PSYCHO : Restez focus ! Part II


PSYCHO : Restez focus ! Part II

Chaque instant de notre vie est essentiellement irremplaçable”‰: sache parfois t’y concentrer uniquement. Sur cette citation d’André Gide, nous allons aborder le sujet complexe de la concentration !

Au poker, vous avez différents contextes : le online, le live….

 

En live, où l'attente est la règle et l'action l'exception, le principal écueil est de parvenir à rester concentré sur le long terme. Les parties de cash game ou les tournois peuvent durer de nombreuses heures, des jours ou des nuits entières parfois.

 

Dans la grande majorité des cas, nous ne sommes pas impliqués dans les coups. Entre les mises ou les interminables réflexions de certains joueurs et le croupier qui compte les jetons ou mélange les cartes, le temps peut paraître parfois long, très long. A fortiori quand on ne reçoit pas de jeu. Du coup l'ennui, la dispersion, les pensées parasites ou encore la fatigue ne favorisent guère une concentration optimale.

 

L'un des secrets des joueurs gagnants réside dans leur capacité à se concentrer sur le jeu et leurs adversaires et à glaner un maximum d'informations à une table. Outre une connaissance stratégique et technique supérieure, ils ont surtout développé une forte empathie, cette capacité à se mettre à la place de l'autre, à lire dans les pensées des joueurs adverses. Pour cela, ils misent beaucoup sur l'observation de leurs adversaires, sur l'analyse du jeu, histoire de glaner un maximum d'informations ou d'indices.

 

Sur quoi se concentrent-ils précisément ? D'abord sur leur stratégie et le style de jeu de leurs adversaires : ceux-ci sont-ils looses ou au contraire tights, plutôt passifs ou agressifs, weaks ou calling stations, quelle est leur fréquence de 3-bet preflop, relancent-ils souvent postflop, etc...

 

Recueillir ce type d'informations peut vous donner un avantage décisif sur vos adversaires. Pour cela, il faut parvenir à rester lucide et concentré sur le jeu pendant de nombreuses heures, une partie de poker durant rarement dix minutes. Facile à dire, moins facile à faire...

 

Mais soyons honnête, nous ne sommes pas des ordinateurs et il est impossible de rester concentré à une table de poker ou ailleurs de manière ininterrompue pendant plusieurs heures. Du coup, mieux vaut se ménager des phases de décompression lorsque le croupier mélange les cartes ou manipule les jetons par exemple... et se reconcentrer quand le jeu reprend. Savoir décompresser, perdre momentanément sa concentration et la reprendre aussitôt est sans doute l'une des clés de la réussite à ce jeu.

 

Je travaille avec tous mes joueurs de poker sur cette capacité à se concentrer quand c’est nécessaire mais aussi à se relâcher voir décompresser quand ils le peuvent. Une des choses qui m’avait frappé au début quand j’ai suivi des joueurs en tournois est l’incohérence qu’ils avaient à vouloir être concentré tout le temps et à continuer à se concentrer lors des « breaks » en racontant leurs coups (gagnés ou perdus) ou en essayant d’analyser les coups de leurs partenaires de ce genre de discussions. J’ai beaucoup insisté sur la capacité à se concentrer par moments et à se relâcher dès qu’ils le peuvent comme expliquer plus haut. De plus, je leur ai demandé, dans le but d’être performant toute la journée, d’utiliser les breaks pour ce qu’ils sont : des pauses, des plages de récupération.

 

Ludovic Lacay avait par exemple mis en place une routine qui me semble excellente à chaque pause. Il commençait par s’alimenter et s’hydrater (apport en glucose), il sortait prendre l’air (oxygénation) en évitant toute discussion poker, puis quelques minutes avant de reprendre le jeu, il élaborait une stratégie globale pour le prochain niveau. 

