Le but est de revivre de grosses émotions. Là je suis parti à Londres pour l’EPT, avec des Français, il y a vraiment un cercle de joueurs français sur le circuit, comme on a pu le ressentir à Vegas lors des WSOP. Je suis très motivé. Il y a encore des beaux tournois comme les WSOP-Europe sur lesquels je veux faire une belle perf'. Je suis à la recherche d’un grande table finale sur un event live, c’est ce dont je rêve le plus. Je vais jouer beaucoup d’EPT et de WPT. J’aime autant les gains que ça rapporte que la performance.

« Est-ce qu’un coin flip vaut 400k ? »

Pour terminer, as-tu un coup de gueule ou un coup de cœur à passer ?

Oui, il faut arrêter avec ces payouts de m… ! Il y a trop d’argent pour le premier et pas assez pour les autres. Il faut au moins doubler les gains par rapport au buy-in. Par exemple à l'EPT Barcelone, le premier prend 800.000 € et le deuxième 400.000 €. Est ce qu’un coin flip vaut 400k ? Il faudrait faire des paliers toutes les trois places, tu as l’impression d’évoluer. Ce n’est pas viable pour des joueurs non sponsorisés comme David Jaoui, Mercedes Osti, Laurent Leclerc. Avant, ils faisaient tous les tournois. Aujourd’hui, on ne les voit plus sur les épreuves internationales, car ils perdent de l’argent ! Un mec qui fait 20ème toute l’année, il perd de l’argent. Mais un mec qui chatte une fois, il est tranquille. On nous vend des tournois avec des prizepools à 4 millions d’euros garantis, et on insiste sur les gains des vainqueurs. Il faut faire avancer le débat, y’en a marre. Et tous les joueurs à qui j’en parle sont 100% d’accord. Si on continue comme ça, on va perdre des joueurs, car le combat est perdu d’avance, il faut changer les choses. J’essayerai bien de regrouper les joueurs dans une fédération ou une association. Défendre mes points de vue, pour qu’on ne soit pas des vaches à lait. Si certains veulent m’accompagner, ils sont les bienvenus !

Propos recueillis par Maxime Arnou
NB : ce samedi Philippe est qualifié au jour 2 de l'EPT Londres et il détient 51600 jetons.
 

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