 

S’adapter au rythme d’internet

 

Online, la donne change complètement. On passe même d'un extrême à l'autre. Sur Internet, le rythme est évidemment bien plus rapide. Vous jouez facilement 4 fois plus de mains en une heure que dans un cercle de jeu ou un casino. Et même 10, 20, 30 fois plus de mains si vous multitablez. Du coup, ce n'est plus l'attente et l'ennui qui guette, mais plutôt la suractivité, voire le burnout. 

 

Attention du coup à ne pas jouer trop de tables par exemple. Difficile de se concentrer quand il y a trop d’informations. On commence alors à jouer un poker automatique et il est impossible de se concentrer pleinement sur chaque joueur et chaque coup. 

 

Sur internet, pour conserver une concentration optimale, mieux vaut donc jouer un nombre de tables qui vous convient et, surtout, se ménager des plages de repos. L'activité est bien plus fréquente, du coup la fatigue survient plus rapidement et la concentration fléchit tout aussi vite. Un peu comme un conducteur à qui l'on conseille de s'arrêter toutes les deux heures sur l'autoroute, le même conseil pourrait être donné à un jouer de poker online. Faites des pauses dès que votre attention fléchit et évitez de disputer des sessions trop longues. 

 

L'autre écueil du poker online réside enfin dans la multiplicité des distractions possibles. Difficile en effet de rester pleinement concentré sur le jeu lorsque la télé est allumée, que vous surfez parallèlement sur Internet, ou que vous discutez avec des amis sur Skype…

 

La concentration se travaille !

 

La bonne nouvelle est que l’attention est une capacité et que donc elle se travaille. Je demande régulièrement à mes joueurs de faire cet exercice :

 

Lors d’une session online, se préparer 5 minutes avant en pensant aux objectifs sur lesquels porter son attention (voir plus haut). Déclenchez le chronomètre, puis soyez vigilants au moment où cela devient compliqué, où votre esprit commence à se balader dans le passé ou le futur. A ce moment acceptez que la déconcentration arrive et comptabilisez le temps durant lequel vous étiez concentrée. Octroyez-vous une petite pause ou décompressez en resserrant votre « range » de mains afin de jouer beaucoup moins de coups. Quand vous vous sentez à nouveau d’attaque, recommencez l’exercice en cherchant à tenir légèrement plus longtemps. Il n’y a pas de bons résultats de temps, il est juste nécessaire de chercher à progresser.

 

Quelques autres sources de déconcentration

 

La démotivation

 

Certains donnent l’impression de ne pas être impliqués, concentrés. La tâche leur plaît-elle ? Est-elle adaptée ? Pour mobiliser une concentration optimale,  la tâche doit être intéressante et faire appel à des compétences adaptées. Elle ne doit être ni trop dure, ni trop facile.

Une autre source de manque de concentration est la déception liée à un résultat défavorable.

 

Les éléments extérieurs

 

Si vous devez faire plusieurs choses en même temps, le risque est de vous faire déborder, ou de vous agacer car une tâche vient balayer une autre et vous frustrer. Vous devrez dans ce cas « travailler » votre souplesse, votre adaptabilité pour mettre de l’huile dans vos interactions. Vous apprendrez la hiérarchisation des tâches et prendrez le temps nécessaire pour faire les choses.

 

Vous devrez effectuer la même démarche pour mettre de la souplesse entre ce que vous escomptez (détermination d’un objectif précis) et ce que vous obtenez. Les obstacles sur la route de vos objectifs viennent mettre en tension votre patience et tester votre persévérance.

 

Churchill n’avait-il pas dit « la réussite est d’aller d’échecs en échecs tout en gardant son enthousiasme »

 

Pour les éléments extérieurs, c’est pareil pour tout le monde y compris votre adversaire. Soyez honnête et responsable : acceptez et intégrez les événements et les circonstances dans votre performance.

 

Ceci s'applique parfaitement au poker, où vous ne maîtrisez pas tous les éléments (la chance joue un rôle partiel mais important sur le court terme). Il faut s'inspirer de la philosophie stoïcienne, qui distingue ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. « Agis sur ce que tu peux modifier, accepte ce que tu ne peux pas modifier, et fais la différence entre les 2», disait Epictète. Ou plus récemment, André Comte-Sponville : « A quoi bon rejeter le réel ? Mieux vaut le transformer, quand on peut, ou s'y adapter, quand on ne peut pas. »

 

Les éléments intérieurs

 

Le cerveau ne s’arrête pas de produire des pensées en permanence, la seule solution pour chasser une pensée qui vous déplait est d’y mettre une pensée qui vous sied mieux car le cerveau a horreur du vide comme le proclamait Bandler1.

 

Si vous êtes impacté par des émotions stagnantes : c’est que vous n’avez pas digéré un évènement. Il est temps de débriefer et verbaliser les choses.

 

La visualisation est une bonne technique pour se préparer et accepter les éléments perturbateurs et ne pas se laisser entraîner par ses peurs. Lors de sa première table finale à Prague, j’avais proposé à Manuel Bevand une séance de visualisation le 1er jour. Il m’a demandé de le refaire tous les jours. Je lui demandais de s’imaginer son arrivée, son installation à la table, le maximum de situations positives (gros coup gagné, position de chip leader,…), négatives (perte de nombreux jetons, bad beat,…) ou stressantes (approche de la TF, décision « close »,…) et d’imaginer sa réaction, son attitude ou son comportement (calme, lucidité, engagement,…) dont il aurait besoin dans ces situations.

 

Vous l’aurez compris, une concentration performante se travaille, que ce soit pour être plus fréquemment dans l’instant présent ou pour éviter le plus possible toutes les dispersions. Alors bon travail !

 

Par Pier Gauthier, coach mental professionnel

 

Ancien joueur de tennis professionnel (18ème Français), Pier Gauthier a lui-même travaillé avec un coach mental pendant cinq ans. Après voir arrêté sa carrière à 26 ans pour des raisons de santé, Pier décide de se mettre à entraîner en utilisant ses méthodes de coaching mental très peu utilisées à l’époque. Tout en se formant au coaching mental (Master en PNL, certification en coaching), il commence à entrainer des jeunes de sa région, qui deviennent très rapidement les meilleurs de la ligue. Cette progression attire un joueur d’une autre ligue, Cyril Saulnier, qui passe en six mois de la  900ème place au classement ATP à 90ème mondial. Pier coache plusieurs des meilleurs joueurs français comme Sébastien Grosjean, Gaël Monfils, Mickael Llodra, Lionel Roux … Le point d’orgue reste sa collaboration avec Sébastien Grosjean en 2001, permettant au n°1 français de réussir sa meilleure année sur le circuit. Pier se positionne ensuite uniquement en tant que préparateur mental en intervenant dans d’autres disciplines (foot, golf, voile, équitation, …), les résultats obtenus prouvant que l’aspect mental était déterminant. En 2010, Pier est sollicité par le Team Manager de Winamax Stéphane Matheu. Le premier joueur à s’investir est Manuel Bevand et ses résultats significatifs (trois premières tables finales en 6 mois) donnent des idées aux autres. Ludovic Lacay tente aussi l’expérience et gagne son 1er titre majeur. De nombreux joueurs vont alors faire appel aux services de Pier : Davidi Kitai, Sylvain Loosli, Fabrice Soulier, Gaëlle Baumann, Ludovic Riehl, Tristan Clémençon, Nicolas Levi, et de nombreux joueurs online. Pier coache maintenant depuis plus de 15 ans des sportifs, joueurs de poker, cadres et dirigeants d’entreprise, tout en dispensant des formations pour le compte de grandes sociétés. Pier a écrit en 2013 avec son associé Jean-Marc Sabatier un livre qui explique leur approche et leur méthode : « La force du mental » aux éditions Dunod. Vous pouvez retrouver ses formations spéciales pour les joueurs de poker sur son site internet : www.celionscoaching.com.

 

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